N'ayant accepté aucune requête au cours des derniers jours, je me retrouvais au milieu du bâtiment de la guilde, sans véritablement savoir quoi faire de ma journée. Dernièrement, j'avais enchaîné les missions sans vraiment prendre de repos afin de démontrer à tous, mon investissement et mon envie constante d'accroître la réputation de la guilde au cheval ailé. Effectivement, depuis mon intégration, je prenais un pur plaisir à participer au bon développement de la guilde. Savoir que mes actes bienveillants aidaient de jours en jours celle-ci, me satisfaisait au plus haut point. M'impliquant corps et âme à la tâche, depuis mon arrivée, je montrais à tous, mais aussi à moi-même qu'avoir intégré une guilde, mais aussi d'entreprendre une carrière de mage n'était bel et bien pas un mauvais choix. Certes, même si j'avais rencontré quelques difficultés les premiers jours, je commençais à m'habituer à ce style de vie particulier qu'est la vie de mage.

Vaqué à mes occupations personnelles se montraient de plus en plus difficile puisque ces dernières semaines, je venais de passer presque les trois quarts de celles-ci sur les routes, allant de villes en villes afin de mener à bien diverses requêtes parvenant de l'ensemble du royaume de Fiore. Pour mes premières missions, je les avais choisi de manière à ce que je ne rencontre théoriquement, pas la moindre difficulté, histoire de m'acclimater, de me faire une idée de ce à quoi pouvait correspondre les missions proposées aux guildes, mais surtout des différents types proposés. Que ce soit escorte, récolte ou bien encore livraison, le lot proposé semblait fort intéressant et j'étais de plus en plus impatient à l'idée de repartir à la découverte de nouveaux lieux toujours plus fascinant les uns que les autres avec comme objectif, de pouvoir apporter mon aide à un habitant de notre contrée.

Cependant, avant cela, je me devais de prendre un repos bien mérité afin d'évacuer la fatigue, la tension accumulée auparavant. Même si je n'avais pas eu besoin d'avoir recours à mes talents de mage, le temps de trajet entre chacune des villes ou bien encore la résolution d'un problème d'un client s'avérait bien plus exténuant que d'aller latter du vilain mage noir, que de participer à une séance d'entraînement intensive. Afin de récupérer de ces efforts continus, j'avais décidé de passer une journée tranquille au sein de la guilde à me détendre, profitant de cette occasion pour côtoyer un peu plus les membres portant le symbole du pégase. Car même si nous avions fêté comme il se doit mon intégration, par mon désir de bien faire, je n'avais eu que très peu de temps pour discuter avec mes compagnons puisque j'étais parti immédiatement accomplir certaines requêtes. J'allais donc profiter de cet instant pour rattraper ce retard et ainsi me familiariser encore un peu plus avec la guilde.

M'asseyant au bar, je commandais alors un jus de fruit afin de m'hydrater. Sirotant doucement mon verre, j'observais le hall principal. À l'intérieur de celui-ci, je pouvais observer un lot de personnalité en tout genre. Devant moi se tenait une partie des membres de la guilde au cheval ailé, le reste se trouvant probablement à l'extérieur ou bien à l'étage supérieur. De mon siège, je scrutais attentivement la foule, cherchant à mettre un nom sur chacune des têtes présentes. Malheureusement, même si cela fut une réussite pour quelques-uns disposant d'une renommé plus grande que les autres au sein de la guilde, pour la majeure partie, cela restait encore un mystère absolu. Entre les personnes que j'avais déjà aperçue, mais dont je ne connaissais pas le nom, celles que je ne reconnaissais que par le statut qu'ils possédaient et celles dont je n'avais jamais vu le nez ici, j'avais devant moi un grand nombre de personne dont je me devais en tant que membre, de faire la connaissance.

Cependant, le verre encore à moitié plein, je n'avais pas l'intention de m'atteler à cette tâche immédiatement. Nul doute que je le ferai, mais pas tout de suite, probablement au cours de cette paisible journée que j'allais passer dans le bâtiment de guilde. Oui j'ai bien dit paisible ! Par là, je sous-entends calme, sans agitation. Du moins c'était ce que je pensais jusqu'à ce qu'une certaine agitation s'empare de l'assemblée. En effet, alors que j'étais accoudé au bar de notre confrérie, un jeune homme aux cheveux blonds fit irruption dans le bâtiment en exprimant à voix haute sa pensée. D'après ses dires, il semblait revenir de mission. Grâce à mon puissant et rapide esprit déductif, j'en arrivais à la conclusion que cette personne était un de mes compagnons. Me retournant vers lui, je l'observais, essayant de cerner un peu le caractère de ce nouvel intervenant.

Alors que d'un air parfaitement décontracté il saluait quelques filles présentes dans la salle, celui-ci vint s'asseoir à mes côtés. S'appuyant sur le bar, il s'empressa de commander au barman du saké afin de s'hydrater ne serait-ce qu'un peu. Puis il ajouta une phrase résumant parfaitement mes dernières pensées. La guilde connaissait une agitation chaleureuse, plaisante qui réchauffait les coeurs. L'esprit, le sentiment de cohésion se dégageant de la foule était plaisant et je ne pouvais empêcher le sourire qui se dessinait peu à peu sur mon visage, d'apparaître. Dans les instants qui suivirent, cette même personne, se présenta à moi. Se prénommant Roy, il ne me cita pas son nom complet, mais peu importe. Après tout, je pouvais désormais mettre un nom sur la tête de cet ancien inconnu. Me souhaitant la bienvenue tout en buvant son verre, sur son visage se lisait un franc sourire qui traduisait parfaitement l'état d'âme de ce blondinet. Bien entendu, à cela je répondis de la manière la plus polie possible.

Enchanté Roy ! Je m'appelle Vincent Regnard. J'ai intégré la guilde il y a de cela quelques mois, mais je ne me rappelle effectivement pas vous avoir déjà rencontré auparavant.

Alors que le blondinet semblait satisfait de ma réponse, après avoir vidé son verre, il s'empressa d'aller faire le tour du hall. Je l'observais attentivement, cherchant à apercevoir chez lui des signes pouvant m'informer grandement sur son caractère. En réalité, je ne l'observais pas tellement lui en tant que Roy, mais plutôt le mage de Blue Pegasus qu'il était. Immédiatement, je reconnus des coutumes propres à notre bien chère guilde. Dans sa démarche, sa façon naturelle de s'adresser aux gens autour de lui, on pouvait reconnaître aisément un membre portant le symbole du cheval ailé. Fortement intrigué, d'une traite, j'engloutissais le reste de mon verre que je ne faisais que siroter jusqu'à présent. Me levant, je lui emboîtais le pas tout en continuant à le scruter attentivement. En suivant son regard je pouvais facilement deviner qu'il était à la recherche de quelqu'un ou quelque chose. Puis brusquement il se stoppa lorsqu'il aperçut une femme à la chevelure orange. Alors qu'il allait très probablement l'aborder, je pris la parole afin de m'intégrer dans la future conversation, m'adressant donc à Roy, mais aussi à cette personne aux cheveux orangés.

