Je me trouvais actuellement à Val, une ville paisible où se situe le quartier général de la guilde Quatro Cerberus. Cette visite surprise dans ce lieu avait une raison précise. En effet, je n'avais pas décidé sur un coup de tête de partir dans sa direction, mais plutôt, car j'y avais prévu quelque chose. Effectivement, ayant accompli une mission auparavant, j'avais décidé de prendre un peu de repos bien mérité en venant assister à l'un des plus grands spectacles de cette région. Je m'étais juré de découvrir le monde de fond en comble lors de mon émancipation de la famille Regnard et donc je m'étais promis d'aller voir au moins cela une fois dans ma vie. Et ce jour allait arriver ! D'ici deux jours, allait se tenir à Val un des célèbres feux d'artifices qui faisaient la réputation de la ville. Cet art pyrotechnique m'impressionnait au plus haut point. Cet art éphémère suscitant tant d'émotions, exprimant une beauté des plus remarquables, mais qui s'évanouissait dans un souffle, une détonation, je trouvais cela tellement fascinant, tellement envoûtant qu'en apercevoir un allait me permettre de réaliser un rêve de gosse. Ma réaction devant ces explosifs peut sembler un peu exagéré, cependant, de mon point de vue de gamin de quinze ans n'ayant jamais eu la chance de découvrir cette merveille, elle me paraissait toute aussi normale.

Malheureusement, excité par cette envie profonde de découverte, j'étais probablement parti bien trop tôt de la guilde au cheval ailé et je me retrouvais donc à Val, à devoir patienter deux jours supplémentaires. Deux jours ... cela peut paraître court, mais dans ma tête de bambin dont un rien m'émerveille, les minutes semblaient être des heures et l'impatience évoluait de manière exponentielle. Tentant tant bien que mal de contenir intérieurement celle-ci, dans mon comportement pouvait se ressentir cette pointe de hâte propre à n'importe quel enfant surexcité par quelque chose. Pour passer le temps et essayer de faire passer ce sentiment, je me décidais à me lancer dans la recherche de ce qui allait me servir d'habitation lors des jours qui allaient suivre. Après quelques longues minutes à errer dans les rues de la citée de Val, je finis par parvenir à une auberge. Les tarifs ne semblant pas trop chers, je m'empressais d'aller réserver une chambre. Récupérant la clé, je venais d'accomplir la seule tâche vraiment importante de la journée.

Ne sachant pas véritablement quoi faire pour tuer le temps, je m'installais au rez-de-chaussé de l'auberge afin de me détendre un peu avant le moment tant attendu. M'immisçant dans la conversation de parfaits inconnus, je me joignais à la petite foule présente dans ladite auberge. Au fur et à mesure de l'avancé de la discussion et des thèmes, je comblais peu à peu l'ennui pour finalement, le faire disparaître totalement. Rencontrant des personnes sympathiques, j'eus droit aux récits des exploits des mages de la guilde Quatro Cerberus. Et je pus constater avec plaisir l'enthousiasme éprouvé par mes interlocuteurs, détectant chez eux une pointe de fierté, de reconnaissance voire même d'identification aux mages de cette guilde légale. Devant cette sincérité des plus flagrantes, sur mon visage se dessina un franc sourire. Alors que je buvais chacune des paroles de la conversation, je ne me rendis pas compte du temps passé à discuter. Il faut dire que les prochains feux d'artifices semblaient avoir rassemblé un lot de personnalité toute aussi intéressante les unes que les autres et qu'absorber par une intense conversation, la notion d'écoulement du temps m'échappa totalement. L'auberge se retrouvait désormais bien vide. Effectivement, la plupart des clients n'étant venus que pour picoler au bar de celle-ci, il ne restait dans l'humble demeure que les résidents du moment.

Jetant un rapide coup d'oeil à ma montre-gousset pour remettre mon horloge interne à l'heure et ainsi retrouver la notion de temps, je pus m'apercevoir que la conversation avait été bien plus longue que prévu. Si j'avais entamé la conversation alors que le jour était encore levé, ce lâche avait décidé de fuir sans m'avertir et de laisser place à l'habituel et paisible nuit noire. Mais peu importe ! Je m'étais fixé comme objectif de découvrir un peu la ville dans la journée et malgré ce contretemps, je le ferais que la nuit soit tombée ou non ! Sortant rapidement de l'auberge située en plein centre-ville, je me dirigeais inconsciemment vers la périphérie de celle-ci. Les mains derrières la tête, je sifflotais en observant le ciel étoilé au-dessus de moi. Bientôt ce ciel étoilé serait complété d'une manière des plus remarquables, c'est-à-dire, avec des feux d'artifices virevoltant et explosant dans une détonation aussi stupéfiante que magnifique. Arpentant lentement les rues de la ville, je sentais la brise fraîche de la nuit, venir me caresser le visage et ébouriffer encore un peu plus, ma tignasse blonde déjà bien hirsute.

Mais alors que je marchais tranquillement dans le calme de la nuit, un élément sonore vient alors sonner à mes oreilles. Tel un signal, par la nature de ce bruit, mais surtout, par le contraste entre lui et le bruit environnant, je pus en déduire une forme d'agitation soudaine et anormale. Surpris, je cherchais alors la source de cette voix résonnante que j'avais pu percevoir sans pour autant comprendre. Regardant attentivement chaque parcelle des rues environnantes, j'accélérais le rythme cherchant à découvrir d'où avait bien pu provenir ce bruit. Finalement un craquement se fit entendre ce qui me permit que localiser un peu mieux ce que je cherchais. Débarquant en trombe dans une des rues de la ville, je fis alors une rencontre qui me laissa sans voix. Me figeant d'abord sur place, je restais bouge bée alors que je pouvais observer une scène des plus dramatiques. Devant moi se tenait un petit groupuscule composé de quatre personnes dont l'une semblait être inapte à se relever. Etant probablement encore en dehors de leur champ de vision, je pouvais analyser le comportement de chacun des protagonistes. Un bruit de lame résonna me laissant à penser qu'une arme de jet venait de rencontrer un obstacle. Il s'agissait donc bel et bien d'un affrontement comme je l'avais envisagé dès l'instant où j'avais aperçu cette scène.

