Après une rencontre assez intéressante à Oshibana, qui m'avait quelque peu remonté le moral, j'avais décidé de continuer mon trajet de retour à la guilde. Finalement, la situation n'était peut-être pas si mauvaise. Je devais donc garder le moral. Enfin, le même que j'avais avant que toute cette histoire ne commence. Je réglerais le reste en temps voulu, quand cela se présentera à moi. Comme je l'avais toujours fait. Entre temps, vu que j'avais encore un certain temps de trajet, et pas mal de marche après la gare, je décidais de prendre un peu de repos. Seulement voilà : quand on accumulait la fatigue, on dormait profondément. Et le fait de choisir un compartiment où personne ne se trouvait afin d'avoir la paix signifiait que personne n'était venu me réveiller lorsque le train avait fait arrêt à Magnolia, là où je devais prendre la correspondance pour Hargeon, là où je descendais habituellement.
Je me trouvais donc à l'extrémité de la ligne, à savoir Mac Anu, quartier général de l'armée runique de Fiore... Idéal pour quelqu'un comme moi qui tâchait d se faire discret, n'est-ce pas ?
J'aurais pu m'énerver, mais franchement, cette fois-ci, je ne pouvais m'en prendre qu'à moi. Je décidai donc de faire contre mauvaise fortune bon cœur, et de continuer mon voyage normalement.

J'avais également compris que masquer mon visage pourrait signifier que j'avais quelque chose à me reprocher. C'est donc à découvert que je traversais la ville en direction de la sortie Sud. Seulement voilà, entre l'arrêt prolongé à Oshibana, le trajet, et d'autres critères, je commençais à avoir très faim. J'avais bien entendu des rations dans mon sac, mais pourquoi se contenter de ça quand je pouvais avoir un bon plat chaud avec une boisson fraîche juste ici. Je décidais donc de m'arrêter dans une taverne pour profiter d'une collation bien méritée. Taverne qui se trouvait juste à côté de la caserne, mais vu que je ne me cachais plus... De plus, à chaque fois que j'essayais d'éviter les ennuis, je tombais aussitôt dessus. Peut-être qu'en m'y exposant un peu, j'arriverais à passer une journée tranquille, qui sait ?
Apparemment, ça ne marchait pas comme ça, vu que juste avant d'entrer, je percutais un homme en train de soutenir une jeune femme passablement ivre, à en juger par l'odeur. Rien de grave jusque là, d'ailleurs je m'excusai aussitôt.

Attention où vous allez, les amoureux. Dis-je avec un sourire amusé par la situation.

Cependant, l'homme m'interpella, et m'observa attentivement tandis que je lui rendais son regard. Pas de doute, il savait qui j'étais. Ce qui n'était pas encore un problème trop grave, avant qu'il ne se présente à moi. Un chevalier runique, donc ? En même temps, le seul endroit où j'avais plus de chances d'en rencontrer que dans cette ville, c'était à Era. De plus, il était stationné à cette caserne juste à côté. Donc, si j'avais voulu causer de problèmes, ç'aurait été un jeu d'enfant pour lui d'appeler des renforts. Pas que ça ait jamais été mon intention, bien sûr. Il demanda alors à me parler sans cérémonie. Et bien que j'aie décidé de m'améliorer un peu après ce qui avait failli m'arriver à Gehenna – ou ce qui m'était arrivé, ce n'était pas encore clair – je ne pus m'empêcher de lui répondre avec une certaine insolence.

Bien entendu. Mais là, je vais manger. Donc il faudra attendre ou m'accompagner. Et avec ta copine dans cet état, je pense que tu as plus urgent à faire. Reviens me voir quand tu auras réglé ça : je ne m'enfuirai pas.

Puis, sans attendre sa réaction, je les contournai pour entrer et me commander à manger.