Bonjour, vous êtes nouvelle ici ? Je n'ai pas le souvenir de vous avoir déjà aperçu. Je m'appelle Vincent Regnard et je suis enchanté de faire votre connaissance.

Attendant patiemment une quelconque réaction de la part de mes deux orateurs, je me frottais l'arrière du crâne. Ce geste pouvait paraître anodin aux yeux de beaucoup, mais il représentait parfaitement ce que j'éprouvais pour l'instant. Après mûre réflexion, j'avais peut-être été un petit peu trop direct. De plus, ma vieille habitude à vouvoyer les gens, pouvait l'avoir surpris. Dans tous les cas, j'espérais qu'elle ne se sente pas agressé par cette arrivée soudaine de deux inconnus cherchant à en apprendre un peu plus sur elle. Après tout, sa présence ici ne pouvait signifier qu'une chose, elle appartenait ou cherchait à appartenir à notre guilde. Et quoi de plus naturel pour des membres portant les mêmes couleurs et prônant les mêmes valeurs, que d'apprendre à se connaître au fil d'une intense et palpitante discussion ? Toujours est-il que j'observais mes deux compères en attendant patiemment que l'un ou l'autre accepte la discussion. Je venais d'entreprendre le bon déroulement d'un de mes objectifs de la journée, tenter de me familiariser un peu plus avec les membres présents dans le hall de notre bâtisse.

Par cette belle journée, je venais de rencontrer au sein de la guilde deux compagnons arborant le même symbole et reconnaissant donc les mêmes valeurs. Des valeurs made in Blue Pegagus. Alors que je venais d'aborder la jeune fille aux cheveux oranges, Roy venait de remarquer le fait que j'eus décidé de lui emboîter le pas. À cela, il s'empressa de reprendre la parole afin de poursuivre une conversation qui pour l'instant semblait ne pas décoller d'un pouce. Pour cela, il se contenta d'apporter un nombre non négligeable d'informations supplémentaires qui me permettait de cerner un peu plus le personnage. Effectivement, alors que pour l'instant je n'avais eu le droit qu'à son prénom, il compléta celui-ci en y ajoutant un "Shinku Hibana", je possédais donc aussi désormais son nom de famille. Même si cette information ne s'avérait pas réellement important, connaître l'identité complète d'un de ses partenaires pouvait s'avérer être un avantage pour comprendre un peu plus facilement l'histoire de celui-ci.

Bien entendu, il ne se contenta pas de me fournir cette maigre information. Après tout, depuis que je venais de le rencontrer, je n'avais pas vu disparaître le sourire illuminant actuellement son visage. Quelqu'un de jovial comme lui devait sans aucun doute avoir des tas de choses à raconter. Alors que je l'écoutais patiemment, mon intérêt s'accentua lorsqu'il aborda le sujet de la magie, ou plutôt de sa magie. Volontairement ou non, il réussit à capter mon entière attention. Auparavant, je l'avais écouté, mais tout en considérant la foule autour de nous. Maintenant, alors qu'il m'informait de son pouvoir magique, j'avais l'impression d'avoir changé d'emplacement. En effet, captivé par ses paroles, inconsciemment, je venais de faire abstraction de l'ensemble de l'agitation environnante. Ce Roy était donc un mage manipulant la foudre, l'électricité en somme. Cette information s'avérait forte utile puisque d'ici quelques temps, nous devrions peut-être quitter la guilde côte à côte afin d'aller effectuer une mission en coopération. Et après quelques courtes secondes de réflexion, je pus constater sa foi et sa confiance envers ses compagnons. Et oui, car si moi, suite aux récents évènements de Crocus, j'avais préféré ne pas révéler ma magie, lui, il m'exposait et m'expliquait la source de sa force sans pour autant se méfier ne serait-ce qu'un peu. Admiratif devant cela, j'espérais un jour pouvoir être comme lui, c'est-à-dire aussi proche et sincère avec les personnes appartenant à notre confrérie. Probablement curieux, il me questionna au sujet de la mienne. Mais, si un élément tel que la foudre pouvait être imagé relativement facilement, ma magie s'avérait un peu plus complexe à expliquer. Ne préférant pas me transformer en lapin au milieu de toute cette foule, je répondis simplement à Roy de la manière la plus courtoise possible tout en essayant de prendre conscience de sa remarque sur le fait que je l'avais vouvoyé quelques temps auparavant.

Désolé pour le vouvoiement, c'est comment dire ... une vieille habitude ! Pour ma magie, je pense qu'il est préférable que je vo.., que je te la montre un peu plus tard.

Alors que nous parlions avec ce cher Roy, la mage aux cheveux oranges répondit à ma présentation. Elle aussi s'empressa de me faire remarquer ce vouvoiement avant de poursuivre sa réplique. Celle-ci affirma se prénommer Capucine. D'après ses dires, il était possible d'utiliser le diminutif Capu' sans que cela la dérange. Tant mieux ! Cela serait donc moins complexe à retenir. Poursuivant sa phrase, je pus remarquer aisément que la jeune fille s'avérait être franche dans ses mots. Si j'essayais d'utiliser un langage relativement distingué de manière à ce que cela soit conforme au code d'éthique des gentlemans de Blue Pegasus, la jeune fille venait en quelques instants, à travers quelques paroles, de s'opposer fermement à celui-ci. L'image d'une femme douce, délicate venait de s'effondrait puisque cette fameuse Capucine ne semblait pas avoir sa langue dans sa poche. À cela ma seule réaction fut un profond sourire illuminant mon faciès d'enfant. Ce comportement me surprenait par le fait qu'il soit inattendu, mais ne me dérangeait pas plus que cela.