Un autre détail m'interpella. Dans l'air lévitait une porte en bois. Phénomène rare ou bien tour de passe-passe de la part de l'une de ces personnes ? Il ne me fallut que quelques petites secondes pour écarter la première option. M'approchant lentement, je vis un homme aux cheveux roux fondre littéralement sur une demoiselle habillée de noir. La porte en suspension semblait avoir suivi son mouvement ce qui me laissa penser qu'il s'agissait d'un mage utilisant la télékinésie tout comme moi lorsque je laissais apparaître le Bloody Rabbit. Bien entendu en tant que mage de Blue Pegasus, ma réaction fut sans appel, d'un geste rapide, je lançais avec précision la dague dont je me servais habituellement sous ma forme humaine dans le but de stopper cet assaillant. Rapidement celle-ci vint se planter dans la trajectoire de la charge du madoshi. À cause de l'effet de surprise, j'espérais bien que celui-ci stoppe sa course et ainsi avorte un quelconque échange de coups. De toute manière ma position d'arrivant ne me permettait pas de dévoiler ma magie aussi rapidement. C'est pourquoi, même si je ne pouvais pas stopper la porte, j'espérais pouvoir au moins stopper le mage.

En envoyant ma dague, je venais ainsi de sortir de l'ombre et donc révéler ma position. Alors que je continuais d'avancer lentement, je finis par arriver à proximité de la scène, dévoilant de cette manière mon identité à l'ensemble des personnes présentes, apparaissant donc au grand jour. Ne me préoccupant pas de ceux dont j'avais espéré ralentir l'affrontement, je fixais attentivement le troisième protagoniste encore debout. Celle-ci semblait être en train de reprendre son souffle ce qui m'amena à la conclusion qu'elle était responsable du K.O de l'homme qui gisait à quelques mètres de nous. C'est alors que je pus remarquer que cette même personne, tenait un mouchoir couvert de sang, comme s'il avait servi à essuyer l'arme d'un crime. Devant l'horreur de cette scène que je n'avais encore jamais rencontré, ma réaction ne fut pas flagrante, mon talent pour rester stoïque peu importe la situation m'aidant beaucoup. La tête basse, sans prononcer le moindre mot, je m'approchais de l'homme inconscient. Tâtant rapidement son pouls, j'eus la satisfaction de voir qu'il était bel et bien encore en vie. L'agrippant fermement, m'assurant qu'il n'ait pas d'hémorragies, je déplaçais lentement cette masse afin qu'elle soit hors d'atteinte de toute passe d'armes. La scène devait être très certainement comique à regarder puisque du haut de mon mètre soixante, je faisais bien pâle figure face à ce colosse de la nature.

L'appuyant contre le mur d'une maison environnante, je m'accroupissais à ses côtés constatant qu'il n'avait été victime de blessures profondes, mais de simples égratignures. Immédiatement, mon sang ne fit qu'un tour et une nouvelle interrogation apparût dans mon esprit. De qui provenait le sang présent sur le mouchoir que j'avais aperçu tout à l'heure ? Me rappelant de la porte fracassée, la stupeur me prit lorsque l'idée d'un meurtre d'un habitant de cette demeure me germa à l'esprit. Me concentrant à nouveau sur la situation, d'un geste ample, j'enlevais ma veste arborant le symbole bleuté du pégase afin de "protégé" le malheureux assommé de la fraîcheur de la nuit. De cette façon, j'aidais un peu cette personne tout en montrant aux autres protagonistes qu'ils avaient en face d'eux un mage officiel d'une guilde relativement connue. En me relevant je vins saisir le cylindre contenant une de mes armes, la grande et immense faux que j'avais du mal à manipuler sous forme humaine à cause du poids de celle-ci. Me recentrant par rapport aux trois autres protagonistes, d'une simple pression, j'activais le mécanisme, laissant ainsi apparaître l'immense faux tout aussi grande que moi dans ma main gauche.

Certes le fait d'apercevoir un môme d'une quinzaine d'années désormais impliqué dans une situation aussi galère que celle-ci pouvait sembler étrange. Le fait que celui-ci s'incruste sans un mot, sans protection devant trois personnes cherchant vraisemblablement à s’étriper était certainement encore plus étrange, mais était bel et bien réel. Bien entendu, même si cela ne se percevait pas clairement, je restais attentif au moindre mouvement, prêt à me transformer si cela s'avérait nécessaire. Relevant doucement la tête, mon regard se porta sur les gens autour du moi, dévoilant donc de cette manière, clairement mon faciès d'enfant à l'assemblée. Dans mon élan je vins prendre la parole pour mettre les points sur les i et clarifier certaines choses avec ce lot de perturbateurs.

De quels droits vous permettez vous de troubler la paix de cette humble ville ? Je ne sais pas qui vous êtes, je ne sais pas pourquoi vous faites cela ! Mais une chose est sûre, vous allez devoir répondre de vos actes !

Prononçant ces paroles d'une manière suffisamment forte pour que mon intervention ne passe pas inaperçu, j'avais bien l'intention d'effacer la probable idée que les mages présents se faisaient de moi, l'idée du gamin se la jouant mais n'étant capable de rien. Je comptais effectivement à travers cette réplique qu'ils me prennent au sérieux et qu'ils ne fassent pas l'erreur de me sous-estimer. Bien que d'ordinaire si calme, sur mon visage pouvait se lire une certaine anxiété due au fait de cette expérience toute nouvelle. Etant devenu un madoshi il y a peu, mon expérience ne s'avérait donc pas bien grande. Par conséquent, je n'avais encore jamais eu le cas d'un mort lors d'une de mes requêtes et cette nouvelle expérience ne m'enchantait guère. Cependant, malgré ce sentiment étrange, je parvenais comme toujours à rester calme et lucide. Afin de rajouter un peu plus de poids à mes paroles, j'apportais quelques mots supplémentaires en espérant que cela change ne serait-ce qu'un peu la pensée de l'un des protagonistes et qu'il s'allie pour un temps à mes côtés, rééquilibrant le combat en un deux contre deux.

