Doubt.

Âme égarée, monstre, bandit, assassin, tortionnaire, il existait tant de mot pour me définir… Plus j’avançais dans la voie de la rédemption, plus cette dernière semblait rétrécir. Le chemin devenait tortueux et sinueux. La route qui menait au pardon semblait interminable et à chaque bonne action, je me sentais assailli par un mal étrange et inconnu. Pourquoi inspirais-je tant de mépris, tant de haine ? Je me battais pour leur sécurité, pour leur bien-être, leur protection… Pour qu’ils puissent vivre en paix. Alors pourquoi étais-je chassé comme un mage noir ? Mes raisons n’étaient-elles pas pures ? Pourquoi étais-je en tort alors que je faisais tout pour venir à bout de l’essence du mal ?

Je souffrais, je combattais, je tombais. Je me relevais à chaque fois, je souillais ma propre âme, je salissais mes mains, je tuais et je le faisais pour la liberté des autres. Et qu’avais-je en échange ? Qu’est-ce que le monde m’offrait ? J’étais traqué comme l’animal sauvage atteint d’une maladie, comme le chien qui avait la rage. Ceux qui savaient ce que je faisais me regardait avec une terreur sans émule... J’étais semblable à un animal… A une bête sauvage, un monstre dénué de toute humanité.
Alors pourquoi continuais-je le combat ? J’avais vengé mon père, j’avais vengé ma mère, j’avais vengé mon maître… Alors pourquoi ? Alors que je réfléchissais, la nuit commençait à tomber sur la forêt d’Iria.

Seul, je continuais à errer, sans but, sans destination. J’avais laissé Gobou dans une auberge, je ne voulais pas qu’il me voie dans cet état… Alors je marchais, encore et encore… Je peinais à avancer et il n’était pas rare que je chute. J’étais pitoyable… Je le savais… Mais je n’arrivais pas à me ressaisir… Ce n’était pas ma cause… ce n’était pas ma guilde… Non… C’était plus profond… Plus ancré… Ce mal était au fond de mon être… Tout au fond… Coincé dans mon âme… Dans mon âme sale et torturée… Dans mon âme meurtrie…

C’était une voix qui était de plus en plus présente. Un murmure, une simple caresse, une simple idée. C’était un mal qui rongeait mon être, qui dévorait mes pensées. La nuit, elle devenait plus forte et prenait possessions de mes rêves, et dans le monde onirique, elle me faisait entrevoir un avenir meilleur, sans contrainte, sans lois, sans règles, sans compte à rendre. Cette chose, c’était cette voix qui tendait à devenir un cri et plus tard rugissement.
Cette chose, c’était la peur, la peur d’un avenir autre, la peur de changer, la peur de soi. Cette chose, c’était avoir peur de ma propre ombre, de ma propre voix, de mes propres mouvements. C’était voir ma main se lever et craindre qu’elle tente de m’étrangler sans que je puisse me défendre. Cette chose… c’était un poison qui rongeait mes os, qui atrophiait mes muscles. Elle pouvait me paralyser en plein combat, elle pouvait m’empêcher d’utiliser ma magie… Mais le pire… C’est qu’elle pouvait aussi me rendre plus puissant… plus fort… Elle pouvait renforcer ma volonté, elle m’offrait la possibilité de surpasser les autres. De détruire ce que je voulais voir brûler.

Plus je tentais de réprimer cette pensée, plus elle devenait forte. Plus je l’écartais, plus elle prenait de l’importance… Plus je la chassais, plus elle revenait. Je ne pouvais pas l’ignorer… Mais je ne pouvais pas l’accepter non plus… Et pourtant, elle était là… de plus en plus forte… Je savais que je ne pouvais pas lui faire face… Je savais qu’elle était trop forte pour moi. Trop intense, trop prenante. D’étincelle, elle était devenue un brasier…

Error.