Regardant les deux autres interlocuteurs qui se présentaient l'un à l'autre, je restais paisiblement en retrait, les observant attentivement, cherchant à comprendre un peu mieux leur personnalité respective. Toujours aussi sèche dans sa façon de parler, Capucine questionna alors Roy sur son identité. Celui-ci bien entendu s'empressa de répondre avec la même envie et la même expression qu'auparavant, c'est-à-dire de la manière la plus enjouée possible.
Puis soudainement alors que la discussion s'intensifiait, la mage aux cheveux oranges fut soudainement atteint d'un hoquet pour le moins inattendu. Déjà bien surprenant, la suite s'avéra encore bien pire puisque des phénomènes encore plus étranges apparurent. Tout d'abord, de la bouche de la jeune Capucine sortit une bulle, puis une autre et encore une autre. De ses oreilles s'échappa alors de la fumée et la crise de hoquet s'intensifia. Comment réagir je n'en savais trop rien. Toujours est-il que ce fut Roy qui prit les devants en se précipitant aux côtés de la jeune femme lui proposant de l'aide. Gardant mon calme face à cette situation plus qu'imprévue, je repris la parole afin de mettre un peu d'ordre dans tout cela.

Euh ... est-ce que ça va ? Il faudrait peut-être mieux que tu ailles prendre l'air frais tu ne crois pas ?

Certes demander à quelqu'un "ça va ?" alors que celui-ci crache des bulles et de la fumée par les oreilles, peut paraître idiot, voire même totalement absurde. Toujours est-il que dans le Royaume de Fiore, tant de choses m'avait surpris, que l'existence d'un syndrome provoquant ces effets chez quelqu'un ne m'étonnerait guère. La fixant attentivement, j'espérais pouvoir d'être une aide quelconque à la jeune demoiselle atteint de cette crise de hoquet aiguë.

La bizarrerie de la situation devenait de plus en plus flagrante si bien que même les protagonistes l'ayant engendré commencèrent à perdre le fil de celle-ci. Effectivement, plus les secondes défilaient, plus mon esprit s'embrumait peu à peu, laissant place au final, à un flou, une brume qui m'empêchait de raisonner de la manière la plus lucide possible. Que voulez vous ? Des situations aussi délicates et surtout aussi étranges que celle-ci n'étant pas courantes, je me trouvais dans une impuissance des plus totales. Comment réagir ? Que pouvais-je bien faire pour l'aider ? Je n'en avais pas la moindre idée malheureusement. Après tout, le fait de rencontrer quelqu'un capable de cracher des bulles, d'avoir de la fumée sortant par les oreilles n'était indiqué nul part sur les nombreux livres que j'avais lu. D'ailleurs je n'en avais même jamais entendu parler. Commençant à douter fortement de la réalité de la scène, discrètement je vins me pincer l'avant-bras afin d'essayer de me réveiller de ce mauvais, de cet absurde rêve.

Cependant, cette action n'eut pas l'effet escompté. À la place d'un doux réveil dans l'un des lits confortables du dortoir de la guilde, une vive douleur vint parcourir mon bras me ramenant donc à la réalité, à cette affreuse réalité. De plus, cette fameuse Capucine restait entre chacun de ses hoquets, muette comme une carpe. Ce n'était probablement pas son choix, en effet, la fréquence de répétition de ses hoquets s'accélérant, elle était très certainement dans l'incapacité la plus totale d'émettre, de produire le moindre son. Face à ce cas de crise sans précédent, Roy pourtant âgé de quelques années de moi semblait tout aussi perdu. Si je gardais intérieurement toute la détresse que je ressentais grâce à mon extraordinaire don pour rester calme, le mage de foudre quant à lui extériorisait son angoisse, sa poussée de stress de la manière la plus classique possible. Il gueulait ! A travers le hall, résonnait la voix paniquée de Roy. Brassant de l'air inutilement, il appelait désespérément un médecin, sans que personne ne lui réponde. Certainement n'y en avait-il pas actuellement de réuni ici. Cependant, la crise ne semblait pas cesser, loin de là même. Elle ne faisait qu'empirer.

Déjà bien étrange, les bulles sortant de sa bouche prirent une teinte peu sympathique. En effet, peu à peu, celles-ci se tintèrent d'une couleur pourpre, d'un rouge sang facilement reconnaissable. Il ne me fallut que quelques toutes petites secondes pour m'apercevoir que ce phénomène s'avérait alors vraiment dangereux. Si au départ j'avais pensé à une vulgaire crise sans véritable conséquence, l'apparition de ces dites bulles m'avait apporté un élément important, ce fait on ne peu plus rare semblait atteindre la jeune Capucine sur le plan physique. Alors que la panique semblait avoir gagné l'assemblée environnante, personne ne semblait être susceptible de pouvoir venir en aide à la jeune fille aux cheveux roux. A vrai dire, il y avait fort à parier que la majeure partie était dans la même situation que moi, c'est-à-dire dans une incompréhension des plus totales. Soudainement, la stupeur vint gagner l'intégralité des membres présents dans le hall de notre bien chère guilde.

Un grand silence se fit ressentir au sein de notre bâtiment, comme si le temps s'était arrêté soudainement. Plus un souffle, plus un seul bruit ne parcourait la pièce. Il ne restait plus rien si ce n'est l'impression de mort ambiante. Cet arrêt brutal fut provoqué pour une raison bien précise. Alors que les autres et moi-même étions déjà inquiet au sujet de la jeune rousse, celle-ci s'écroula sur le bar, piquant du nez d'un seul coup sans que nous puissions faire quoi que ce soit. La première pensée qui me vint alors à l'esprit fut que cette même personne venait de décéder subitement à cause d'un approvisionnement en oxygène trop faible étant donné que le hoquet ne lui permettait pas d'en reprendre suffisamment. À cet instant précis, mes yeux s'écarquillèrent laissant place à une expression des plus stupides sur mon faciès. Dans la foulée, je lâchais quelques légers mots traduisant parfaitement mon incompréhension ainsi que mon désespoir.

Et merde !

Alors que je restais sur place ne sachant toujours pas quoi faire, l'autre mage aux cheveux blonds continuait de s'agiter et de brasser beaucoup d'air sans réellement agir lui non plus. Nous étions donc tous là impuissant, à "admirer" cette scène des plus étranges. Alors que nous redoutions tous que la jeune fille ait passé l'arme à gauche, un bruit vint apporter à tous le soulagement que nous espérions au plus profondément de nous même. Un ronflement sourd et résonnant traversa l'intégralité de la pièce. En quelques secondes, l'assemblée poussa un ouf de soulagement en découvrant que cette jeune fille venait en réalité, de s'endormir soudainement. Rassuré, après avoir longuement soupiré, je reprenais doucement la parole cherchant à dissiper la tension qui s'était accumulée et qui régnait dans l'air.

El.., elle est simplement endormie ? Elle se fout de nous non ? Elle a quand même réussi à nous inquiéter ...