Je ne sais pas pourquoi vous vous battez, ni-même quels sont vos méfaits. Je n'ai pas la moindre idée si vous êtes tous les trois étroitement liés ou non ! Mais je vous conseille vivement de réfléchir quelques secondes à votre position et à la situation. Une ville comme celle-ci se retrouvera rapidement en état d'alerte si un combat a lieu en son sein. De plus, il est préférable pour vous de choisir votre camp ... en espérant que celui soit le bon !

De la part d'un môme de 15 ans tenant une faux plus grande que lui dans sa main, entendre des paroles comme celles-ci pouvait paraître insensé. Nul doute que j'aurai probablement droit à une réflexion de la part d'un de mes interlocuteurs. Toujours est-il que s'ils pouvaient rire pour l'instant, une fois transformé, la donne allait être différente et ils commenceraient très certainement à me prendre au sérieux. Serrant fermement mon arme, j'attendais un quelconque mouvement avant de réagir et de me lancer pleinement dans ce combat et ainsi mettre un terme à la rage que je ressentais actuellement. Effectivement cette situation m'énervait au plus haut point, je bouillonnais de l'intérieur. Même si la situation n'était pas parfaitement éclaircie, elle l'était suffisamment à mes yeux pour juger coupable deux des personnes ici présentes. Leurs actes étant selon moi, inacceptable et impardonnable.

Je venais d'interférer dans ce qui semblait à mes yeux, être un règlement de compte version madoshi. Afin d'éviter un quelconque incident dans l'humble ville de Val, j'avais d'abord pensé à simplement tenter de régler ce problème en discutant avec chacun des protagonistes. Mais finalement, au fur et à mesure de mon implication au sein de ce rassemblement, un lot d'éléments me sembla bien trop louche pour que cette scène soit due à un vulgaire différent entre mages de guildes officiels ou indépendants. Les précédents détails que j'avais pu apercevoir ne m'avaient en tout cas, pas encouragé à penser, à me cantonner à cette idée. Derrière cette histoire semblait être cachée quelque chose de bien plus triste, bien plus terrifiant. Tellement horrifiant, qu'à n'en pas douter, la découverte de cette chose rendrait à un ou plusieurs protagonistes, la tâche bien plus ardue et complexe à gérer.

Alors que je venais de terminer ma réplique visant à faire réfléchir intérieurement chacune des personnes présentes en ce lieu, mon regard vint se poser sur les deux autres personnes du groupe. Visiblement, ma dague lancée en direction des deux combattants n'avait pas suffi à les arrêter. Soupirant longuement, tant qu'à mes yeux la vie d'un de ces deux combattants n'était pas en danger, je décidais de ne pas intervenir. Après tout, avec mon apparition sur ce qui avait jusqu'alors l'allure d'un champ de bataille, il y avait fort à parier qu'une fois conscient de ma présence, ils stopperaient de manière soudaine la passe d'arme les opposant. La noirceur de la nuit ne permettant pas de distinguer correctement et d'identifier l'ensemble des mouvements de ceux-ci, je dus me résoudre à n'en percevoir qu'une partie. Une partie qui, en l'espace de quelques petites secondes, fut analysée et exploitée par mon vif intellect. Une vague d'énergie translucide se fit ressentir. Cette poussée d'énergie soudaine, j'étais certain de la connaître, certes dans des proportions moins importantes, mais cette sensation était loin de m'être inconnu. Entre le phénomène étrange appliqué à la porte désormais pulvérisée et cette répulsion soudaine, l'incertitude régnant jusqu'à présent dans mon esprit venait de s'envoler. Ce mage aux cheveux roux était bel et bien un utilisateur de la magie de télékinésie. À cette pensée, je ne pus contenir un léger sourire qui s'afficha alors sur mon faciès d'enfant. J'allais peut-être devoir me battre contre quelqu'un possédant les mêmes arcanes que moi.

Cependant, au vu de cette dernière offensive, ses compétences en ce domaine semblait bien plus accrues que les miennes puisque j'étais tout bonnement incapable d'effectuer la même arcane. Cela pimenterait donc un peu cette rencontre qui me permettrait de voir probablement, ce qui se cache derrière mes actuelles limites de maîtrise magique. Après un bref échange de coups, les deux personnes stoppèrent momentanément le combat en se rendant enfin compte de ma présence. Le premier protagoniste à réagir fut la demoiselle aux cheveux noirs. Se détachant immédiatement des deux autres, ses paroles vinrent éclaircir, mais aussi confirmer mes pensées. Cette femme était donc susceptible d'être une alliée si un affrontement avait lieu d'ici les prochains instants. Malgré le fait que je ne puisse confirmer ses dires, le résumé fait par cette personne semblait parfaitement cohérent. Les deux autres personnes seraient donc étroitement liées en plus du fait qu'il soit selon sa version, en train d'effectuer un job illégal. Elle ne serait donc qu'une madoshi ayant choisi de contre-carrer les plans de ceux-ci et ainsi, défendre la ville de la menace qu'ils représenteraient.