Et voilà, une fois de plus, je n'avais pas pu résister à mes mauvais penchants. Dans une situation qui pourrait s'avérer périlleuse, au lieu de laisser passer, il avait fallu que j'ouvre ma grande gu– bouche. La jeune femme appuyée sur le chevalier runique était sérieusement imbibée, mais apparemment, elle travaillait pour le Conseil elle aussi, car elle déclara que j'étais arrêté dès qu'elle crut me reconnaître. Et c'était là que, sans même pouvoir me retenir, j'avais décidé de la provoquer. Non pas car c'était un chevalier runique, et encore moins car c'était une femme. Mais tout simplement à cause de son état d'ébriété. J'ignorais tout de son niveau et de ses capacités. Peut-être aurait-elle été capable de me retourner comme une crêpe si elle avait été en pleine possession de ses moyens, mais là... Aucune chance. Cependant, j'aurais sans doute pu choisir une autre expression que celle-là, comme son collègue me le fit remarquer aussitôt.
Mais je fus sorti de mon embarras par la jeune femme, lorsque, toujours sous l'effet de l'alcool, elle me demanda si j'étais un acteur. En fait, elle ne savait même pas qui j'étais. Pour une fois, ça faisait du bien. De plus, quand je leur dis que je souhaitais me restaurer avant, elle sauta sur l'occasion pour dire qu'elle avait faim elle aussi, et que c'était de la faute de son compagnon. Ainsi donc, il pourrait nous tenir à l'oeil tous les deux. Et ben mon gars... Il était pas sorti de l'auberge.

Nous prîmes donc une table pour trois, et je jetai rapidement un œil à la carte avant de commander une part de ragoût. Le jeune chevalier, Kenta si j'avais bien entendu, choisit son plat et celui de sa copine. Pendant que le serveur allait les chercher en cuisine, ce dernier me regarda un bon moment avant de me poser une question simple, mais qui appelait une réponse plus complexe. Je remarquais son air ennuyé, mais je n'y prêtais guère attention, et lui répondis d'une voix assez calme, je pensais.

Bien entendu, j'ai pris une décision stupide, mais je ne suis pas pour autant débile...

Je le regardais dans les yeux à mon tour afin de voir quel genre d'homme c'était. Il n'avait pas l'air du chien-chien fidèle au Conseil au point de ne plus réfléchir par lui-même. La preuve en était qu'il ne s'était pas jeté sur moi pour me menotter sans même me laisser placer un mot. Ce qui aurait été malvenu de sa part, sauf s'il voulait prendre un arrêt de travail pour cause de blessures. Alors que les plats arrivaient, je commençai à manger avant de poursuivre ma réponse.

Mais aucune solution ne me convenait, alors j'ai choisi la moins pire à mes yeux. Et pas celle que le Conseil aurait aimé me voir prendre. Je ne marche pas à la baguette, moi.

J'avais décidé de lancer une pique, un sous-entendu vexant, pour voir de quel bois il était fait. S'il réagissais au quart de tour et prenait aveuglément la défense de ses supérieurs, alors ça signifierait qu'il n'était qu'un de ces petits soldats sans âme ni conscience. Si au contraire il réfléchissait... Et bien ça serait preuve d'une certaine intelligence de sa part. Je ne savais pas réellement pourquoi je voulais savoir de quel bois il était fait. Sans doute car j'en avais un peu marre que ce soient les autres qui me jugent. Sa copine était un chevalier runique elle aussi, mais dans l'état d'ébriété où elle se trouvait, je doutais sérieusement qu'elle comprenne l'allusion dans ma phrase. Déjà qu'elle m'avait confondu avec un acteur...
Cependant, malgré l'alcool, ou peut-être justement grâce au manque d'inhibition accordé par celui-ci, la jeune femme sembla comprendre ma réponse, et rétorqua même de façon assez intelligente, tout en jouant avec une étrange pièce. Cependant, entendre un agent du Conseil dire « qu'importent les lois » était assez ironique. Et en un sens, rafraîchissant. Ça changeait de beaucoup d'autres.

Les plats finirent par arriver, et nous mangeâmes tous les trois à peu près en silence, savourant le repas, et sans doute réfléchissant un peu aux paroles échangées. Oui, en effet, je connaissais les risques. Mais étais-je réellement prêt à les assumer ? Secrètement, pendant tout le temps qui avait précédé la bataille, j'avais espéré que je parviendrais à y échapper. A retourner à ma vie sans devoir me préoccuper de ce que j'avais fait, ou du regard des autres. J'avais fait preuve de lâcheté et compté sur la chance. Hélas, elle n'avait pas été de mon côté, et désormais, je devais vivre avec ma conscience, et avec le regard des autres... Ça ne serait pas agréable, mais je survivrais. J'avais déjà décidé depuis longtemps d'aider les gens même quand ils refusaient mon assistance, ou m'en voulaient. Ça ne serait qu'un fardeau de plus.