La tête écroulée sur le bar de la guilde, dans son inconscience, elle venait de renverser son verre. Souriant bêtement en observant cette image, je fus surpris de la voir se relever soudainement. Visiblement un peu déboussolé par cette absence soudaine. Tournant la tête dans tous les sens, son visage commençait à se teinter d'un rouge écarlate. En effet, la jeune fille réalisa ce qu'il venait d'y arriver et commençait probablement à ressentir un sentiment de gêne parfaitement compréhensible. Alors qu'elle rougissait de plus en plus, elle finit par prendre les jambes à son cou et sortir de la guilde en s'excusant rapidement. Immédiatement, Roy lui emboîta le pas, cherchant très probablement à aller discuter un peu plus avec la jeune fille. Intrigué par ce qui venait de se passer, j'aidais rapidement le barman à effacer les traces de cet incident avant de m'avancer en direction de la porte de sortie du bâtiment. Me plaçant aux côtés de Roy, Je l'écoutais attentivement poser ses questions à la jeune fille. Il semblait tout aussi intrigué que moi. Il commença à la questionner sur ce qui venait de se passer en évoquant un possible cas de narcolepsie. En y réfléchissant un peu, l'idée de mon compère aux cheveux blonds semblait parfaitement logique. Mais pour moi cet évènement appartenait déjà au passé, c'est pourquoi, lorsqu'il demanda si une "ballade" dans les jardins se trouvant derrière la guilde était envisageable je m'empressais de répondre.

Entièrement d'accord ! Allons y faire un tour, j'ai grandement besoin de prendre l'air et de me défouler un peu !

Me craquant la nuque et les doigts en supplément de cette phrase, je dissimulais une proposition derrière celle-ci. J'étais en cruel manque d'exercice physique et dans ces dits jardins, il y avait à disposition des membres de la guilde au cheval ailé, une surface suffisamment grande pour se livrer à toute sorte de duel. Espérant que les deux autres avaient compris mon intention, je me dirigeais lentement vers ceux-ci en jetant un coup d'oeil rapide afin de m'assurer que les autres protagonistes me suivaient. Les mains derrière la tête je sifflotais en marchant, réfléchissant à la suite des évènements. Si cela se passait comme je le souhaitais, j'allais affronter ces personnes dans un pseudo entraînement. De cette manière, je pourrais voir de mes propres yeux la magie dont ils se servaient au quotidien, mais surtout, j'allais pouvoir évaluer mon niveau par rapport à eux. N'ayant pas réellement eu le temps de m’impliquer dans la vie de la guilde, l'échelle hiérarchique m'était inconnue et la puissance de chacun aussi. Cela ferait donc une bonne occasion pour éclaircir certaines zones de floues de mon esprit tout en développant nos liens et apprendre un peu mieux à nous connaître.

Alors que le temps commençait à se dégrader, les nuages s'amusant subtilement à dissimuler derrière eux notre source de lumière, faisant de cette manière descendre la température de quelque degré Celsius, nous nous retrouvions tous les trois à errer dans les jardins appartenant à la guilde dans le simple but de prendre l'air. Alors que d'une manière plus ou moins dissimulée, par mes gestes, j'avais accompagné ma parole d'un sous-entendu. Cette pensée implicite désormais dissimulée, il ne me restait plus qu'à attendre la réaction des autres protagonistes. Celle-ci ne tarda d'ailleurs pas à arriver puisque dans les instants qui suivirent, le jeune mage portant le prénom de Roy s'empressa de reprendre la parole en nous questionnant, la jeune Capucine et moi, sur la nature de notre magie. Cependant, avant que je ne puisse prononcer le moindre mot, le jeune homme continua sur sa lancée, nous proposant de nous rendre dans un endroit qu'il connaissait et appréciait.

Acquiesçant d'un signe de tête, j'emboîtais le pas de mon partenaire de guilde ne cherchant pas réellement à savoir où il avait décidé de nous conduire, je le suivais en espérant découvrir ce nouveau lieu et ainsi avoir en quelque sorte, une bien jolie surprise. Seulement, ce ne fut pas une surprise qui nous attendit, mais bel et bien deux. Alors que nous étions presque arrivés sur place, une nouvelle personne vint se joindre à notre petit groupe en nous interpellant avec une courtoisie qu'il était plaisant d'entendre. En effet, si les deux personnes m'accompagnant avaient pour l'instant montré un franc parlé étonnant pour des personnes portant le symbole du cheval ailé, cette jeune fille venait de faire preuve d'une politesse que je pensais éteinte après avoir entendu la manière de parler de Capucine et Roy.

Son intervention me fit sortir subitement de mes pensées. Avant son intervention, je scrutais attentivement les jardins, admirant l'ensemble des décorations présentes dans celui-ci, si bien qu'en prenant la parole, elle me prit au dépourvu, en me surprenant. Tournant rapidement la tête, je fus atteint d'un "bug" lorsque je perçus enfin celle-ci, une sorte de latence en somme. Assurément, ma réaction était largement qualifiable de mécanique et ne possédait rien de naturelle. La fixant attentivement quelques instants, mon regard vint se perdre dans ses iris dorés. Cependant, un détail dans les paroles de celle-ci m'interpella et me ramena à la réalité, mettant donc de cette manière fin aux divagations de mon esprit rêveur. Ce fut le fait, qu'elle connaissait mon prénom alors que je ne possédais pas le souvenir de l'avoir déjà aperçu auparavant, qui me surprit le plus. Je savais que l'arrivée d'un fils de noble qualifié par beaucoup de génie dans la guilde Blue Pegasus avait fait pas mal de bruit, mais je ne pensais pas avoir une telle renommée au sein de ma propre guilde. L'effervescence que celle-ci avait engendré, avait donc permis à la guilde de connaître en quelque sorte un vent nouveau et lui donner un élan de fraîcheur.

Fort heureusement, cette même jeune fille se présenta. Grâce à elle, je venais d'éviter une situation gênante. Car si elle connaissait mon patronyme, ce n'était pas mon cas à propos du sien et je n'aurai rien eu d'autre à répondre qu'un "Euh ..." sonnant creux et dévoilant mon manque de connaissance vis-à-vis de mes camarades. Puis elle apporta une précision sur sa "fonction" au sein de cette humble demeure, en affirma qu'elle était la barmaid officielle de la guilde au cheval ailé. Me replongeant rapidement dans une courte réflexion, je vins me souvenir d'une des rares discussion que j'avais eu le temps d'avoir avec mes confrères. Il s'agissait de celle que j'avais eu avec les membres chargés de me faire découvrir les lieux. Dans celle-ci, j'avais le souvenir que l'on m'ait parlé de cette personne. D'après les dires, il s'agissait d'une personne formidable, se donnant corps et âme pour le bien-être de ses compagnons. Son dévouement et son acharnement à la tâche étant des plus admirables, il s'agissait donc d'après mes souvenirs, d'une sorte de maîtresse de maison. De plus, on m'avait longuement averti sur l'attachement que celle-ci au bar de la guilde et du fait qu'il ne fallait en aucun cas commettre l'erreur d'abîmer celui-ci sous peine de voir le terrible courroux de la jeune fille se déchaîner. Ayant désormais quelques informations sur cette dite personne, je m'empressais de répondre à la demoiselle, affichant un franc sourire rayonnant et témoignant de ma bonne humeur actuelle.

