Sujet: Re: L'incroyable-tournoi-du-feu-divin-auquel-personne-ne-survivra Mer 9 Oct - 21:29 | |
Dix années, dix longues années au cours desquelles j’avais le sentiment d’avoir vieillie d’une trentaine d’année. Une guerre a cet effet sur l’esprit d’une personne ; la violence, la douleur et la perte d’êtres chers vieillissent une âme et la transforme irrémédiablement. J’en étais revenue de cette guerre, mais défigurée, je portai ma main à mon épaule gauche et caressa du bout des doigts la chaire de mon moignon. J’avais perdu plus que mon bras dans cet affrontement, Kalindra mon mentor, un grand mage et mon éternel modèle n’y avait pas survécu. Ma courte carrière de mage à Lamia Scale m’avait fait traverser de nombreuses épreuves, mais voir un projectile traverser le corps d’une amie était de loin la plus éprouvante. Ce décès me changea profondément et je pris la décision de prendre ma retraite, quittant ma chambre au dortoir de la guilde et retournant à Laliveron où j’ai grandi. J’étais bien naïve de penser que la guerre ne m’y suivrait pas. Je travaillai à protéger la population de la ville, des gens avec qui j’avais grandi, des gens qui se moquaient de la petite fille stupide que j’étais. De nombreux convois quittèrent la ville pour se cacher dans les montagnes, aucun n’arriva prouvant encore une fois la cruauté sans limite des mages noirs.
Mon deuil fut de courte durée, j’étais animée par la rage. Je vécu alors à la hauteur du surnom que m’avait donné mon professeur ; « Vengeance Spirit ». La petite fille ingénue que j’étais avait disparue pour laisser la place à une femme assoiffée du sang de ses ennemis. Combattant de toutes mes forces je vis ma puissance magique grandir de batailles en batailles, créant des liens avec des nouveaux esprits célestes et en apprenant tout ce que ma magie avait à m’offrir en échange de mon bras. Mais la rage n’était pas un carburant suffisant, et éventuellement j’en vins à court retombant dans une mélancolie salvatrice. J’avais atteint, un jour, le seuil où le sang qui recouvrait mes mains ne disparaitrait plus, où mes rêves ne seraient plus joyeux, j’avais pris conscience qu’aveuglée par la rage et au nom de la justice j’avais accompli des actes abominables. La fin de la guerre m’apparut comme un événement surnaturel brisant le chaos quotidien de la guerre et me ramenant à une vie dans laquelle je me sentais étrangère. Devais-je retourner à mon ancienne vie en prétendant ignorer les dix années sanglantes qui s’étaient écoulées ?
De toute évidence nous n’en étions pas capables. Je fumais à la fenêtre de mon auberge observant le Domus depuis le confort de ma chambre. L’agitation que j’y observais était à la hauteur de l’événement, le public venu en grand nombre pour apaiser leur soif de combat, comme ci cette guerre ne l’avait pas étanchée. La nouvelle de ce tournoi m’avait surprise, d’autant plus qu’il était organisé par le roi dont l’absence sur le champ de bataille m’avait amené à en oublier son existence. Sa gestion du royaume, pour le peu de pouvoir que le conseil lui avait laissé, avait été désastreuse et sa décision d’organiser un tournoi à mort entre les survivants d’un conflit d’une décennie n’était pas prometteur. J’avais décidé de venir jusqu’à Crocus pour revoir d’anciens mages avec qui j’avais partagé de bons moments, ou du moins je m’en étais convaincue. Une partie de moi voulait venir pour prendre part aux affrontements, le combat étant devenue la seule chose pour laquelle je me sentais qualifiée.
Malgré la distance le Domus m’offrait un beau spectacle, l’arrivée du Christina avait provoqué chez moi des frissons me remémorant ce dont cet engin de guerre était capable de faire. S’il prenait part à la bataille il ne restait plus rien de Crocus et le roi pourrait régner sur un tas de ruines. Une onde de choc chaude éteignit ma cigarette et me frappa au visage m’obligeant à porter mon seul bras valide sur mon visage pour couvrir mes yeux, ils n’y allaient pas de mains mortes. Et ils surenchérissaient, des nuages recouvrirent l’arène et je sentais dans ma chambre que l’atmosphère changeait, l’air s’était chargé de cette odeur si particulière qui précède un orage. Mais ce qui ce que je vis ensuite ranima en moi un sentiment que j’avais cru oublié, l’apparition d’un dragon squelettique détruisant l’enceinte de l’arène ne pouvant qu’indiquer la présence de la démone Amandil. La garce comment osait-elle se présenter au Domus après ce qu’elle avait fait au royaume ?! elle n’était sûrement pas venu pour prétendre au poste de chef de la garde royale, un autre doigt d’honneur aux institutions qu’elle a tant plaisir à saboter.
Je ne perdis pas un instant, accrochant mon trousseau de clefs à ma ceinture je me précipitai par la porte ordonnant à Napoléon de m’attendre dans la chambre. Les rues de Crocus et les alentours de l’arène étaient vides toute la ville semblait s’être regroupée dans le Domus et je marchais vers l’entrée principale redécouvrant la ville désertée sous un nouvel angle.
Une fois l’enceinte traversée je me retrouvai au bord de l’arène et le spectacle que j’observais de ma chambre se révéla être une boucherie. L’arène n’avait pas été entretenue et les grandes statues qui la cernaient n’étaient plus que des jambes sans tronc, un des visages de pierre gisait sur ma droite. Un cadavre le recouvrait, le corps était encore consumé par les flammes et l’odeur me donna un haut-le-cœur, mais en portant mon regard aux alentours j’en découvris d’autres à différents stades de décomposition et souffrants de diverses mutilations. Le mage qui deviendrait le chef de la garde sera le dernier mage du royaume à en juger par le nombre déjà important de victimes. Nous avions gagné la guerre, mais je commençais à douter de notre légitimité.
J’aperçus Amandil dans l’arène, elle était blessée au cœur et était encerclée par des visages familiers, Liz, je ne l’avais pas revu depuis mes mésaventures dans cette maudite forêt. La jeune fille ne semblait pas non plus en très bonne état je ne perdis pas un instant et invoquai Monocéros au plus près de Liz afin qu’il puisse prodiguer ses soins et Canis Major à mes côtés en forme humanoïde armé de son épée et bouclier pour repousser les éventuels attaquants.
Elle risquait peut-être de ne pas me reconnaître, ma longue chevelure rose était coupée à ras, je portais une boucle d’oreille en forme de diamant. Ma tenue était beaucoup plus sobre qu’auparavant, une combinaison ample d’un bleu pale dont la manche gauche était replié au niveau de mon moignon.