Alors que nous finissions nos assiettes, la blonde remercia Kenta, avant de se retourner de nouveau vers moi, et de me regarder. Longuement. Je rougissais quelque peu, gêné par cette attention, mais avant que je ne puisse lui demander pourquoi elle me fixait, elle se leva, et contourna la table pour venir me chuchoter à l'oreille. Je levais un sourcil, étonné de sa démarche, et aussi du fait qu'elle ne s'en rende compte que maintenant. Sans doute le fait de prendre un repas solide avait-il atténué les effets de l'alcool dans son organisme, lui permettant ainsi de récupérer une partie de ses esprits. Ce qui me surprit aussi, ce fut mon absence d'irritation à la mention de ma parenté. Il y a peu, j'aurais renversé les chaises, la table, et peut-être même mis mon poing dans les dents de la personne qui aurait abordé ce sujet. Mais ici, je réussis à garder mon calme. Néanmoins, je me devais de lui répondre, je me tournai donc vers elle.

Et c'est à cet instant qu'elle m'embrassa sur la bouche.

Loin de moi l'idée de vouloir profiter de la situation, mais je restai figé trois ou quatre secondes dans cette situation, tant ma stupéfaction et mon effarement étaient grands. Cette fille que je ne connaissais ni d’Ève ni d'Adam, et que je venais de rencontrer il y a moins d'une heure me roulait soudainement une pelle ?! Alors que je devenais écarlate, et que j'avais l'impression d'entendre le disjoncteur sauter à l'intérieur de ma tête, je repris mes esprits, et par un déplacement que je ne m'explique toujours pas, je me retrouvai soudainement à trois mètres de ma place précédente. Et si je ne m'étais pas retrouvé dos au comptoir, j'aurais sans doute pris encore plus de distance.

NON MAIS ÇA VA PAS ?! ESPECE DE... DE... DE SUCCUBE, VA !!!

Je criai ces mots dans un état proche de l'hystérie, et en tout cas, en panique totale. Je m'étais toujours considéré comme une personne chaste, et je n'avais jamais particulièrement prêté attention aux filles, mais je savais malgré tout que ce comportement n'était pas banal. Certes, pour être tout à fait franc, cette fille n'était pas mal physiquement, MAIS, je n'avais rien fait ni rien demandé à personne, et elle me sautait soudainement dessus ? Et après, on allait encore me dire que je causais des problèmes ? Mais c'était quand même pas de ma faute si après avoir réussi à semer toutes les filles qui voulaient m'étrangler, je tombais sur une de ce genre-là, non ?
Me tournant vers Kenta, toujours écarlate, je lui désignai d'un bras tendu celle dont je supposais, il y a quelques minutes encore, qu'elle était en couple avec lui.

Kenta ! Si elle recommence ça, je ne réponds plus de moi ! Et tant pis pour la prison !

Ok, calme, Jet, tu peux t'en sortir. C'est pas la première fois qu'une foldingue t'embrasse à pleine bouche sans raison aucune. Après réflexion, si : PANIQUE TOTALE ! Hein ? Quoi ? Comment ? Pourquoi ? Qui ? C'était quoi ce petit arrière-goût ? Comment elle fait sa avec sa langue ? Est-ce que c'était vraiment si désagrable au final ? ...

Pause.

Dans le cours-circuit cérébral qui avait suivi, certaines parties du cerveau de Jet n'ayant jamais servi auparavant ont été étrangement activées. Cela tend à expliquer pourquoi, au milieu de nombreuses questions assez logiques, d'autres étaient plus inattendues, surtout venant d'un gamin inexpérimenté et n'ayant jamais manifesté le moindre intérêt pour le genre opposé. Si quelqu'un avait pu lire le bazar formé actuellement par les pensées du jeune homme, il aurait pu croire que ce dernier manifestait en fait une certaine perversion cachée jusqu'ici. Il n'en est rien, et il reprendra le cours plus ou moins normal de sa vie sinistre et ennuyante quand ses neurones arrêteront de faire des heures supplémentaires, c'est à dire dans cinq, quatre, trois, deux, un...

Redémarrage.

Hein, quoi ? Je me rappelais plus trop ce qui s'était passé après ma crise, comme une sorte de black-out total. En tout cas, ça m'avait permis de me calmer. J'entendis donc sa réplique assez provocatrice, ainsi que sa gestuelle qui l'était plus encore. Frissonnant instinctivement, je lui répondis d'une vois mal assurée.

Même pas en rêve...