Enchanté de faire votre connaissance Sayu-chan !

Puis la suite de la conversation ne compta que deux protagonistes, la nouvelle arrivante et Roy. En effet, celui-ci usa de répliques pouvant paraître traditionnelles pour un membre de la guilde au cheval ailé et courtisa la jeune fille. Souriant légèrement, je ne fis rapidement plus attention à ce qui vint se dire par la suite puisque je scrutais attentivement les alentours, émerveillé par la beauté des jardins de notre guilde. Mon regard se posa alors sur une fontaine présente à quelques mètres de nous, celle-ci me fascinait pour une raison qui m'était totalement inconnue. Mon comparse blond désigna alors cette même fontaine comme la destination à laquelle il comptait nous emmener. Me détachant du groupe, je vins me tenir à proximité de la source d'eau en premier, avant de plonger mon regard sur mon reflet. Examinant celui-ci, j'avais l'impression de pouvoir lire à travers moi comme dans un livre. Approchant délicatement, ma main de la surface de l'eau, je vins la poser dessus, laissant de cette manière mon reflet, se déformer sous l'onde que je venais de propager. Regardant mon faciès disparaître peu à peu, je relevais la tête, me questionnant intérieurement sur diverses choses. Me tournant alors vers les autres protagonistes je sortais la dague de la poche intérieure de ma veste. La lançant en l'air, je vins la rattraper d'un geste habile de la main lorsque celle-ci retomba au niveau de ma hanche. Fixant attentivement mes trois autres compagnons, alors qu'il était aisément possible de lire dans mon regard la détermination et l'enthousiasme qui m'envahissaient, je repris la parole.

Un petit entraînement cela vous dit ? J'ai besoin d'un peu d'exercice ! Et puis cela me permettra d'en apprendre un peu plus sur chacun d'entre vous.

Même si mes paroles pouvaient paraître absurde, bien que la parole soit un moyen comme un autre de se comprendre et en apprendre un peu plus sur autrui, il est néanmoins vrai qu'il est possible par le biais du combat d'arriver à la même chose. Et c'est ce sur quoi je comptais m'appuyer pour répondre à mes interrogations de tout à l'heure. Désormais, il ne me restait plus qu'à attendre une éventuelle réponse positive de la part des autres membres avant de se lancer dans un palpitant affrontement entre membres de la guilde au cheval ailé.

Assis sur le rebord d'une fontaine se trouvant dans les jardins de la guilde, j'attendais patiemment une réponse à ma proposition en espérant que celle-ci soit positive. Cependant, avant de répondre, les deux autres membres de la guilde au cheval ailé semblait avoir un petit différent à régler. À vrai dire, je n'avais pas la moindre idée du genre de relation qu'ils pouvaient entretenir tous les deux, probablement à cause du fait de mon intégration récente dans la guilde au cheval ailé. Néanmoins, je n'avais nul doute, que je finirai par le découvrir un jour ou l'autre. Les laissant s'expliquer, je croisais les bras en attendant qu'ils aient fini, ne cherchant pas plus que cela à m'immiscer dans leur discussion.

Puis finalement, après quelques échanges, ils finirent par me répondre. Deux réponses positives ! Que demander de plus ? À vrai dire, j'espérais aussi qu'ils n'aient pas pris cette décision à contre-coeur, en somme, que je ne les avais pas forcés à prendre part à cet entraînement. En fait cette pensée me traversa l'esprit lorsque j'entendis les paroles de la jeune fille. À l'entendre, celle-ci ne semblait pas réellement éprouver la même palpitation que moi à l'idée de se livrer un duel entre membres. Mais visiblement, pour une raison que j'ignorais, elle avait tout de même accepté de se joindre à nous. Quant à Roy, je lus rapidement dans sa gestuelle qu'il acceptait lui aussi ma proposition. De plus, la jeune Sayu vient subtiliser la première offensive magique. Formant un revolver à l'aide de ses doigts, une faible lueur se forma au niveau de son index avant qu'un projectile ne me fonce droit dessus, ou plutôt, qu'il vienne s'écraser à mes pieds. Durant un court instant, je perçus celui-ci avant qu'il ne s'évapore littéralement. Il s'agissait donc d'un fil possédant une pointe aiguisée qui venait de perforer le sol d'une telle manière. Contemplant d'un regard étonné la netteté de l'impact, je compris que sa magie n'était pas à prendre à la légère et que, si par le plus grand des hasards, la jeune barmaid arrivait à me toucher, j'allais me retrouver, troué de part en part.

En somme, elle venait d'accomplir une pseudo démonstration en me dévoilant la nature de sa magie. En y réfléchissant bien, cette magie ressemblait beaucoup à celle que j'utilisais en étant transformé en Bloody Rabbit, c'est-à-dire à la Chain Magic. Il serait probablement bon d'en discuter avec elle un peu plus tard, du moins si elle en avait l'envie. Puis, Capucine ne sembla vraisemblablement par vouloir se joindre à nous puisqu'elle décida de s'écarter et de se placer en tant que spectatrice. Par contre, Roy quant à lui, semblait frémir d'envie à l'idée de se lancer dans un duel contre moi. Cependant, je fus surpris par sa réplique lors qu'il perçut l'attaque de la jeune barmaid. En effet, il affirma qu'il n'avait lui non plus, jamais vu ne serait-ce qu'une fois la magie de la jeune fille. Bien entendu, en l'entendant prononcer ces paroles, un doute m'envahit. Par le fait qu'ils semblaient relativement proche, je m'attendais à ce que le jeune Roy soit un minimum informé sur les capacités de sa camarade, mais visiblement ce n'était pas le cas. Prenant quelques secondes pour réfléchir, je compris alors que Sayu se forçait intérieurement à participer, mais que pour une raison que j'ignorais, elle nous cachait son désaccord.