J’avais froid… Je sentais des gouttes d’eau couler sur mes épaules. Elles descendaient doucement sur mon dos et finissaient par chuter sur le sol en passant par mes cotes. Ma chemise était trempée et salie par la boue. Ce fut dans ce constat navrant que j’ouvris les yeux. Un vent frais me fit frissonner, et les croassements d’un volatile quelconque m’inquiétèrent un brin… Je me mis sur le dos et vis qu’il faisait encore nuit. La pluie tombait lentement sur la forêt, et mes yeux à demi clos tentaient de repérer la lune qui se cachait derrière les nuages… Avait-elle elle aussi peur de moi ? Me haïssait-elle autant que les hommes ? Le ciel semblait m’offrir ses larmes de compassion… Ou ses larmes de haine… Étais-je le coupable ici ?... Étais-je responsable de ce qui m’arrivait ? Je tremblais doucement sous mes vêtements, mes membres refusaient de bouger. J’étais à la merci de la quelconque créature, de la quelconque menace qui pouvait arriver… Je n’avais ni la force, ni l’envie, ni la foi de me défendre si j’étais attaqué… Ma vie n’avait aucun impact, aucun intérêt… Je me battais pour les autres, et je ne gagnais rien en retour… Je ne cherchais pas de compensation bien sûr… Je ne voulais pas être acclamé tel un héros, je ne cherchais pas une quelconque reconnaissance… Tout ce que je voulais, c’était la compréhension… Que les hommes comprennent ce que je faisais, ce que nous faisions…Ils ne comprendront pas. Ils ne comprendront jamais.

Non… Elle revenait… C’était elle… Elle revenait encore une fois. Jamais ils ne comprendront pourquoi tu te bats. Et la raison est simple… Tu ne te bats pas pour la bonne raison.

« SILENCE. » hurlais-je en bouchant mes oreilles, en essayant de combattre cette voix, cette hideuse et trop forte voix.

Tu es naïf, tu es faible, tu es pitoyable… Tu te bats pour le mauvais camp. Tu te trompes de voie, tu te trompes de route. Tu sais ce que tu dois réellement faire. Tu sais quelle cause tu dois embrasser.

« ASSEZ. »

NON, tu le sais, tu le crains mais tu le sais, et tu finiras par le faire car tu es faible. Le bien et le mal… Quelle réflexion manichéenne, cesse donc cela. Tu dois transcender cette idée. Tu dois être au-dessus de ces réflexions… La seule vérité en ce bas monde, c’est la liberté. La liberté Higuen… Rien d’autre, tu dois simplement comprendre que mauvais et bon ne sont que des concepts pour cloisonner ton être. Pour emprisonner ton âme. La vraie liberté, c’est le meurtre. C’est le droit de tuer, de voler, d’enlever, de kidnapper de torturer qui tu veux.


« La Li…li…liber…liberté… »

Oui, la liberté, tu dois l’accepter, tu dois la laisser entrer… Tu dois te donner à elle. Tu dois la laisser t’envahir… Et avec elle, avec nous, tu seras fort. Tu ne souffriras plus à cause de ces questions idiotes, tu n’auras plus de poids aussi lourd sur tes épaules. Ne te laisses pas avoir par ces inepties. Personne ne peut te dire quoi faire, personne ne peut te traiter comme un animal sans en payer le prix. Tu dois briser tes chaines. Briser ce qui te lie à l’humanité. Tu es supérieur à l’homme. N’en doute pas. Personne ne peut te dicter ta conduite.

« Personne… ne peut… me dicter ma conduite. »


Tu es libre, tu es seul, ils t’ont abandonné, ils ne veulent pas de toi… Mais tu n’as pas besoin d’eux non plus… Ils étaient une entrave à ton ascension. As-tu des amis, des amours, une famille ? Non, rien, personne… ta seule compagnie est une créature magique faite de ténèbres… Aucun homme ne tient à toi. Te souviens-tu de Celya, ta compagnonne de guilde ? Te souviens-tu de son regard, lorsqu’elle a tué Gray? Elle a commencé à transcender sa position d’humaine faible… Tu dois faire de même. TU DOIS FAIRE DE MÊME.

« Je…je dois faire de même… »

Je fus pris d’un rire dément. D’un rire de folie… J’explosais de joie. Un sourire apparut sur mon visage. Monstrueux, démoniaque, terrifiant… Doucement, je me relevais, titubant légèrement. Au loin, je voyais ma destination. Un campement, je voyais une tente et un feu. Mon sourire devint plus large encore alors que j’avançais en dégainant un couteau. Mon rire avait alarmé le seul homme qui était sur les lieux. Il semblait s’attendre à ma venue et m’accueillait avec sourire malgré la vue de mon arme.

« Range ça mon garçon ! Tu n’en as pas besoin ici. »

Je souris doucement en regardant le vieil homme.