À ce moment précis, Kenta intervint, faisant ironiquement écho à ma première phrase lors de notre rencontre, juste à l'entrée du bar. Et c'était volontaire, au ton de sa voix. Je voulus aussitôt nier catégoriquement cette allégation, mais la jeune femme me prit de vitesse, répliquant d'un ton cinglant, avant de se précipiter vers lui, et de le saisir fermement par sa chemise. S'en suivirent des cris et quelques coups de poings peu appuyés. Je n'avais pas tout compris, mais ces deux-là semblaient se connaître depuis un certain temps, et il y avait de plus un passif entre eux. Si le jeune homme avait oublié son amie, il était compréhensible qu'elle en ait gros sur le cœur.
Soudain, cessant de sangloter, elle redressa la tête, et se hissa vers son compagnon, avant de l'embrasser longuement. Même si je ne voyais pas tout de cet angle, j'ouvris des yeux comme des soucoupes. Wouahou... C'était à ça que ça ressemblait vu de l'extérieur ? Et je faisais une tête pareille moi aussi ?

Après un instant, le baiser cessa, et Amandil s'écarta en pleurant silencieusement. Silence qui fut reproduit par Kenta. Je crois qu'il avait besoin de réfléchir à ce qu'il venait de se passer. À moins que son cerveau à lui aussi ait disjoncté ? Je profitai de ce calme pour me rapprocher de ma place précédente, l'air encore un peu perdu malgré tout. Le chevalier finit par répondre, d'une voix pleine de regrets. Et la rejeta, hélas pour elle. Ne connaissant pas toute l'histoire, je n'avais bien entendu pas tout compris, mais apparemment, la jeune femme aimait son ami d'enfance, qui ne lui rendait pas de la même façon. C'était bien compliqué les sentiments. Voilà pourquoi je ne me liais jamais à personne, surtout de cette manière ! Et puis, soyons francs : même si par miracle je décidai de me caser, ou simplement d'entretenir une relation amoureuse, qui serait assez folle, stupide ou inconsciente pour se mettre avec moi et me supporter sur le long terme ? Même moi, je ne me supportais pas, par moment !
Revenu à table, je me rasseyai sur la banquette opposée à la leur. Après ce qu'il s'était passé entre ces deux-là, je ne savais pas trop quoi dire ou faire. Finalement, c'est mon estomac qui trouva les mots, même si ceux-ci semblaient un peu incongrus vu la scène qui venait de se dérouler.

Au fait, il y a du dessert ?

La situation était rapidement partie en cacahuètes. J'avais décidé de me concentrer sur le repas, non pas par gourmandise ou même par faim, mais uniquement pour ne pas interrompre les deux jeunes chevaliers runiques. Enfin, « jeunes »... Tous deux étaient plus âgés que moi. Et tous deux assez secoués par ce qu'il venait de se passer. Sans doute plus que moi. C'était apparemment un accident dont elle avait juste profité un peu. Un peu trop à mon goût, même. Mais ce n'était rien par rapport à ce que eux traversaient. Elle venait de voir son amour d'enfance brisé, et lui avait du blesser une amie à qui il tenait. Mais pas de la manière dont elle le souhaitait. C'était moche. Enfin, de ce que j'avais pu comprendre. Et moi qui me trouvai à la même table qu'eux, à quelques mètres à peine du drame.
C'était pourquoi j'avais laissé échapper cette phrase totalement hors contexte. En réalité, je n'avais même pas vraiment envie d'un dessert. Mais c'était la première chose qui m'avait traversé l'esprit pour rompre ce silence gênant qui s'était instauré suite à cette situation. Si j'avais su...

Alors que j'avais tourné la tête vers le bar pour voir si ma question stupide avait entraîné une réaction du serveur, il se passa quelque chose d'imprévu. D'inattendu. De déroutant. Je pourrais continuer encore un moment, mais je pense qu'aucun terme ne serait assez fort pour exprimer à quel point je fus... perturbé.
Amandil vint s'asseoir sur mes genoux, ce qui provoqua aussitôt un sursaut de ma part. Quoi ? Mais ça venait d'où, ça ? Je n'étais pas un mufle, mais je voulus réagir en prenant mes distances. Elle ne m'en laissa pas le temps. Pivotant sur elle-même, la jeune femme passa ses bras autour de mon cou et se rapprocha encore, amenant son visage tout contre le mien, tandis que je sentais mon torse collé au sien, ou plutôt aux deux excroissances qui garnissaient le haut du corps de tout individu féminin. Je voulus demander ce qu'il se passait, mais le temps que mes neurones surchauffés arrivent à retrouver le vocabulaire nécessaire dans les vestiges de mon cerveau surchauffé, la diablesse était déjà passée à l'action. Elle prononça quelque-chose à propos d'un dessert, d'un Démon et du fait d'être gentil, mais avant que je ne puisse faire le lien avec mes propres paroles énoncées à peine quelques minutes plus tôt, elle approcha encore sa bouche de mon oreille et -

