Héspéria et son immense parc d’attraction : Dalt Wisney Resort. Un lieu dans lequel il aurait adoré aller étant plus jeune. C’était un lieu féérique et magique, enchantement et rêve de tout bambin et lui et son frère Valérian n’avaient pas échappé à la règle. Petits et avec l’aide de Celya, ils avaient fait des pieds et des mains pour aller ici, mais leurs parents avaient toujours remis à plus tard leur voyage, jusqu’à ce que leur père les vendent comme esclave. La simple vue au loin des grandes roues et du parc d’attraction, un flot de souvenir le submergea, le plongeant dans une demi-transe où les visages, les sons et les couleurs se confondaient pour tout simplement ne plus ressembler à rien. Même les actions dans ce rêve ne signifiaient rien… Rei discutait amicalement avec Noa, Valérian rait à une blague de leur premier tortionnaire, Jeremiah embrassait Celya… Un fouillis total dans lequel le jeune homme peinait à s’y retrouver. Il fut néanmoins brutalement réveillé par un pavé mal placé qui fit faire un bon au chariot dans lequel il se trouvait. Jetant un œil à l’extérieur, il constata qu’il était rentré dans la ville et sans demander son reste, il sauta de la carriole dans laquelle il s’était clandestinement invité après son départ de Garoth.

Si Leïto ne lui avait pas menti et qu’il avait bien rencontré sa sœur quelques heures plus tôt, les deux villes les plus proches se révélaient être Hydralia et Hespéria, mais comme Rei avait dit l’avoir rencontré à Hydralia, il semblait plus logique que Celya se dirige vers Héspéria. C’est donc avec cette idée en tête qu’il était partit en direction de cette grande ville et de son parc d’attraction connu à l’échelle du pays. S’il manquait de chance, sa sœur aurait pris une toute autre direction, mais il sentait au fond de lui que son malheur et son périple était bientôt terminé. La nuit n’allait pas tarder à se coucher et Celya devait avoir quelques heures d’avance sur lui. Vu l’heure elle devait être partie en quête d’un hôtel ou quelque chose dans le genre lui permettant de passer la nuit. Il se mit donc à la recherche de tous les lieux qui pourraient l’abriter, demandant aux différents patrons des lieux s’ils n’avaient pas vu une jeune femme avec des cheveux verts. Mais bien sûr à chaque fois il tombait sur un os, et finit par baisser les bras.

S’asseyant sur un banc sur la digue qui dominait la plage et la mer, il laissait son regard porter sur l’immensité de la baie. Les lumières, projetées par les lacryma de vision placés tout autour de la plage, éclairaient celle-ci d’une lueur chaude et attirante, donnant presque l’impression d’être en plein jour. Perdu dans sa contemplation de la lune, il ne regarde même plus les passants qui ne cessent de défiler devant lui ; quand soudain, sans savoir si c’est une simple voix, un mouvement, ou même une intuition, il baisse les yeux sur le bord de plage, quelques mètres plus loin. Une jeune femme s’y tient, les cheveux au vent et contemplant l’horizon comme lui quelques secondes plus tôt. Les cheveux verts se balançant dans le vent, un ample manteau sur le dos… Nathanaël pense quelques secondes à un mirage, jusqu’à ce qu’une voix lui arrive aux oreilles :


- Rei...

C’est l’inconnue qui a parlé. Nan en fait ce n’est pas une inconnue, la personne qui se tient devant lui à quelques mètres seulement, il l’a connait bien, ils ont longtemps vécu ensemble, joués ensemble, rit ensembles. Cette inconnue qui se tient sur la plage, c’est Celya, il en est sûr. Se remettant sur ses pieds sans plus attendre, il saute sur la plage, s’approche de l’inconnue rapidement et trace avec les mains un Solid Script Wind, pour que celui-ci soulève doucement les cheveux de la jeune femme. N’étant plus très loin d’elle maintenant, il peut distinctement apercevoir sa marque de naissance en forme d’étoile dans son cou, juste avant qu’elle ne se retourne. Il en a la certitude, cette jeune femme est bien Celya. Seulement, elle l’a senti arriver et s’est retournée, prête à faire face à un adversaire. Levant les mains bien haut pour qu’elle constate qu’il n’a pas d’arme, il répond à sa question calmement, mais avec dans sa voix une pointe de joie et d’anxiété :

« Mais alors Celya, tu ne me reconnais pas ? Agresserais-tu ton petit frère ? »

Et dans un seul mouvement, il retire la casquette qui lui tombait sur les yeux.