Pendant ma réflexion, l'autre blondinet du groupe effectua à son tour une démonstration de sa magie. Laissant de l'électricité et des étincelles s'échapper de son bras, je compris alors qu'il était un mage élémentaire se servant de la Kaminari no Mahô. Formant une sorte de sphère chargée d'énergie, il la lança dans ma direction, mais ne chercha pas à me toucher. En observant la trajectoire de celle-ci, je compris alors tout de suite qu'il avait visé à côté de manière volontaire, car après tout, il fallait vraiment être d'une maladresse sans nom pour pouvoir rater une cible immobile. Je regardais le sort passer à une dizaine de centimètre de mon faciès. La décharge électrique condensé dans ce sort fit virevolter quelques-uns de mes cheveux lorsqu'elle passa à mes côtés, les soulevant et dévoilant ainsi, un regard plein de malice témoignant de mon esprit joueur se réveillant peu à peu. Tournant la tête délicatement, je vis l'arcane s'écraser contre l'arbre situé quelques mètres derrière moi et y laisser une trace noire, symbole du point "d'impact" du sort.

Me tournant alors vers les autres protagonistes, Roy ajouta alors une réplique digne des plus grands frimeurs de Blue Pegasus. À travers cette phrase, il me dévoila aussi la voie qu'il suivait, se désignant comme un samouraï, je compris soudainement pourquoi il portait sur lui des sabres. En plus d'être un madoshi maîtrisant l'élément grondant, il semblait maîtriser l'art des armes. Après avoir réuni et analysé les informations collectés, je décidais de me mettre en action à mon tour. M'appuyant sur la fontaine pour me relever, je me plaçais en face de mes antagonistes, un léger sourire naissant au coin de mes lèvres avant de prononcer quelques mots dans le but de lancer officiellement le combat.

C'est tout à votre honneur mon cher Roy ! Bien ... à mon tour voulez-vous ?

Serrant fermement ma dague dans le creux de ma main, je laissais l'énergie magique m'envahir peu à peu, jusqu'à la laisser déborder à mes côtés. Bien entendu, j'avais un brève idée de la puissance qu'ils avaient et jusqu'à présent, je pensais celle-ci inférieure à la mienne. C'est pourquoi, je décidais de ne pas dévoiler la nature de ma magie immédiatement. Pliant les genoux pour trouver des appuis stables, je faisais appel à ma magie, la laissant apparaître avec abondance jusqu'à en rassembler suffisamment pour atteindre un seuil proche de celui nécessaire à ma transformation en Take Over. Me projetant en avant, je fonçais de manière non rectiligne sur eux afin de ne pas m'exposer. En quelques secondes, je venais de combler l'espace nous séparant, cependant, je n'avais pas prévu la suite de mes actions ce qui eut pour résultat de provoquer une cassure dans la fluidité de celles-ci. Hésitant un bref instant pour choisir la cible que j'allais attaquer en premier, mon cerveau se rappela la constatation effectuée quelques secondes auparavant. M'orientant d'un geste habile en direction de la barmaid, je prenais mon impulsion de manière à m'élever au-dessus d'elle avant de murmurer quelques mots à peine audible.

Ne te force pas ....

Ces paroles je les avais prononcées au cours de mon acrobatie aérienne lorsque j'étais passé au-dessus de la jeune femme. De cette manière, je pensais que le murmure ne serait perceptible que par celle-ci. Roy quant à lui, n'avait pas à entendre cette phrase. Pourquoi ? Et bien tout simplement, car il pourrait interpréter d'une façon que je ne souhaitais pas celle-ci en pensant que je le trouvais trop faible pour me tenir tête. Malgré le fait que, j'avais clairement perçu une différence de niveau, j'attendais d'en savoir plus sur eux avant de crier victoire. Après tout, ils pouvaient posséder un atout de taille qu'ils se gardaient bien de me dissimuler pour l'instant et qui pourrait, par le plus grand des hasards, renverser la situation à leur avantage.

Maintenant, il ne me restait plus qu'à me réceptionner après cette pirouette qui avait plus comme objectif de créer un peu de spectacle avant de se lancer dans ce duel que je considérais plus comme un moyen de créer des liens, que comme un réel affrontement. Faisant tournoyer ma dague entre mes doigts, désormais dans leur dos, je les regardais par-dessus mon épaule avec amusement, comme pour signifier que j'aurai pu, en une fraction de seconde, lancer cette fameuse arme dans leur direction. Puis pour conclure mon action sur une note légèrement plus sérieuse, je repris doucement la parole en glissant quelques mots qui j’espérais, les feraient réagir.

Montrez-moi le tempérament des mages de Blue Pegasus ! Et peut-être aurez-vous le droit à une démonstration de magie de ma part...

À vrai dire, je craignais de faire appel à ma magie devant eux, ou plutôt, de perdre le contrôle de ma transformation et de revivre les évènements de Crocus. Si, par le plus grand des malheurs, je blessais dans une folie meurtrière, l'un de mes camarades, je ne pensais pas pouvoir m'en remettre. Certes, cela pouvait sembler paradoxal quand on sait que cet entraînement est le résultat d'une de mes propositions. Néanmoins, je pensais pouvoir m'en sortir sans avoir à l'utiliser, du moins, je l'espérais. À la suite de ma réplique, je m'attendais à un type de réaction bien précis, seulement, je n'avais aucune certitude quant à celle-ci. Mes deux autres camarades, pouvant réagir d'une manière bien différente...

Après ma petite démonstration, j'attendais une réaction bien précise de la part de mes compagnons de guilde. Une réaction que j'espérais voir surgir comme réponse à la provocation que j'avais lancée à travers mes précédentes paroles. En réalité, je voulais voir de mes propres yeux le tempérament des mages de la guilde au cheval ailé, jusqu'à quel point ceux-ci pouvaient-ils se dévouer pour "glorifier" le blason que nous portions tous. Fermant les yeux en attendant une quelconque réponse, je m'interrogeais sur la nature de leur possible réaction. Ma réplique allait-elle les motiver encore plus pour ce duel ? Ou bien allaient-ils la considérer comme vantarde et irrespectueuse envers eux ? Je n'en savais trop rien mais j'espérais sincèrement que la deuxième possibilité soit fausse. En y repensant, je reconnaissais que je n'avais pas été correct en m'adressant à eux et que je comprenais que ma réplique pouvait les avoir offusqués.

Cependant, mon jeune esprit n'eut pas le déclic de présenter des excuses immédiatement. En effet, bien trop rêveur, ou plutôt, bien trop aspiré par le combat, mes pensées ne prirent pas de tournure différente que précédemment. Je restais bel et bien, concentré sur cet entraînement qui s'annonçait bénéfique pour chacun d'entre nous. Du moins c'est ce que je pensais ... Malheureusement, la suite des évènements ne se déroula pas du tout comme je le souhaitais. Alors que j'idéalisais à penser à une banale petite journée, accompagnée d'un moment de partage avec quelques membres de ma guilde, la tournure prise par les évènements s'éloigna grandement de l'image que je me faisais des prochains instants. Tout d'abord, je vis le jeune Roy s'agiter à nouveau en refaisant appel à sa magie. Ce fut les petits claquements électrique produit par l'apparition de sa magie qui m'alertèrent. Tournant la tête dans sa direction, je pus le voir dégainer son épée. Il allait donc réagir et j'étais on ne peut plus impatient de voir ce qu'allait faire ce cher samouraï. Allait-il agir avec fougue et détermination comme je l'espérais ? Ou allait-il montrer un côté bien plus sage en agissant d'une toute autre manière ?