« Vous avez raison, je vais jeter ça. »

Et sans attendre, je lançais le couteau sur le vieil homme, évitant un point vital. J’avançai alors vers lui avant de retirer mon couteau pour blesser une nouvelle fois ma victime. La folie prenait le dessus pendant que je continuais mon œuvre. Je le frappais encore et encore, alternant couteau et poing. Soudain… un son… un bruit, quelque chose remuait… derrière moi, quelque chose avait bougé. Je tournai la tête et un rire sadique s'échappa de mes entrailles. Le vieil homme n’était pas venu seul ici, il était venu camper… camper avec un enfant, quel âge avait-il ? Dix ans ? Plus ou moins ? Triste sort…Je me relevais, le visage couvert du sang de son aïeul. Paralysé, effrayé, le petit enfant ne parvenait pas à s’enfuir. Son expression mêlée de haine et de terreur me plaisait au plus au point. Arrivant à son niveau, je le frappais violemment au visage, le faisant chuter, puis avec mon épée, je plantais ma lame juste à coté du cou de l’enfant, le manquant de peu. Son regard s’était éteint, le sang avait quitté son visage, la peur avait pris possession de lui et l’avait fait sombrer. Dans un éclat de rire sinistre, je quittais le campement puis pour bien faire le travail, je concentrais ma magie dans une main et visais la tente. Une sphère obscure quitta ma paume et alla frapper la bâtisse en toile avant d’exploser dans un vacarme sourd.

Bien.

Enemy.

Je l’avais fait… J’avais anéanti des innocents et non content de leur avoir ôté la vie, je l’avais fait en m’amusant. En y prenant plaisir. Aucun regret, aucune peine, aucun souci de conscience, aucun remords. Mon âme semblait en paix, en harmonie avec mes actes… C’était vrai… Tout était vrai… J’étais une bête, j’étais un monstre… D’ailleurs, nous l’étions tous. L’homme ne pouvait être défini autrement. Les guerres en étaient la preuve formelle. Nous nous abreuvions du mal et de la haine. Nous avions besoin de tuer, de voir souffrir. Le bien et le mal ? Quelle idiotie, l’homme était au-dessus de ça. Il n’y avait que le pouvoir… Le pouvoir de faire ce que l’on avait envie, de décider de tuer, d’épargner, de torturer. Plus j’y réfléchissais plus cela me semblait évident. Un rire sordide s’échappa de mon être, ce n’était pas moi mais mon âme elle-même qui riait. Ce n’était pas la folie qui frappait, la haine ou le mal incarné qui prenait possession de moi… Oh non… J’avais compris, compris que les gens ne se trompaient pas. J’avais toujours été cette bête… Sous mes traits d’humain s’était toujours caché un loup, un loup qui n’attendait que l’instant de pouvoir dévorer les autres. J’en étais désormais certain. Crime Sorcière ? Quelle erreur. Je n’arrivais même plus à marcher droit tant j’étais heureux. J’y voyais clair désormais. Ma vue n’était plus obstruée par des concepts stupides et terre à terre.

J’arrivais finalement devant un petit étang. Je m’agenouillai devant et observai mon reflet dans l’eau trouble. Mon visage était ensanglanté. Mes yeux brillaient d’une lueur malsaine, maléfique, dangereuse et cela me plaisait. J’aimais voir cette instabilité sordide dans mon regard. Je savais que par caprice, je pouvais mettre fin à mes jours ici, sur l’instant. Mais je pouvais aussi rester en vie et voir l’humanité sombrer. Cette idée me plaisait plus… Soudain, un hurlement vint à mon oreille… Une voix assez aiguë. Mon sourire s’agrandit encore. Une potentielle victime ? Etait-elle proche des deux déchets que je venais d’éliminer ? Bingo. Après quelques instants, une silhouette vint jusque moi. C'était une jeune fille, enfin jeune... Elle devait avoir mon âge en tous cas.

« Est-ce toi…qui…qui as commis ce massacre ? » Murmura la jeune fille avec un sanglot dans la voix.
« Si tu parles du vieux machin et du truc chiant qu’on appelle communément un oubli protection, oui c’est moi qui me suis occupé de leur cas. » Répondais-je doucement.