Spoiler:

Toujours à une légère distance de sa sœur qui ne semblait pas avoir changé d’un poil durant les années qu’ils avaient perdues, ou peut-être n’était-ce que son imagination qui superposait l’image qu’il avait conservée de sa sœur sur celle de la jeune femme qu’il avait en face de lui. Il retira sa casquette, laissant ses cheveux retomber sur sa nuque et dans son dos. Seulement elle ne semble pas être sûre d’elle, elle ne semble pas vouloir le croire. Cela chagrine le jeune homme, il est attristé de voir que sa sœur n’est pas capable de le reconnaitre du premier coup d’œil. Mais d’un autre côté cela fait si longtemps aussi… Elle a dû vivre de nombreuses désillusions elle aussi et avoir perdu espoir à plusieurs reprises. Elle invoqua un esprit et lui demanda d’aller vérifier si Nathanaël portait bien une marque de naissance dans la nuque. Il se laissa faire, perdu dans ses pensées. Comme Rei lui avait dit, sa sœur était bel et bien une constellationniste ; elle venait d’invoquer sous ses yeux l’esprit de la porte du chien, esprit qu’elle surnommait Flana. Pendant qu’il inspectait la nuque du jeune homme, aucun des deux protagonistes ne faisait le moindre mouvement, les yeux perdus à détailler l’autre.

Et soudain vint le moment fatidique : la petite créature de Celya apporta la confirmation de l’exactitude des propos du jeune homme. Comme une automate, sa sœur se met en mouvement, et petit à petit se rapproche de lui, Nathanaël écarta ses bras pour lui permettre de s’y plonger, ce qu’il fit un instant après. Elle lui murmura quelques mots à l’oreille mais lui, la gorge nouée par l’émotion ne sût quoi lui répondre. Ses larmes coulaient sur les cheveux de sa sœur, alors que sa propre chemise était trempée par les pleurs de la jeune femme. Soudain le voile se brisa et il la vit comme elle était aujourd’hui, et non plus comme la jeune fille qu’elle était il y a plus de dix ans. Elle avait grandi et était devenue une belle jeune femme. Ses cheveux, toujours aussi verts, avaient une longueur assez impressionnante, encore plus longue que dans ses souvenirs. Elle avait grandi, bien grandi, mais il avait aujourd’hui plus d’une tête de plus qu’elle, mais ce qui le surprend le plus, ce sont ses courbes. Celya est devenue une vraie jeune femme et belle de surcroît ; normal que Rei ressente quelque chose pour sa sœur. De sa main droite, il s’essuie le coin des yeux avant de la reposer sur la chevelure de sa sœur. Il aimerait que cet instant dur toujours et pourtant il est le premier à briser cette étreinte.

Il peut maintenant la voir dans tout son ensemble. Avec douceur il lui sèche les yeux et lui sourit. Combien de fois n’avait-il pas rêvé de ça ? Combien d’année n’avait-il pas attendu pour ça ? Il lui était impossible de compter les péripéties et les désillusions qu’il avait subies avant d’en arriver là. Rapprochement doucement son visage du sien, il l’embrassa sur le front, et lui répondit :

« Tu n’imagines même pas à quel point te voir emplit mon cœur de bonheur. Je n’ai pas arrêté de te chercher ces deux dernières années. Sans arrêt… Et je n’aurais jamais imaginé que ce soient deux mages noirs qui puissent enfin me mettre sur tes traces. C’est comme si la providence me les avaient envoyés. »

Il y avait tellement de chose qu’il voulait lui dire. Tellement de choses qu’il voulait vivre avec elle, tellement de choses dont elle devait être informée. Mais pour l’instant il voulait juste profiter de son sourire et de l’éclat dans ses yeux.