Dans les instants suivants, la femme du "camp adverse" s'empressa de réfuter les affirmations que son "opposant" venait de me dire. Cette même femme se présenta à moi comme étant une journaliste envoyée pour retranscrire ses impressions au cours des feux d'artifices de Val se tenant d'ici quelques jours. Jusque là, son argument tenait la route. Après tout, cet évènement, bien que relativement commun dans cette ville allait très certainement être médiatisé. Poursuivant son récit, elle me fit part de l'arrivée de chacun des participants. Soudainement elle prononça quelques mots qui me figèrent sur place. Si auparavant je prêtais attention à la moindre de ses paroles, je venais de bloquer sur une partie de sa phrase, plus précisément sur le "Nous y avons trouvé deux personnes mortes...". Mes craintes étaient donc fondées, le sang d'innocent avait bel et bien coulé et deux humbles habitants de Val venaient de perdre la vie. Attristé, mon visage s'assombrit alors qu'elle continuait son explication. Assimilant chaque détail contenu dans ses dires, je schématisais intérieurement le résumé de la situation. Une journaliste, plus le garde du corps de cette dernière étant apparemment un ancien mage noir ayant purgé sa peine avec en supplément, une parfaite inconnue ayant soi-disant à coeur de protéger cette citée de ces malfrats et pour combler le tout, un homme inconscient. Voilà très grossièrement les faits que j'avais compris jusqu'à présent.

Essayant de me faire comprendre qu'ils étaient en réalité les victimes de cette étrange situation, la jeune femme poursuivit son discours affirmant que la mage aux cheveux noirs, était en réalité celle qui représentait un danger et qu'elle les avait agressé. Allant même jusqu'à me donner un nom et un prénom, elle continuait son récit. Une fois celui-ci finit, je me retrouvais dans un dilemme. Qui devais-je croire ? La version des deux étaient plausibles, mais l'une d'entre elle était un pur mensonge inventé afin de se sortir de ce mauvais pas. Les deux rejetant la faute à l'autre bien entendu, je fus forcé de chercher un détail pouvant contredire l'une des versions. Le mage aux cheveux roux vint alors appuyer le récit de sa partenaire en confirmant la version soutenue par son camp. Reprenant doucement la parole, mais toujours avec cet air sérieux, je fis part aux autres protagonistes, mon incertitude.

Deux versions différentes, mais une seule de vraie. Alors qui croire ? À votre avis ? Qui ici est-il le plus susceptible de mentir sur toute la ligne dans l'unique but de se couvrir ?

Je ne prononçais pas ses paroles impunément, à vrai dire, j'espérais à travers celle-ci faire douter le menteur et qu'il finisse par avouer d'une manière plus ou moins clair, ses méfaits. Cependant, étant un minimum lucide je savais pertinemment que je n'obtiendrais rien si facilement. Pour espérer élucider le mystère, je me devais d'apporter d'autres arguments et ainsi griller en quelque sorte la couverture du malfaiteur, quitte à ce que cela se termine en duel. Bien que les arguments de la mage solitaire s'avéraient peu nombreux, le seul qu'elle avait apporté était à mes yeux bien plus convaincant que la stupéfiante histoire que venait de me raconter le duo. Le fait d'agir pour la protection de la ville justifiant à mes yeux la raison d'un combat. Cependant, je ne devais pas tirer de conclusions hâtives. Un détail me vint alors à l'esprit. Qui avait bien pu assommer cette personne que je venais de couvrir à l'aide de ma veste blanche ? Dans le récit de la journaliste, il n'y avait rien pouvant expliquer la raison du K.O de ce colosse de la nature. Commençant sincèrement à douter de cette version des faits, je m'efforçais de réfléchir de la manière la plus impartiale possible quand soudainement, quelque chose me revint à l'esprit. Immédiatement je vins exposer mes incertitudes aux protagonistes présents.

Mademoiselle Meclang, si je peux me permettre, je trouve votre langage un peu trop cru à mon goût. Comprenez mon doute, en tant que journaliste, ne devriez vous pas être censée manipuler l'art des mots avec une finesse des plus remarquables et cela peut importe vos sentiments envers votre compère, qui je tiens à le signaler, met sa vie en danger pour que la vôtre ne le soit pas ? De plus je souhaite savoir qui est le responsable du K.O de cet homme, après tout, vous ne mentionnez nulle part, la raison de son inconscience.

Et voilà, je venais de montrer clairement au duo que je doutais de la vérité qu'il m'avait fournie. Après tout, même si je n'étais qu'un enfant, il n'était pourtant pas facile de me berner et cela, malgré mon jeune âge et mon inconnaissance totale des noms des magazines féminins et des abréviations de ceux-ci. Pour l'instant, tous les protagonistes semblaient sages, je n'avais pas perçu de mouvement haineux, ni même dangereux. Pas d'arme sortie, rien ! Alors que je tenais une immense faux à la main. N'étant pas dupe, je me doutais fortement que dans un revers de manche se tenait une lame prête à me transpercer à la moindre ouverture. Malgré ma forte intuition pour que le duo soit le responsable de tout cela, je ne pouvais clairement dissocier le vrai du faux. C'est pourquoi je vins abattre ma carte maîtresse, si je n'avais pour l'instant pas les moyens suffisants pour éclaircir cette situation, les autorités à n'en pas douter, posséderait ceux-ci. Quoi de plus dissuadant que les représentants de l'ordre public pour faire fuir des malfaiteurs ? Reprenant la parole, je lançais ma réplique, sachant parfaitement que celle-ci ne serait pas sans conséquence.

Mademoiselle Meclang, Monsieur Vilmère ainsi que vous, chère inconnue, si votre innocence est véritable, vous ne verrez aucun inconvénient à ce que j'utilise ma magie afin d'alerter les autorités locales ? Celles-ci pourront à mon avis, éclaircir la situation en peu de temps et nous apprendre très probablement la vérité sur cette triste affaire.

Je prononçais ces paroles avec un certain amusement, mon côté joueur ayant repris le dessus. Dans cette histoire, on essayait de m'orienter sur une fausse piste, mais grâce à cette réplique, j'avais probablement pris le ou les truands à leur propre piège. Bien que conscient de la gravité de la situation, le fait de me lancer dans une sorte de duel psychologique avec le responsable m'enchantait au plus haut point. S'ils avaient espéré me fausser compagnie si facilement et bien c'était raté. J'étais quasiment sûr qu'à la suite de mes paroles, la situation allait s'éclaircir dans un court instant puisque le ou les malfaiteurs allaient être contraint de prendre la fuite. Bien entendu, je ne comptais pas laisser cela se produire et réagirait au moindre mouvement de l'un d'entre eux. Et si par le plus grand des hasards, tout le monde restait à sa place, j'avertirais les hautes instances grâce à l'explosion d'une ou plusieurs de mes chaînes. Fier de moi, j'attendais patiemment de voir comment aller réagir chacun des protagonistes, après tout, la situation s'avérait délicate et il ne fallait pas commettre de boulettes et calculer chacun de ses gestes. Si je prêtais attention à cela, mes opposants eux je n'en étais pas sûr. La suite allait s'avérer intéressante, mais le dénouement de cet évènement encore plus.