La jeune fille ne prit même pas la peine de répondre et dégaina son katana avant de plonger vers moi. Enfin un vrai combat. J’étais galvanisé par cette idée et d’un geste fluide, je libérais ma propre lame en la faisant tourner sur elle-même pour lui faire gagner de la vitesse et donc de l’efficacité. Mais à ma grande surprise, ma lame frappa celle de mon adversaire sans l’endommager. Une épée améliorée. Voilà qui rendait la tâche plus ardue. Nos coups s’accéléraient, la maîtrise de l’art du sabre de la jeune fille était visible. Elle était rapide, cohérente et intelligente. Malgré la haine et la colère qui étaient en elle, elle ne commettait aucune erreur, aucun de ses mouvements n’était superflu. Elle prenait lentement l’avantage, ses assauts répétés étaient de plus en plus rapides et je commençais à perdre du terrain. Si je ne réagissais pas en vitesse, j’allais perdre un bras… Cependant, mon adversaire ne donnait pas tout ce qu’elle avait, non pas par peur mais parce que comme de nombreux épéistes, elle n’avait sans doute pas eu l’occasion d’affronter un bretteur armé d’une lame double. Elle préférait donc ne prendre aucun risque pour limiter les risques. Hélas, ses précautions ne suffirent pas. En effet, après un énième coup que je parais, je modifiais le placement de mes mains sur le pommeau de lame et donnait un coup vertical avec la seconde lame de mon épée, cassant le rythme de mon adversaire avant de lui asséner un puissant coup de pied pour lui imposer une distance puis je sautais en arrière pour la maintenir en respect.

Nullement impressionnée, la jeune femme planta sa lame au sol avant de prendre une espèce de gantelet métallique qui était accroché à sa ceinture. Elle l’enfila sans m’accorder un regard puis récupéra son épée. Son gant commença alors à luire d’une couleur bleue intense puis sans attendre, elle donna un coup de poing en ma direction. Un projectile énergétique jaillit du gant pour venir vers moi à toute vitesse. Je plantais alors mon épée pour créer une protection magique. Le bouclier tint évidemment le coup mais je fus surpris par la puissance du sort et de l’impact. Une question naquit alors dans ma tête… Se pouvait-il que la femme qui me faisait face soit plus forte ? Plus puissante ? Cette simple idée me galvanisa plus encore… Un vrai défi, qui pouvait me coûter la vie.

De son côté, mon adversaire récupéra sa lame et l’empoigna à deux mains. Au contact du gant, la lame se mit à luire à son tour. Elle leva alors son arme avant de l’abattre violemment, libérant alors une puissante onde énergétique. Bien plus puissante que l’attaque précédente. Fou de joie, je chargeais ma magie et nous hurlâmes alors :
« APPROCHES. »
« APPROCHES. »

Fight.

La décharge énergétique vint vers moi à toute allure et pourtant, j’avais l’impression de vivre la scène au ralenti. Je voyais distinctement la magnifique onde bleue turquoise qui arrivait vers moi. Et sans une once de peur, je restais là, les jambes clouées au sol. Lorsqu’enfin, la décharge fut à portée, je plaçais mes mains devant moi, relâchant ma magie. Les deux attaques s’entrechoquèrent. Mes yeux brillèrent d’excitation tandis que mes muscles se tendaient. La douleur était insoutenable mais il était hors de question je lâche. Je sentais l’intense chaleur qui se dégageait du contact des formes d’énergie pures. Toute notion de haine ou de peur disparaissait dès lors. L’idée de perdre me paraissait impossible… Inadmissible… La victoire était la seule issue, la seule option.

« Ne… Me SOUS ESTIMES… PAS. »


Sans réellement comprendre comment, je sentais qu'au delà de ma puissance, c'était ma détérmination et ma volonté qui prenait le dessus. Finalement, mon sort me permit de détourner l’attaque de mon adversaire. Sans attendre, je récupérais ma lame que je chargeais de magie et je plongeais vers la jeune femme. Mes mains brûlées à cause du précédent assaut de mon adversaire me faisaient souffrir mais la douleur n'était rien.
Cette fois-ci, l’échange de coups n’était à l’avantage de personne. Nous attaquions, parions et esquivions sans arrêter. Mon cœur palpitait et je ressentais une excitation folle. Cette joute… Non, c’était le combat en entier qui me procurait cette sensation… Je n’avais jamais vécu ça… Mon cœur semblait battre au rythme des chocs de nos lames.

Soudain, le gant de la jeune femme se mit à luire et je sus immédiatement que je devais me reculer. Trop tard hélas, son rayon énergétique frappa mon bras droit.