Spoiler:

Je n'en crois toujours pas mes yeux. Par quel miracle nous sommes-nous retrouvés ? Est-ce le "Dieu" du temple de Garoth qui a entendu mes prières ? Dans ce cas je ne peux que m'incliner devant ce signe providentiel et admettre qu'il s'agit d'une intervention divine. C'est ce que j'en pense jusqu'à ce que Natha me donne plus d'information avant de remettre sa casquette. Seulement, c'est sur Flana, qui a grimpé sur le crâne de mon frangin, qu'il dépose son couvre-chef.


Riant de bon coeur devant cette scène à la fois comique et mignonne, je réalise à quel point ma famille m'a manqué. En effet, depuis leur départ et plus encore depuis la mort mystérieuse de nos parents, je n'ai que très rarement rit ou même simplement souris. Sauf pour lui. Il a tenu sa promesse et il semblerait que le destin ai décidé de tirer un fil rouge me reliant inexorablement à lui, qui en plus de m'avoir sauvé la vie et de m'avoir ouvert les yeux sur les mages noirs, il m'a aussi permis de retrouver mon frère. Comment est-ce que je peux encore tenter de nier mes sentiments envers Rei après tout ça ? Les étoiles du ciel d'Hespéria et mon frère en sont témoins, mon visage ne sait pas mentir et à cet instant, il a plutôt l'apparence d'une tomate bien mûre si j'en croit la chaleur qui me monte aux joues.


En attendant sa réponse je réfléchie aux autres informations dans la phrase de Nathanaël qui soulèvent aussi bien des questions.

Comment cela se fait-il que Leïto qui n'a aucune dette ou promesse à honorer envers moi ait renseigné mon frère sur ma localisation ? A-t-il compris en voyant mon frère qu'il était le signe que j'attendais ? Est-ce là un stratagème pour me convertir à ses drôles de croyances ? Une chose est sûre, je n'aime pas du tout l'idée de lui être redevable, mais une dette est une dette. Je l'honorerai au plus vite histoire d'en être débarrassée.

Le plus curieux et aussi le plus inquiétant, ce sont les deux années de recherche de Natha. Cela fait dix ans que le marchant d'esclave est venu pour la première fois en l'embarquant lui et Valerian. S'il n'a pas cherché avant, cela ne peut vouloir dire qu'une chose, il ne pouvait tout simplement pas, il n'était probablement libre que depuis ces deux ans. Pour la première fois, j'avais peur d'en apprendre plus sur mes frères. Comment ont-ils vécu pendant tout ce temps ? Où ont-ils atterri après que père les aient vendus ? Trop de questions se bousculent dans ma tête et il est déjà tard, fatiguée par ma journée de recherche je pose une seule et unique question, celle qui me donnera le plus de réponses.


HRP : Désolé pour l'attente et la petitesse déplorable de ce post. =/

Ayant libéré sa sœur de son étreinte, il constata que sa casquette traînait toujours dans sa main. Il entreprit de la remettre sur sa tête, mais elle atteint celle du petit esprit avant la sienne, ce qui déséquilibra le petit chien qui glissa sur son visage avant qu’il ne le rattrape par un bras. Il l’aida à remonter sur son épaule, tout cela sous le regard amusé et le rire franc de Celya. C’était comme à cette époque… Ils étaient heureux et insouciants et rien ni personne ne pouvait jeter la moindre ombre sur leur avenir radieux et prometteur. Pourtant, ce rire au lieu de revigorer Nathanël et de lui décrocher un sourire encore plus large, assombrit encore un peu plus son faciès. Il savait que ces retrouvailles allaient apporter tout un ensemble de questions difficiles, auxquelles il ne voulait pas répondre. Il savait que ce moment tant attendu allait l’obliger à retrouver ses vieux démons et que cette fois il ne pourrait pas se défiler. Pendant un instant, il se dit qu’il aurait peut-être été préférable qu’il ne retrouve pas Celya, car tant qu’il la cherchait, rien de tout cela n’était vraiment réel. Après tout, tant qu’il ne savait pas où était Celya, il pouvait toujours imaginer, dans les moments les plus durs, qu’il n’avait jamais eu de famille, que sa vie n’avait été que douleur et souffrance et que jamais, au grand jamais, il n’avait vécu des années heureuses et paisibles dans une famille aimante. Bien que ce stratagème ne dure que quelques instants, il suffisait néanmoins à adoucir un peu la douleur qui régnait dans son cœur. Mais fort heureusement, sa sœur le lança sur un autre sujet, qui bien que tout aussi sensible, apparaissait presque amusant au regard du visage rouge tomate de la jeune femme.