Le dilemme que je venais de poser aux trois autres protagonistes allait porter ses fruits d'ici quelques minutes, le temps que l'un d'entre eux fasse une erreur. Dans une situation délicate comme celle-ci, il était fort probable que le coupable en tentant de se justifier, de trouver un argument potable, ne fasse que s'embrouiller dans ses propos et de cette manière, paraître encore plus suspect. Et justement, j'étais à l'affût du moindre détail pouvant être étrange, que celui-ci soit un lapsus, une incohérence ou bien encore un mouvement physique. Scrutant attentivement les trois autres, je pus voir que mes paroles avaient atteint mes interlocuteurs qui s'apprêtaient à répondre à leur tour. Mine de rien, le fait d'avoir en quelques sortes bloqué la situation en réduisant le nombre d'alternative, me plaisait énormément. Après tout, même si on m'en avait déjà averti lorsque j'étais enfant, il semblait que beaucoup de batailles se gagnent avant tout par la négociation et par la parole, celle-ci allait très certainement être ma première expérience en la matière. Mais malheureusement, dans les cas les plus extrêmes, il arrivait que les gens finissent par en arriver aux coups.

Dans l'idéal, j'aurais souhaité que cette histoire se termine de manière correcte, par un exemple de diplomatie remarquable comme tout bon utopiste cherchant à régler tous les problèmes par la paix et la discussion. Seulement malgré mon âge peu avancé, je savais bien que je me berçais d'illusions en espérant cela. Dans cette affaire, les causes étaient bien trop graves pour que nous en arrivions à une fin convenable comme celles que je souhaitais. Même en étant conscient de ce fait, j'avais du mal à l'admettre, à le reconnaître probablement à cause de ma faible expérience et de mon âge peu avancé.

Ce fut la jeune femme aux cheveux noirs qui intervint en premier trouvant apparemment que ma proposition possédait une faille majeure ainsi que considérable. En effet, en avertissement les autorités, les personnes susceptibles de venir, pouvaient être des proies faciles. Les exposer comme elle le signalait, ce n'était pas ce que je souhaitais faire et cela ne m'avait même pas effleuré l'esprit. Mes paroles avaient simplement eu comme but de déstabiliser un peu le ou les coupables. De part sa réaction, elle ne semblait pas avoir percé à jour mes pensées dissimulées sous mes précédentes paroles. À mes yeux elle semblait innocente mais, malheureusement, elle venait de me redonner une raison de la soupçonner. En effet, même si le fait qu'elle ne veuille pas impliquer de faibles personnes dans une situation comme celle-ci, ce qui était tout à fait recevable. Cela voulait aussi dire qu'elle ne souhaitait pas avoir affaire aux autorités. Un passé douteux ? Une criminelle injustement recherchée ? Je n'en savais trop rien. Mais pour une raison quelconque, ou plutôt me laissant guider par mes impressions, mon instinct, je la considérais comme une alliée se tenant à mes côtés au cas où la situation deviendrait critique.

Mon jeune âge l'ayant certainement amené à penser que je n'avais pas pris en compte ce paramètre plus qu'important, cela m'arracha un sourire en coin plus ou moins bien dissimulé. Dans le but de la rassurer, en espérant que celle-ci réussisse à m'entendre, je vins murmurer quelques mots à peine audible. "Je sais cela..." Je n'avais nullement l'intention de faire trépasser des innocents, simplement de déterminer clairement qui pouvait être coupable dans cette histoire. Elle proposa alors une solution, mettre hors service les deux autres protagonistes grâce à la force brute. Cependant, je refusais cette issue, que je trouvais bien trop facile à mon goût. Ne doutant pas de mes capacités, malgré le fait que je ne connaisse pas celles des antagonistes, je n'avais pas "peur" de devoir affronter un, voire deux adversaires, simplement pour une question de morale, il m'était tout bonnement impossible de me lancer dans un combat comme celui-ci qu'elle présentait.

Puis vint le tour de cette fameuse femme portant d'après ses dires, le nom de Meclang. Celle-ci entama un long speech contenant beaucoup de blabla pour pas grand-chose. L'écoutant attentivement à la recherche de nouvelles informations, je fis le choix de la laisser terminer avant de reprendre la parole. De cette manière je pourrais examiner dans son ensemble sa réaction et en tirer des conclusions plus précises. Étonnamment, elle n'entama pas sa réponse par le point auquel j'avais pensé. Si dans mon esprit, je croyais qu'elle allait s'empresser de répondre à ma proposition ou bien même de répondre à l'affront de ma "coéquipière", elle se lança dans une étude de mon profil basée sur ses constations. Immédiatement, les mots de celle-ci résonnèrent dans ma tête, à la manière d'un gong incessant. Visant juste, elle vint toucher à un point on ne peut plus sensible chez moi, c'est-à-dire à mon passé. Le regard vide, baissant les yeux, j'encaissais intérieurement les paroles de la pseudo-journaliste. L'envie de la faire taire sur-le-champ me traversa l'esprit mais, m'étant juré de ne pas réagir avant qu'elle ait fini son discours, je me taisais en écoutant ses dires et en les analysants. Pour mon plus grand malheur, cette femme s'avérait bel et bien doué dans ce domaine qu'est l'analyse de la personnalité à travers le comportement. Visant juste, visant ou cela fait mal, en y repensant, on pouvait au moins reconnaître le fait, qu'elle semblait posséder les "qualités" requises pour être journaliste.