*Gyaaah ! Aaaargh ! Gaaargl...*

Ces drôles de cris étranglés, que personne n'entendit car aucun son ne parvint à sortir de ma gorge, étaient la conséquence de ce que la jeune fille était en train de me faire subir. C'était, comment dire, vraiment plaisant, et mon corps appréciait grandement cette sensation. Oui, mais justement, ce n'était pas normal ! Je ne devrais pas éprouver ce genre de choses dans ces conditions ! Provoquées par une personne que je ne connaissais que depuis quelques minutes, dans un lieu public, alors que je ne le cherchais pas. Mon corps et me tête étaient en désaccord, et je refusais de me laisser diriger par mes hormones ! Même si...
Elle se releva un instant, et je tentai alors de profiter de ma liberté retrouvée pour m'éloigner fissa avant que mon corps me trahisse. Trop tard. J'avais les jambes flageolantes à cause de son « expérience » précédente, et elle me renversa sur la banquette avant de me grimper dessus, bombant le torse pour faire ressortir ses arguments. J'avais les yeux écarquillés tant de peur que de surprise, et mon visage était d'une belle couleur homard.
Je fus légèrement et brièvement ramené au monde réel par la voix de Kenta qui nous félicita de notre bonheur et nous encouragea. Il me prévins alors que j'avais intérêt à bien prendre soin de son amie, et partit pour ne pas nous déranger. Comme c'était gentil de sa - HEY ! ÇA VA PAS BIEN NON !? Mais alors que j'allais appeler à l'aide, il se détourna vers la sortie, et sa collègue décida de pousser encore son avantage. Elle posa alors sa main sur mon torse, et commença à glisser vers le bas par-dessus ma chemise. C'est à ce moment-là que je me fis violence pour réagir avant que ça ne dérape plus loin, trop loin.

STOP ! PAUSE !

Je me redressai alors rapidement, et posai mes deux mains sur le haut des bras d'Amandil afin de la soulever, délicatement mais fermement, et de la déposer sur la banquette. Puis, avant qu'elle ne puisse m'attraper de nouveau, je me levai d'un bond et reculai de quelques pas. Je tentai alors de prendre la parole d'une voix pas assurée du tout.

Amandil, tu es... tu es certainement quelqu'un de bien et... Et tu es une jeune femme très séduisante. Je... je mentirai en disant que c'était pas agréable, mais... ça va beaucoup trop vite pour moi ! Je veux dire, je viens à peine de te rencontrer, et...

Plus j'avançais dans mes explications, plus ma voix perdait en conviction, et plus je devenais écarlate. Plusieurs clients étaient médusés par la scène qui venait de se dérouler. Enfin, ceux qui n'étaient pas gênés ou goguenards. Et j'ignorais complètement comment la principale intéressée allait réagir. Ce n'était pas très glorieux, mais dans les circonstances, je ne voyais qu'un seul moyen de m'en sortir...

DÉSOLÉÉÉÉ ! Criai-je derrière moi en prenant la fuite par la porte. Je courrai et passai dehors aussi vite que possible, avant de continuer ma course entre les bâtiments, puis de m'engouffrer dans une ruelle à l'abri des regards, et de m'adosser à un mur pour reprendre mon souffle. Je laissai mon cœur reprendre un rythme normal tandis que j'essayais de me calmer. Bon sang, que s'était-il passé là-dedans ? Je n'avais pas tout compris... Mais une chose était sûre, c'est que je ne risquais pas de remettre les pieds à Mac Anu de sitôt ! Avec le nombre de personnes qui avaient été témoins de cette scène, il y avait une possibilité que ça soit répété, déformé et amplifié. Et puis surtout, je ne tenais pas particulièrement à recroiser Amandil après ça. Heureusement, comme elle était casernée dans cette ville, je ne risquais pas de la rencontrer ailleurs... Mais c'était dommage, non ?
Je me flanquai soudain une droite impressionnante sur la joue et trébuchai sous le choc avant de m'appuyer contre le mur et de reprendre ma route sans un mot. Une partie de moi n'était visiblement pas d'accord avec l'autre...