« Rei allait bien quand je l’ai quitté à Oak Town. Ce type est d’une puissance assez impressionnante, il a écrasé une guilde noire à lui tout seul en un instant. C’était il y a près de deux semaines… Mais je vois avec surprise qu’il aura fallu attendre près de vingt ans avant que tout nous avoue que tu aimais particulièrement les mauvais garçons. »

À la suite de quoi il éclata à son tour d’un rire franc. Mais celui-ci s’arrêta très vite face à la mine beaucoup plus sérieuse de sa sœur. Il comprit qu’à partir de ce moment-là, les vraies questions allaient arriver. Mais contre toute attente il n’y en eu qu’une seule et ce fut la pire de toutes. Cherchant ses mots avec soin, il se mit alors à tout lui raconter dans les moindres détails : la nuit durant laquelle leur père les avaient vendus, les différents passages de mains entre trafiquants, leur arrivée dans la guilde Tartaros, leurs années de souffrance et de douleurs, celle de son frère surtout et son éducation à l’art du combat à main nu et à celui de la magie. Il en arriva après enfin au choix qu’il avait eu à faire : Intégrer Tartaros et tuer son frère, ou bien s’enfuir avec lui et risquer leur vie à tous les deux.

« J’ai naturellement choisi la deuxième option, mais ce fut une erreur. Valérian était trop faible, les expériences que tentait Tartaros sur lui l’avaient terriblement amoché. Mais j’ai quand même pris la décision de nous sortir de là. »

Il laissa quelques secondes à sa sœur pour intégrer ce qu’il venait de lui dire. Dix ans entiers venaient d’être résumés avec des mots qui ne traduisaient même pas une once de l’horreur qu’ils avaient vécus. Mais le pire était encore à venir, et il fallait que Celya l’apprenne de sa bouche, même si elle devait commencer à l’avoir compris.

« Valérian est mort lors de notre fuite de Tartaros. »

Jamais encore sa voix n’avait été aussi nette et distincte qu’aujourd’hui. Pour la première fois, il avait réussi à dire que son frère était mort sans fondre en larme.

Spoiler:

Nathanaël était que nouveau seul, Celya venait de le planter là sur la plage. Apprendre la mort de Valérian avait sans doute été un choc trop dur à digérer en une seule fois et puis elle semblait épuisée. Il l’avait laissé partir sans un seul geste pour essayer de la retenir, l’avait regardé s’éloigné au loin et puis finalement s’était allongé dans le sable. Il n’avait aucune envie de partir en quête d’un hôtel ou d’une chambre quelconque, d’ailleurs les seules de disponibles devaient être celles hors de prix louées par les touristes richissimes venus pour le parc. Aucune chance qu’il n’arrive à trouver quoi que ce soit de descend pour un prix qui reste dans son budget. Allongé là il pouvait écouter la rumeur du vent et les murmures des vagues qui descendaient au loin. La lumière sur la plage était si éblouissante que même les paupières closes il voyait les ombres de ce qui se passait autour de lui. Et puis de toute façon cela lui était égal, il n’aurait jamais pu fermer l’œil de la nuit, quelle que soit la luminosité extérieure ; les derniers mots de sa sœur se répétaient en boucle encore et toujours sans jamais trouver de fin. « Ce n’est pas ta faute » lui avait-elle dit. Mais si seulement elle savait… Si seulement elle savait que le lâche qu’il était avait abandonné le corps brûlé de son frère sur les pavés de Tartaros. Qu’il n’avait même pas cherché à revenir en arrière pour voir si son frère avait besoin d’aide, s’il était encore en vie. Non, tout ce qui l’avait alors motivé n’était que sa propre survie.