Puis elle fit de même pour la femme aux cheveux noirs, qui était vraisemblablement ma coéquipière pour l'instant. L'écoutant attentivement, je ne connaissais pas la personnellement l'histoire de cette madoshi, simplement, j'espérais que malgré les provocations lancées par Meclang, elle ne laisserait pas le tempérament combatif que j'avais pu apercevoir chez elle, ressortir. En effet, si par malheur, elle s'en prenait aux deux autres personnes, je serais contraint de m'interposer et donc en quelques sortes, me placer du côté douteux. Même si cela ne me plaisait guère, dans ce cas extrême, je devrais agir de la sorte. Espérant simplement que la journaliste ne touche pas à une corde sensible, je l'écoutais déblatérer ses conclusions. Elle vint souligner par la suite que ce qu'elle venait d'effectuer, était le but de son métier. En somme, elle essayait de me prouver à travers cela, que ses paroles étaient véritables et qu'elle ne mentait pas. Continuant son discours, elle me reprocha de posséder une vision trop manichéenne de la situation, c'est-à-dire, de voir soit tout noir, soit tout blanc. À vrai dire, je m'attendais à cette remarque et je savais déjà de quelle manière j'allais me justifier dès que je reprendrais la parole.

Puis elle m'expliqua la raison de K.O de l'homme actuellement recouvert de ma veste. D'après ses dires, c'était elle qui l'avait assommé accidentellement alors que son but était de l'immobiliser et de lui expliquer la situation. Immédiatement, mon esprit tilta. Les mots qu'elle venait de prononcer, ils venaient de résonner un grand nombre de fois dans ma tête, comme pour me signifier qu'il y avait quelque chose qui clochait. Je notais cette constatation dans un coin de mon esprit en la laissant continuer son speech, nul doute que dès l'instant où je reprendrais la parole, j'aurais alors aussi de la matière à apporter à la discussion.

Cependant, celle-ci commençait, d'après ce que je pouvais observer à avoir des "difficultés" à construire son argumentation. En réalité la difficulté de l'épreuve à laquelle elle était confrontée, n'était pas tant une question d'originalité, mais plutôt de cohérence. En effet, lors de la création d'un mensonge, même s'il est relativement simple de mentir de manière spontané, il est bien entendu, bien plus compliqué de réussir à faire perdurer celui-ci sans incohérence. Me reposant sur ma capacité d'analyse, j'explorais rapidement et retenais ses paroles, quand, une nouvelle fois, un élément me parut louche, ou du moins absurde. Préparant soigneusement ma réponse, dans mon esprit, une fois mon tour venu, il ne serait plus possible pour les mages noirs de se justifier d'une quelconque façon. Me proposant d'aller rejoindre les autorités, elle souhaita cependant, que son garde du corps puisse éviter de passer par la case commissariat et ainsi, ne pas avoir affaire aux autorités. Riant en mon for intérieur, je pus constater avec soulagement que la jeune femme semblait avoir enfin fini son numéro et que désormais il ne manquait plus que ma réplique.

Mais, alors que je m'apprêtais à prendre la parole, ce fut le fameux garde du corps, qui d'une manière rapide s'en empara sans me laisser l'occasion de dire ne serait-ce le moindre mot. Manque de politesse certes, mais bon ... après tout, la situation n'était pas vraiment propice à la courtoisie. D'un franc parlé des plus remarquables, je l'écoutais d'abord refuser de collaborer. Seulement bien vite, il finit malgré qu'il n'en ait pas envie, par accepter la proposition de sa cliente. Parlant d'une manière des plus vulgaires possibles, il menaça rapidement ma coéquipière avant d'attendre ma réponse qui débloquerait peut-être la situation. J'étais en quelques sortes, la clef susceptible de débloquer la suite. Une suite pouvant alterner en fonction de ma réponse. Celle-ci, je l'avais déjà en tête, il ne me restait qu'à la prononcer. Toujours le regard baissé et les cheveux tombant devant les yeux, un sourire peu rassurant s'afficha sur mon visage alors que je commençais à formuler les premiers mots en m'adressant aux divers protagonistes, mais en particulier à la journaliste m'ayant tenu auparavant un long speech justifiant les évènements.

Tout d'abord, je dois vous féliciter, un esprit créatif et inventif comme le vôtre se remarque aisément et je reste admiratif devant la prouesse que vous venez d'effectuer. Celle-ci est des plus admirables mais, sans vouloir paraître prétentieux, elle n'est malheureusement pas suffisante. Même si les profils psychologiques que vous venez d'énoncer s'avèrent vrais, du moins dans mon cas. J'aurais pensé qu'en tant que "journaliste', votre analyse ne se résumerait pas à un vulgaire jugement fondé sur des constatations qu'une majeure partie des personnes sont susceptibles de faire. De plus, je ne pense pas que vous me connaissiez suffisamment pour me juger de la sorte... Après tout, que savez-vous réellement de moi ? Rien, tout comme je n'en sais pas plus à votre sujet. Alors, même si dans cette histoire, vous apparaissez comme des suspects, je vous prierai de ne pas tenir un tel raisonnement... Toutefois, je veux bien comprendre que ma vision peut vous semblez trop étroite. Cependant, je ne pense pas que dans le cas d'un meurtre, il y ait une place pour autres choses que les coupables et les victimes...

Je dénonçais clairement dans cette tirade, le fait que je ne croyais plus une seule seconde aux paroles des deux pseudo-journalistes. Les éléments de réponse donnés par la femme du duo n'étaient plus recevables selon moi. Les incohérences majeures, que j'avais relevé au cours de son discours, permettait difficilement de laisser place à un quelconque doute. Cependant, avant de me lancer dans une phase tendue d'arrestation, je tenais à continuer ne serait-ce qu'un peu ce jeu psychologique nous opposant. Après tout, je n'allais pas passer à l'offensive le premier, puisque parmi l'ensemble des protagoniste, je possédais, la situation la plus stable, mais surtout, la moins périlleuse. De plus, afin de clôturer la discussion, je tenais tout de même à appuyer sur ces détails, que j'avais relevé. De cette manière, je montrerai que, malgré mon jeune âge, le duo avait eu tord d'essayer de m'amadouer avec une histoire à dormir debout. Relevant la tête lentement, mon regard vint se poser sur mes interlocuteurs et je repris doucement la parole.