En l'ayant côtoyé un peu auparavant, j'avais aisément remarqué son enthousiasme débordant lorsqu'il était en présence de ses camarades de guilde. Cette maigre analyse de son comportement me permettait de prévoir avec une très petite marge d'erreur sa réaction future. Il allait attaquer d'ici très peu de temps, du moins, s'il n'y avait pas eu l'intervention soudaine de la jeune fille à la chevelure rousse. Toujours avec le même franc parlé, elle vint prendre part à cet entraînement malgré le fait qu'elle se soit placée en spectatrice auparavant. S'écriant haut et fort, elle jeta une arcane dans ma direction. Me tournant brusquement dans la direction de celui-ci, je vis alors un rayon magique de couleur rouge fondre peu à peu sur moi. Cependant, la vitesse de cette technique me permettait de ne pas la craindre réellement. Un sort lancé de cette manière ne m'était pas bien difficile à esquiver ou à parer. Comme tout sort, celui-ci reflétait la puissance magique de la jeune Capucine et visiblement, elle ne m'était pas supérieure.

Puis du coin de l'oeil je vis Roy s'apprêtant à me charger. La réaction de mes deux compagnons me fit lâcher un léger sourire en coin. Ce côté combatif, apparut après ma provocation montrait bel et bien la ferveur qu'il éprouvait lorsqu'il s'agissait de mettre en valeur le blason de la guilde. Voyant le rayon me foncer dessus de manière rectiligne, mais surtout de manière uniforme, je conclus qu'il ne m'était pas nécessaire de mettre au point un stratagème quelconque pour esquiver cette offensive. Rassemblant un peu d'énergie dans mes jambes, je demandais à celle-ci une impulsion suffisante à ce que je puisse prendre une bonne distance avec le sort. Mes appuis se dérobant doucement en enfonçant légèrement le sol, je réalisais un saut en arrière afin de m'écarter. Donnant à ce saut une allure gracieuse en me courbant légèrement de manière à avoir la tête en bas, je fixais désormais le jeune madoshi de foudre. S'il voulait m'attaquer, il avait devant lui certainement l'une des plus grosses opportunités possibles. En effet, j'avais volontairement laissé cette ouverture afin de ne pas donner une impression d'une ultra-domination de cette joute magique.

Seulement voilà, tout ne se déroula pas comme prévu. L'autre mage blond ne se lança pas à l'assaut pour une raison qui me sembla suspecte. À vrai dire j'avais l'impression que quelque chose l'avait coupé dans son élan. Absorbé par les deux protagonistes qui avaient essayé de me porter un coup, j'en avais totalement oublié la jeune barmaid et ce fut à ce moment-là, que je compris ce qui avait stoppé l'assaut du samouraï. Alors que je percevais enfin la voix de la jeune fille s'élever au fur et à mesure, je détournais lentement la tête en sa direction tandis que la stupeur se dessinait peu à peu sur mon visage. En un bref instant, je vis apparaître une flopée de fils qui fendirent l'air brusquement et qui, par le plus grand des hasards coupèrent la trajectoire de mon saut renversé, destiné simplement au préalable à esquiver l'attaque de Capucine. Dans cette position, mes actions étaient on ne peut plus limitées, puisqu'il n'y avait pas moyen que je retrouve un appui en si peu de temps. Bien décidé à ne pas utiliser la magie, alors que je réfléchissais, une idée me vint à l'esprit. Une idée qui m'éviterait probablement un grand nombre de coupure. Glissant rapidement ma main à l'intérieur de ma veste, je vins saisir le cylindre contenant mon immense faux. Déclenchant le mécanisme d'une simple pression, l'arme se déplia d'elle-même et je pouvais désormais contrer ces fils.

Toujours au cours de ma pirouette, je vins placer les lames de ma faux en opposition en espérant que celle-ci puisse couper ou tout du moins dévier les fils passant dans ma trajectoire. Néanmoins, même si mon plan se déroula sans encombre et que la majorité des fils se tranchèrent d'eux-mêmes en s'écrasant sur les lames, l'un d'entre eux traversa ma garde improvisée. Le voyant approcher, je fis le maximum nécessaire pour l'éviter ne serait que partiellement et ne pas le recevoir de plein fouet. Toutefois, celui-ci vint m'effleurer légèrement la joue provoquant l'apparition d'une légère coupure. Ils avaient donc réussi à me toucher au cours de cet entraînement et au vu de nos puissances respectives, cela se révélait comme quelque chose dont ils pouvaient être fiers. Seulement, à l'heure actuelle, il n'y avait rien qui pouvait nous permettre de nous réjouir. Si j'avais pu trancher quelques fils, plusieurs d'entre eux avaient continué leur course rectiligne si bien que le paysage ainsi que le bâtiment avait désormais des séquelles de cette attaque.

Cependant, il y avait une chose qui attirait bien plus mon intention que ces banals dégâts qui ne tarderaient pas à disparaître avec le temps. Mon regard vint se perdre sur la jeune fille aux cheveux émeraudes qui semblait être en proie avec un profond mal à la suite de cette attaque. Apercevant alors les larmes coulaient le long de ses joues, je compris que mon hypothèse formulait quelque peu auparavant était vraie. Seulement, sa réaction avait suscité bien trop de réflexion pour mon pauvre esprit qui en oublia même le fait que j'étais actuellement en pleine acrobatie aérienne. Le résultat ne fut pas probant puisqu'en effet, je vins me rétamer lamentablement au sol, m'écrasant de tout mon poids sur le dos alors que je lâchais la faux qui tomba à mes côtés. Désormais j'étais allongé dans l'herbe des jardins de Blue Pegasus, les yeux fermés, à attendre les diverses réactions. Tout d'abord, ce fut la jeune Sayu qui s'empressa de s'inquiéter de son acte en nous questionnant sur notre état de santé. Récapitulant rapidement les informations que j'avais eues, j'étais le seul à avoir été sur la trajectoire des fils, ce qui par conséquent, voulait aussi dire qu'il n'y avait pas de blessure hormis cette légère coupure au visage.