Souvent il y avait songé ; et s’il était retourné sur ses pas ? Peut-être aurait-il vu que son frère n’était pas encore mort, peut-être aurait-il pu l’emmener avec lui, le faire soigner et peut-être Valérian serait ici avec lui ce soir, que tous les deux ils auraient retrouvés Celya et auraient recomposés la fratrie. Mais une autre idée encore plus lugubre lui montait parfois à la tête : peut-être que son frère avait survécu à l’enclenchement du piège et qu’il était mort dans d’atroces et longues souffrances. Certainement que Tartaros avait utilisé et bafoué son corps à de multiples reprises pour et par de nombreuses expérimentations. Peut-être même qu’ils l’avaient gardé en vie et s’en servait en ce moment même pour le torturer ou tester toutes sortes de choses ignobles. Cette nuit fut la pire qu’il eut jamais vécu ces onze dernières années ; tous ses vieux fantômes revinrent pour le hanter encore et encore et la joie d’avoir retrouvé Celya se perdaient dans la douleur et le désespoir de son esprit. Finalement il avait peut-être raison, il aurait mieux fait de ne pas la revoir.

Epuisé aussi bien mentalement que physiquement, Nathanaël se releva avec lassitude. La nuit était à peine entamée et il avait l’impression qu’elle allait être particulièrement longue. Marchant sur le bord de la plage, il sortit son manuel sur la Yamii no Moji et le parcourus. S’arrêtant sur une page, il canalisa son énergie et lança le sort qu’il lisait. Mais rien ne se passa… Ce n’est pas comme si le sort qu’il avait lancé était un sort invisible ou nécessitait la présence d’un adversaire, mais il ne se passa clairement rien : aucun changement dans son flux magique, il ne ressentait même rien dans son propre esprit. Enervé par son nouvel échec, il projeta le livre au loin, tire son sabre et se mit à se battre dans le vide, lâchant ici et là quelques Solid Script faibles, mais suffisants pour se calmer. Cela l’occupa une bonne vingtaine de minutes avant qu’il ne s’effondre au sol. Sans l’avoir remarqué ses « exercices » l’avaient amenés jusqu’au livre qu’il venait de lancer. Et soudain le sommeil le gagna enfin.

Il ne sût dire combien de temps il avait dormis, mais il était sûr d’une chose cela l’avait bien plus éprouvé que de rester éveiller. Avec une tête à faire peur à un mort, il était très loin du « plutôt beau garçon qui allait faire un massacre chez la ménagère » dont l’avait qualifié Jeremiah. Retournant au point de rendez-vous, il entreprit de se donner un aspect un peu plus agréable que le triste spectacle qu’allait découvrir Celya en arrivant.

- B...bonjour Natha.

Il ne l’avait pas vu arriver. Les yeux perdus dans le vague sans savoir ce qu’il y cherchait, l’horizon l’aillant soudainement attiré sans aucune explication. Il posa des yeux fatigués sur elle et visiblement elle ne devait pas non plus avoir beaucoup dormis… Il remarqua dans ses yeux une lueur de détresse immense. Spontanément, sans réfléchir, il la prit dans ses bras et la serra contre lui. Il était encore assez tôt et rares étaient les passants à qui arpentaient la plage en ce moment. Pour ainsi dire ils avaient la ville entière et même le monde pour eux en cet instant. Rien n’avait d’importance, même pas leur passé respectif, les blessures qu’ils avaient tous les deux dû supporter. Même le destin tragique de sa famille ne l’intéressait vraiment. Pour l’instant, tout ce qui comptait pour lui c’était de rassurer Celya, celle qui durant leur enfance réussissait toujours à les consoler et à leur rendre le sourire. Celle qui durant leurs tendres et douces années faisait tout pour eux, quitte à mentir pour les couvrir. Celle qui avec une facilité incroyable avait réussi à rentrer dans ce monde si fermé qu’était celui des jumeaux. Peu à peu il prenait conscience de tout ce qu’elle avait dû traverser depuis toutes ses années de séparation.