De plus, il est difficilement concevable pour toute personne normalement constituée, d'imaginer pouvoir un jour rencontrer des journalistes portant un tel accoutrement et cherchant à se dissimuler derrière une capuche. Cependant, à mes yeux, ce n'est pas forcément un élément clef. Mentir n'est pas facile, d'autant plus lorsqu'il faut réussir à faire perdurer le mensonge dans le temps et c'est ce que je peux vous reprocher. En effet, selon vos dires, vous êtes une journaliste. Jusque là, c'est envisageable. Mais, vous êtes accompagnés d'un garde du corps chargé d'assurer votre protection, c'est donc, si je peux me permettre, qu'en cas d'attaque, il n'est pas possible pour vous de vous défendre. Or, vous venez d'assommer littéralement cet homme à la carrure plus qu'imposante, ce qui n'est clairement pas à la portée de n'importe quel journaliste. Voilà un des points qui me laisse penser que votre récit n'est qu'un mensonge. Toutefois, je dispose d'un autre argument. Vous m'avez présenté votre garde du corps comme un ancien mage noir ayant purgé sa peine. Mais il ne peut pas se rendre aux autorités avec nous par crainte d'être emprisonné à nouveau. Ne trouvez vous pas cela paradoxal ?

Voilà, je venais à travers ces paroles, de donner aux évènements une tournure plus que singulière. M'affichant clairement comme un opposant aux deux pseudo-criminels, le nombre d'issue des deux suspects semblait bien faible. En effet, j'avais du mal à concevoir comment il pourrait éviter de tomber entre nos mains si ce n'est en passant par la force ? Allaient-ils chercher à se justifier à nouveau ? Après tout, il était possible qu'ils tentent de me persuader une nouvelle fois. Pour conclure, mon côté joueur vint pimenter un peu la situation alors que j'empoignais encore plus fermement la faux, m'assurant de cette manière d'être prêt à réagir à une quelconque attaque surprise. Effectivement, alors que je n'en avais pas besoin, un immense sourire narquois se dessina sur mon faciès. Cet air moqueur apparaissait pour une seule et bonne raison. De la pure provocation ! M'adressant à l'homme du duo, ma voix résonna une nouvelle fois. De cette manière je clôturais mon intervention et laissais place à la suite. Une suite qui à mon humble avis, serait bien plus mouvementée qu'auparavant.

Cher monsieur Vilmère, sachez que si vous êtes bel et bien un criminel comme je le pense ... Moi ... le môme, n'aurait aucun regret à vous savoir derrière les barreaux suite à mon intervention !

L'heure n'était vraisemblablement plus à la discussion. Au fur et à mesure de l'évolution de la situation, je gardais au fond de moi-même, un maigre espoir de voir les choses s'arranger. Malheureusement, cette espérance s'effaça, se volatilisa bien trop rapidement. Si pour l'instant notre discussion bien qu'elle puisse paraître houleuse, ne semblait pas soulever plus d'agitation que cela, je découvris bien vite, que je me trompais sur toute la ligne. Dans mon dos, sans que je m'en aperçoive, se préparait une contre attaque et une lutte que je cherchais absolument à éviter et cela peu importe la manière. Cependant, une fois de plus, tout ne se passait pas comme je le souhaitais, comme je l'aurai désiré. En effet, alors que le temps s'écoulait lentement, je commençais à comprendre que malgré mes beaux discours énoncés auparavant, je n'avais pas du tout main mise sur la situation. Loin de là même !

Alors que j'avais tenté de m'illustrer et de prendre la place de meneur afin de mettre au clair la situation, je me rendis compte que par mon intervention, je n'avais fait qu'amplifier le flou qui régnait sur cette étrange scène de crime. Et soudainement, ce que je redoutais le plus arriva au moment où je m'y attendais le moins. La jeune femme à mes côtés me fit part de son agacement suite à ce qu'elle jugeait comme une banale scène de théâtre. À vrai dire, je comprenais parfaitement la frustration qu'elle pouvait bien ressentir puisque même si je ne laissais rien transparaître, je n'en restais pas pour autant indifférent. Le fait que nous soyons là, à perdre du temps dans une discussion inutile alors que la vie et la sécurité d'autres personnes pouvaient être en jeu, m'énervait au plus haut point. Cependant, contrairement à moi, elle ne put visiblement pas refouler sa colère et se jeta à l'assaut. Par le fait que nous nous étions lancés dans un long et interminable échange, j'avais légèrement relâché ma vigilance en pensant que personne ne viendrait effectuer une telle action. Mais vraisemblablement, je faisais fausse route.

Un souffle magique se fit sentir lorsque celle-ci déploya la source de son pouvoir, un pouvoir étrange dont je n'avais pas la moindre connaissance. Des lames de fer fendirent en un instant l'air et se dirigèrent vers les deux autres protagonistes. Avec la noirceur de la nuit, il m'était bien difficile de repérer distinctement chaque projectile, cependant, le sifflement me permettait d'évaluer une distance approximative entre lesdits objets et les destinataires de ceux-ci. Même si en temps normal, je serai intervenu directement, j'attendais de voir de mes propres yeux comment ils allaient réagir, ou plutôt comment elle allait s'en sortir. Me préparant au cas où les lames s'approcheraient réellement trop près d'elle, ce fut avec plaisir que je l'aperçus esquiver avec agilité, d'une roulade sur le côté, les armes qui lui étaient destinées. Puis un claquement métallique retentit me signalant que le garde du corps venait de repousser l'attaque. Détournant le regard en sa direction, je vis les projectiles retomber lourdement au sol comme s'il venait d'être repoussés. Concrètement, cette dernière action venait de me confirmer deux de mes pensées et me permettait d'atténuer encore plus les zones d'ombres qui régnaient dans mon pauvre esprit, confrontés à une situation peu commune.