« NOOOOON. NOOOOOOOOOOOOOOOOOOON. »

La jeune femme avait lâché son arme et avait posé un genou à terre, se couvrant la bouche comme pour se retenir de vomir. Ses yeux écarquillés étaient bloqués sur mon bras. Sans comprendre, je suivis son regard pour comprendre qu’elle regardait ma marque de guilde. Elle connaissait donc Crime Sorcière…

« NON. NON. NON. NON. C’EST IMPOSSIBLE. »

Les larmes lui montèrent à nouveau au visage tandis qu’elle arracha sa propre tunique au niveau de l’épaule pour exhiber une marque. Une marque que je connaissais fort bien… Un crâne orné de deux chapeaux inversé.

« JE… JE VOUS ADMIRAIS. AU PLUS HAUT POINT. MA MÈRE AVAIT ÉTÉ TUÉ PAR DES MAGES NOIRS, ET MON FRÈRE ET MOI ALLIONS AUSSI Y PASSER LORSQUE DES MEMBRES DE CRIME SORCIÈRE NOUS ON SAUVÉ. J’ÉTAIS TELLEMENT RECONNAISSANTE ET ADMIRATIVE QUE J’AVAIS DÉCIDÉ CE JOUR LÀ DE M’ENTRAINER POUR ENTRER DANS CETTE GUILDE… J’ai… J’avais réussi à l’intégrer très récemment et nous avions décidé avec mon père et mon frère de passer une dernière soirée en famille… pour…parce que je n’allais sans doute plus les voir… Comment est-ce possible que ce soit un membre de Crime Sorcière qui m’arrache ma famille… C’est un cauchemar… UN CAUCHEMAR… »

La jeune femme récupéra alors sa lame avant de se relever. Elle leva alors le bras, concentrant toute sa puissance. De mon côté, je la laissais venir. J’aurais pu lui parler mais que pouvais-je lui dire ? J’avais abattu de sang-froid sa famille sans aucune raison valable si ce n’était celle de découvrir qui j’étais réellement. Je ne pouvais pas lui dire qu’elle était comme moi… Que tous les hommes étaient faits ainsi… Qu’au final, je respectais le crédo de Crime Sorcière. J’annihilais le mal, j’allais jusqu'à la racine la plus profonde : l’Homme. Toute parole était inutile ici. Ainsi, je chargeais également ma magie, la concentrant en une sphère unique. L’intensité de cette dernière était incroyable… Je n’avais jamais réussi à accumuler tant de puissance auparavant et je n’arrivais pas à définir ce qui me permettait aujourd’hui de le faire… C’était comme si je mettais dans cette unique attaque tout ce que j’avais. Je ne parlais pas que de puissance magique non… Je concentrais toute ma détermination, toute mon envie de vaincre. Mon âme elle-même était en symbiose avec ma magie .

« Les mots ne servent à rien. C’est ici que ça se termine. »

Nous relâchâmes alors nos sorts en même temps. Les deux projectiles énergétiques entrèrent en contact et formèrent une immense concentration de magie instable qui rétrécit jusqu’à devenir une minuscule sphère d’une densité incroyable. Puis d’un coup, elle se brisa, libérant alors une onde de choc formidable qui nous projeta tous deux au loin. Le souffle de l'explosion balaya les alentours. Je ne sentis alors plus rien. Je savais que mon corps avait heurté le sol avec violence mais aucune douleur ne se manifesta… Mes yeux se fermaient doucement et j’eus le sentiment qu’avait le vainqueur. Sans même me relever, sans même vérifier… Je sentais cette euphorie, cette satisfaction d’avoir vaincu… Je ne savais pas l’expliquer mais je savais que j’avais réussi à me surpasser… Je savais que mon adversaire était encore en vie … Mais elle ne pouvait pas se relever… Elle ne pouvait pas m’achever… Fort de ce ressentiment, je sombrais dans l’inconscience.

Wake Up.

La mort avait-elle eu ce qu’elle voulait ? Avais-je trépassé ? Tout était noir autour de moi… Mon corps semblait flotter dans le vide… Où étais-je… J’entendais des voix… D’où venaient-elles ? Je tentais de bouger mais rien ni faisais… J’étais bloqué… Soudain, une vive lumière jaillit des ténèbres, et une silhouette apparut. Grand, blond, avec une épée sur le dos… Sebastian ?