Ils durent rester plusieurs minutes dans cette position, sans qu’aucun d’eux ne souhaite briser cette étreinte depuis si longtemps attendue. Et puis il se sépara avec douceur et l’entraina doucement s’assoir sur le sable à quelques pas seulement de la rumeur des vagues. Ils s’y installèrent, écoutant les bruits des alentours. L’instant était incroyablement paisible, mais dans sa tête tournaient en boucles plusieurs questions qui étaient là depuis près de trois ans. Depuis qu’il était retourné au manoir des Lutalis en fait. Que c’était-il passé avec sa famille ? Pourquoi Celya avait-elle fuit ? Avait-elle connu le même destin tragique qu’eux ? Vendue à un marchand d’esclave et passant de mains en mains ? Comment avait-elle rencontré la magie ? Pourquoi les villageois avaient-ils aussi peur du manoir ? Tellement de questions qu’il en était devenu fou. Pourtant quand il voulut lui présenter ses interrogations, il n’y en eu qu’une seule qui arriva à franchir ses lèvres, résumé de toutes les autres.

« Que t’est-t-il arrivé durant toutes ces années ? »

Il comprit qu’il avait un grand besoin de savoir, de connaître tout ce qui lui était arrivé, de la même façon qu'il lui avait raconté ce qui lui était arrivé à lui…

Spoiler:

Sa sœur, après un bref moment de réflexion, lui raconta son histoire. Sa voix était claire, calme et semblait presque détachée, un peu comme si elle n’attachait plus aucun crédit à ce passé-là. Et en soit, il la comprenait, lui aussi avait balayé de sa mémoire les premières années de sa captivité, il n’en avait conservé que quelques morceaux, mais ces années-ci ne faisaient pas parties de ses pires souvenirs. Ainsi donc le fait de les avoirs vendus n’avait en rien arrangé l’attitude de leur père qui était devenu encore plus agressif et mauvais que lorsqu’ils étaient encore là. Mais vint le moment où elle lui parla de la nuit où elle fut elle-même vendue. Dès qu’elle commença à aborder le sujet, elle commença à devenir instable et dérangée. Ses yeux étaient perdus dans le vide et absents comme ceux des fous, elle commençait à parler avec elle-même et à s’énerver contre des voix invisibles. Pour en avoir fait l’expérience à la mort de son frère, le jeune homme savait très bien à quel point cela était difficile à traverser et à quel point ce type de folie pouvait nous ronger. Sa sœur s’était redressée et il en fit de même pour essayer de la calmer, celle-ci attirant sur eux le regard des curieux.

Elle finit par reprendre ses esprits, et devant la mine affolée du jeune homme, Celya essaya de le rassurer en essayant de passer le sujet au plus vite. Mais il avait compris : c’était elle qui était à l’origine de la mort de ses parents. Cette nouvelle ne le surpris pas plus que ça. Il accueillit même la nouvelle assez froidement. Après tout, plusieurs fois il avait lui-même songé à revenir au manoir pour assassiner son père qui avait fait de sa vie un enfer. Qu’elle ait tué leur mère le surprit plus, mais la suite de son histoire lui apporta certains éléments de réponse. On pouvait se dire que c’était ce soir-là que Celya avait libéré ses pouvoirs et incapable de se contrôler, elle avait très certainement dû tuer sa mère sans le vouloir. Probablement même sans le savoir… Elle lui parla ensuite de ses années d’errance, à le chercher, à les chercher lui et Valérian. Et une fois qu’elle eut fini, elle essaya de changer directement de sujet pour ne pas qu’il puisse rebondir dessus. Il comprenait, cela devait être pour elle une blessure qu’il lui fallait guérir seule et tranquillement. Elle lui demanda s’il faisait désormais parti d’une guilde, affirmant qu’elle n’en faisait pas partie ce qui confirmait les informations que lui avait donné Rei. Pour toute réponse il tira son bras hors de sa manche pour lui montrer la marque de Crime Sorcière.