En effet, premièrement, j'étais quasiment sûr d'avoir reconnu la magie employée par le garde du corps. Car après tout, quoi de mieux qu'un utilisateur de Nenriki no Mahô pour en reconnaître un autre. Deuxièmement, j'avais la confirmation qu'il ne s'agissait pas d'une vulgaire journaliste en face de moi. Esquiver les attaques de cette madoshi n'était pas à la portée de tout le monde. La coordination, la vitesse d'exécution ainsi que la dextérité, mais surtout, la précision dont elle venait de faire preuve rendaient la tâche bien difficile. C'est pourquoi je pus conclure aisément que je n'avais pas affaire à une vulgaire journaliste parmi tant d'autres, mais bien à quelqu'un de bien plus fort. De plus je venais de voir que ma "partenaire" ne semblait pas être des plus démunies en matières de compétences de combat, ce qui m'arracha un léger sourire plus ou moins dissimulé. Puis la fameuse journaliste reprit la parole, affirmant qu'elle nous avait reconnu et qu'elle possédait désormais notre nom. Les citant, pour ma part, elle visa juste, bien qu'il semblait que la prononciation de celui-ci lui posa quelques problèmes. Écorchant mon patronyme en "Reignard", elle s'empressa nous lancer une nouvelle fois des pics, tentant probablement de cette manière, de nous déstabiliser.

Sa technique ne fonctionna pas puisque comme à mon habitude, j'arrivais à cacher mon ressentit. Lorsqu'elle annonça l'identité de la mage s'apparentant comme ma coéquipière dans cette lutte, je fus très surpris par cette soudaine révélation. Possédant d'après les dires de ma "journaliste", le surnom de "Dame de fer", elle possédait une magie peu commune puisqu'il s'agissait de l'Iron Dragon Slayer. De plus il semblait que sa tête était mise à prix par le Conseil Magique, à une "modique" somme de 800.000 Jewels. Me tournant vers cette même madoshi, je m'interrogeais de plus en plus sur la personne à qui je devais faire confiance. Même si je n'avais aucun moyen pour savoir si ses dires étaient bons, le fait qu'elle eût vu juste pour moi, me laissait à penser qu'elle ne mentait pas non plus pour la jeune femme. En réalité, je ne savais plus vraiment comment réagir. La journaliste continua d'ailleurs sur sa lancée en énonçant un autre argument. Celui-ci avait pour but de justifier le fait, qu'elle ne désirait pas montrer son visage. Sa soeur qui intégrerait nos rangs ? Honnêtement, je n'y croyais pas une seule seconde ! J'espérais me tromper, mais cela ressemblait bien trop à un argument bancal, placé dans la conversation pour tenter de justifier ses actions.

Puis vint le tour du garde du corps. Comme depuis le début de la conversation, il fit preuve une nouvelle fois d'un manque de civisme et de politesse flagrant. Soupirant en l'écoutant déballer son blabla qui ressemblait fort à une remontrance, je fis abstraction totale des pics qu'il me lança. Nous demandant alors aussi au passage, de prendre une rapide décision, car il commençait à s'impatienter. Afin de satisfaire les désirs de monsieur, je repris la parole dans l'unique de clarifier ma pensée du moment ...

Cette discussion m'épuise ! Puisqu'il ne semble qu'il n'y ait pas moyen que l'on s'en sorte de manière convenable ... il va falloir en employer un autre bien plus contraignant. Néanmoins, étant donné que je n'ai aucun moyen de déterminer clairement qui est responsable, avec les éléments que j'ai apporté précédemment, il se peut que mon jugement ne soit pas totalement impartial. Bref ... passons aux choses sérieuses voulez-vous ?

Même si mon avis n'avait pas réellement changé, j'omettais un doute sur l'innocence de ma partenaire au vu du dernier élément apporté par la pseudo-journaliste. Cependant, puisque même en démontrant par a plus b que leur raisonnement ne tenait pas la route. Ils ne voulaient pas reconnaître le fait, que j'avais vu clair dans leur jeu, j'allais donc devoir abattre mon ultime carte, c'est-à-dire ma magie. Faisant appel à celle-ci, je sentis en moi cette sensation d'afflux vers chacun de mes membres. La laissant déborder de manière de plus en plus impressionnante, le cercle magique qui luisait sous mes pieds brillait d'une lueur intense. En laissant mon énergie magique déborder de cette façon, je comptais bien faire comprendre aux trois autres antagonistes que l'heure n'était plus à rigolade et que le gosse se tenant devant eux n'allait pas se laisser impressionner. Le coeur palpitant, je tentais tant bien que mal de me calmer, de me rassurer en murmurant les paroles d'une chanson écoutée récemment. Car si, comme toujours, je ne laissais rien paraître en restant stoïque, au fond de moi-même, je ressentais une profonde angoisse.

Don't you worry, don't you worry child ... See heaven's got a plan for you...

Soulevant lentement ma faux, je vins la saisir à deux mains, puis dans la foulée, je me plaçais en position d'attente, les deux appuis bien fixés au sol, à l'affût du moindre mouvement suspect. Tout en continuant de laisser le flux de magie déborder, mes cheveux se soulevèrent, dévoilant ainsi mon regard plein de détermination. En somme, il ne me restait plus qu'à ce que la "première" attaque ait lieu, après quoi, je me transformerai en Bloody Rabbit. En réalité, le fait de laisser émaner de la magie de la sorte me permettait, en cas d'extrême urgence, d'ajouter de manière instantanée la quantité d'énergie manquante à ma transformation et ainsi, être dans la capacité d'intervenir immédiatement au besoin. Maintenant, les dés étaient jetés, il ne me restait plus qu'à attendre la réaction des autres protagonistes.