« Ton heure n’est pas encore venu mon ami. Lève-toi. »

L’être de lumière changea de forme et je vis progressivement des visages connus. Nath’, Celya… Mes compagnons de guilde… Mon maitre... Je voyais peu à peu les gens que j'avais rencontré... Qui m'avaient changé.… Et cette petite chose noire… Gobou…Soudain, l’être d’ombre laissa place à un jeune homme. Des cheveux ébouriffés, une chemise ouverte, un regard froid et un petit sourire assez rassurant… C’était… moi ?

« Espèce d’idiot. Lève-toi. Tout ceci n’aura eu de sens que si tu te lèves. La vie humaine vaut ce qu’elle vaut. Une vie est une vie et aucune vie n’est plus importante qu’une autre. N’attache pas un poids trop important à cette dernière. N’aie pas peur, ce n’est pas la fin du voyage. Aie confiance en toi. »

Ma propre image disparut alors, laissant place cette fois à une intense lumière. Mon corps semblait pouvoir se mouvoir désormais. Ainsi, je levais ma main pour essayer d’atteindre cette lumière qui s’éloignait peu à peu de moi. Il était cependant hors de question que je la laisse filer.

« Je ne te laisserais pas partir. Oh que non. J’ai encore des choses à faire. Et même si elles sont peu nombreuses, j’ai encore des personnes qui m’attendent là-haut. »

Pourtant, la lumière s’éloignait de plus en plus vite et la peur prenait possession de moi, je savais que c’était une erreur mais la crainte s'emparait doucement des mes pensées. Et alors que je pensais que tout espoir était perdu, la lumière se changea une nouvelle fois et prit la forme d’une jeune femme blonde… Qui était-ce ?... Je la connaissais… Et sa simple présence était incroyablement rassurante...

«Cassidy ?... C'est toi ?...»

La jeune femme hocha doucement de la tête. Elle me sourit alors doucement puis tendit sa main vers moi… Finalement… Je me sentais enfin rassuré et je tendis ma propre main pour attraper celle de la petite blonde. Une vague de chaleur traversa alors mon corps et d’un coup, mes yeux s’ouvrirent. La lueur du soleil frappa mes yeux tandis que je tentais de comprendre ce qui venait de se passer. Il me fallut quelques secondes pour me souvenir de tout. Le combat… La lutte… L’inconscience… J’avais survécu… Mais comment ?... Je n’arrivais pas à me souvenir dans ce que j’avais vu… Je me souvenais simplement… de cette impression de chaleur qui partait de mon cœur… Qu’est ce qui avait pu provoquer ça ?...

Le silence régnait autour de moi, et la forêt semblait morte… Comme si elle était en deuil… Je commençais alors un léger diagnostic de mon propre corps. J’avais sans doute au moins une cote cassée si ce n’était plus. Ma jambe droite me faisait souffrir et mon épaule gauche devait être luxée… Cependant, le plus important était que je parte d’ici au plus vite… Val n’était pas loin… Je soufflais légèrement, j’avais de la chance d’être encore en vie… Je pris un couteau et le plantai dans le tronc de l’arbre qui était à ma droite et je me servais de ce dernier pour me relever. La douleur était intense et après m’être relevé, je dus me mordre violemment la langue pour ne pas hurler. A en juger par l’emplacement du soleil, il devait être six ou sept heures du matin à peine…

Je n’avais plus qu’à retourner vers la ville et pour ce faire, je n’avais qu’à m’aider de mes connaissances du continent. Si je tournais le dos aux montagnes centrales de Fiore, j’avais face à moi Fiore Nord et donc plus loin la mer de Désespérance. Si j’en jugeais par la distance qui me séparait des monts du nord du continent, je pouvais deviner qu’Oak Town était finalement une meilleure destination pour moi… Je pouvais m’y rendre plus vite et on posait moins de question dans cette ville quelque peu mal famée… Crime Sorcière était chassée par le conseil mais la couronne et donc Hungry Wolves n’avait pas de soucis particuliers avec notre guilde… enfin… Je l’espérais… Et puis de toute façon, je n’avais pas le choix, je devais partir avant que quelqu’un ne voit le carnage que j’avais causé en ces lieux… Sans savoir si mon adversaire avait elle aussi survécu, je me mis en route. J’avais désormais trouvé ma voie. La rédemption ? Plus maintenant. Je ne voulais plus suivre une voie inutile, jonchées d'obstacles stupides. J'allais suivre mon chemin… Laisser mon instinct guider mes pas. Et pour le moment, je restais à Crime Sorcière. J’avais encore de la rancœur pour les mages noirs et certains allaient payer…