Il y a maintenant un an, j’ai rejoint Crime Sorcière. Nous sommes presque tous des renégats, ancien membres de guildes noires ou militaires à la botte des tyrans. La guilde a pour vocation de mettre fin à tous ces règnes de terreurs… Qu’ils viennent des guildes noires, ou du Conseil…

Sa voix était forte, il ne pouvait se permettre que l’on y discerne le moindre doute. Cette guilde était désormais presque tout pour lui et ses idéaux étaient les choses mêmes qu’il cherchait à protéger. Il hésitait à faire intégrer Celya car c’était lui faire prendre un risque, surtout que leur premier grand coup d’éclat serait de faire tomber un tyran. Croisant les bras sur son ventre après s’être assit, il attendit de voir sa réaction.

Leurs retrouvailles touchaient à leur fin. Sa sœur venait de terminer de raconter son passé et lui avait conclu en abordant le début du nouveau chapitre de sa vie. Son intégration à Crime Sorcière était encore un souvenir très flou et dont il n’avait pas forcément envie de parler. Sa sœur fort heureusement ne lui posa aucune question sur ce sujet et réfléchit un petit moment à sa proposition muette. Bien sûr, il avait parlé de Crime Sorcière en sachant que cela intéresserait sa sœur ; son passé, son expérience, ses ambitions, tout chez elle la conduisait vers Crime Sorcière. Elle avait le même désir de purger ce monde de ce qui le broyait et le ravageait de l’intérieur. Leur but à tous deux semblait être le même : protéger la veuve et l’orphelin. On se serait cru dans ces romans de chevaliers qu’on leur lisait quand ils étaient petits, mais ces rêves d’enfant semblaient désormais être devenus des réalités d’adultes. Il ne remarqua pas le subtile changement d’attitude de Celya, pas plus qu’il ne fut étonné par sa réponse. Elle allait intégrer Crime Sorcière, elle le voulait du plus profond d’elle-même et il savait que rien ne l’empêcherait de réaliser ce désir.

Ces paroles eurent sur lui deux effets pourtant totalement contraires : elles lui firent éprouver en même temps la joie et une tristesse. De la joie parce qu’enfin sa sœur allait le rejoindre, que tous deux ils allaient pouvoir réaliser leurs rêves et leurs objectifs, qu’ils allaient surmonter ensemble les épreuves que la vie leur réservait et que plus jamais ils ne seraient séparés. Mais d’un autre côté, cette annonce lui rappela les dangers auxquels s’exposait désormais Celya : les traques incessantes du Conseil et des mages noirs. L’impression tous les soirs d’être surveillés par ses adversaires, ne jamais savoir sur qui elle pouvait vraiment compter. Ses amis pourraient demain se révéler être traitres, même ses amours pourraient un jour la vendre pour une bouchée de pain, ou pour éviter la prison. Sa tête serait mise à prix dans tout le royaume aussi bien par les mages noirs que par Era et Crocus. Les combats se succèderont. Tous ces dangers, et bien d’autres encore, Nathanaël les exposa à sa sœur. Après cela il conclut son petit discours :

« Mais si même après cela tu souhaites toujours nous rejoindre, sache que notre Master t’accueillera à bras ouverts. Tu verras, je ne connais à la guilde que de bonnes personnes, prête à tout pour leurs, pour nos idéaux. Et peut-être même que nous arriverons à te débarrasser de tes fantômes… »

Attrapant sa sœur, il lui baisa le front et passa sa main dans ses cheveux, aussi bien pour la rassurer que pour lui faire comprendre qu’il était fier d’elle et de sa décision. Une autre pensée effleura son esprit, mais il la chassa presque immédiatement. Nan il ne pouvait pas encore lui parler de leur projet pour Hydralia, pas tant qu’elle ne sera pas officiellement dans la guilde. Non seulement cela lui ferait courir un risque énorme, mais celui qu’il ferait prendre à la guilde serait bien plus grand encore. Il devait garder le secret jusqu’à ce que la marque de Crime Sorcière trône fièrement sur le corps de la jeune femme.