Toujours immobile et muet, j'écoutais attentivement les paroles de la jeune fille qui expliqua alors que c'était pour ce genre de raison qu'elle ne souhaitait pas dévoiler sa magie. À vrai dire, je ne pouvais que trop comprendre ce qu'elle ressentait actuellement puisque j'étais en réalité dans une situation quasi-similaire. Choisissant de ne pas intervenir tout de suite, je restais silencieux, écoutant désormais le discours de Roy, un discours qui vraisemblablement avait pour but de réconforter la jeune fille en pleurs. Ses paroles sonnèrent creux à mes oreilles puisque je ne partageais pas la même opinion que lui, mais je fis tout de même le choix de ne pas l'interrompre étant donné qu'il parviendrait peut-être à faire cesser les sanglots de notre barmaid. Selon moi, le coeur n'avait rien à voir dans cette histoire. La magie s'avérant être à mes yeux une dangereuse arme ayant le potentiel de tuer, mais qui ne se laissait en aucun cas dompter par un quelconque sentiment. Réfléchissant légèrement sur ma position, je compris alors que les évènements de Crocus avaient influencé celle-ci. Après tout, il fallait avoir vécu des incidents similaires pour comprendre l'étendue de la chose, du moins, c'est ce que je pensais. Puis, finalement, je vins rouvrir les yeux tout en essuyant délicatement la petite dose de sang coulant lentement de ma joue. Soupirant légèrement, je finis par reprendre la parole, toujours en étant allongé dans l'herbe, les yeux rivés vers le ciel bleu de cette journée.

Toi aussi ... tu es donc effrayée par ta magie ?

À vrai dire, je connaissais déjà la réponse à ma question, mais j'avais aussi levé le voile sur le mystère qui régnait autour de ma magie. Si je n'avais pas fait de démonstration à proprement parler de celle-ci, c'est parce que je craignais d'en perdre le contrôle en leur présence. J'espérais aussi qu'à travers cette affirmation, j'allais pouvoir la consoler ne serait-ce qu'un peu puisqu'elle ne se sentirait plus seule à porter cette peur, cette crainte particulière que nous ressentions elle et moi ...

Allongé dans l'herbe, les yeux rivés vers le magnifique ciel bleu de cette journée, je laissais mon esprit rêveur se délecter de ce moment de calme. Tout en admirant les quelques nuages flottant au-dessus de nos têtes, j'attendais patiemment une quelconque réaction engendrée par ma précédente réplique. En réalité, j'avais quelque peu menti en prononçant ces paroles bien que celles-ci ne soient pas totalement fausses et comportent une partie de vérité. En effet, même s'il était vrai que je n'avais pas une grande confiance en ma magie, ce n'était pas celle-ci que je redoutais le plus. Le Bloody Rabbit, n'était qu'une simple âme que j'avais désormais en ma possession et que je pouvais faire ressortir selon mes désirs. Ce que je redoutais le plus, n'était ni plus ni moins que moi-même. Les évènements de Crocus, plus j'y repensais, plus je songeais au fait que ceux-ci furent provoqués par ma personne et que e fait que l'âme démoniaque du lapin géant ayant pris possession de mon corps, ne soit en réalité qu'une banale excuse que je m'imposais pour réussir à aller de l'avant. En somme, si j'avais arboré la forme de la faucheuse, ce n'était ni plus ni moins que j'étais à ce moment-là, trop faible psychologiquement parlant, pour y faire face.

En raisonnant de cette manière, il était alors possible de penser que j'avais volontairement laissé la place à ce monstre assoiffé de sang. Cette hypothèse, au fur et à mesure du temps, malgré le fait, que j'essayais tant bien que mal de l'oublier, je ne pouvais pas la nier et ne pas la prendre compte, cela reviendrait à se voiler la face. Je le réalisais peu à peu, mais si cet artéfact à la puissance malsaine, avait pu s'emparer de mon corps, c'était tout bonnement, car, au fond de moi-même, je souhaitais profondément que quelque chose de la sorte arrive. À vrai dire, à cette période, j'étais dans un profond froid avec mes parents et je n'avais personne pour m'aider à me sortir de celui-ci. Alors, peut-être qu'au fond de moi, j'avais pressenti cet évènement comme un moyen de me sortir de cette vie que je détestais tant. Je m'étais donc intentionnellement laisser happer par ses ténèbres et cela malgré le fait que plusieurs personnes pouvaient être victimes de mes actes. Une partie de moi, une zone d'ombre de ma personne, n'était en soi, qu'un équivalent de ce fameux pouvoir maléfique. Ce côté sombre avait alors probablement, accueillit à bras ouverts, cette puissance et l'avait laissé me posséder. Triste supposition, mais il m'était difficile de ne pas y penser et surtout, de ne pas y croire. Après tout, j'avais toujours été quelqu'un de désagréable, malsain, arrogant. Comment ne pas juger une telle hypothèse comme plausible ? En somme, ce raisonnement me permettait d'arriver à une certaine conclusion. J'étais à la base un monstre qui avait accueilli en lui, un autre de ces monstres.

Drôle de façon de penser, surtout quand il s'agit de soi-même. À vrai dire, plus je réfléchissais à ma condition et plus mon estime de moi-même disparaissait. Qu'étais-je réellement ? Si ce n'est un gosse apeuré par sa nouvelle situation et qui se devait de se débrouiller en totale autonomie. Alors que j'étais plongé dans cette intense réflexion inspirée par ce soudain moment de calme, celle-ci fut réduite à néant en un instant, ou plutôt en une intervention. En effet, alors que je rêvassais sur ma condition d'Homme en ce bas monde, la jeune Capucine vint alors faire cesser mes divagations en laissant un flot de paroles qui avaient comme objectif de nous "réconforter", mais surtout de nous aider à surmonter cette barrière mentale que nous avions en commun la jeune barmaid à la chevelure émeraude et moi-même. L'écoutant attentivement, je compris alors une chose ... je n'avais décidément, pas la même vision du monde et de la magie. À l'entendre, je pus comprendre que ses dires étaient à ses yeux, on ne peut plus véridiques, puisqu'elle semblait mettre tout son cœur dans ceux-ci. Nous demandant de ne pas abandonner, de surmonter notre peur, en pensant au fait que la magie pouvait aussi être un moyen de protéger nos êtres chers.

Continuant de déblatérer ce que je considérais comme étant des âneries, malgré le fait que ces paroles me donnaient une furieuse envie de la faire taire, je fis le choix de la laisser poursuivre sa tirade et de ne pas intervenir pour lui clouer le bec. Alors que l'ensemble de son speech sonnait on ne peut plus creux à mes oreilles, un seul mot résonna dans ma tête et me força à prêter un peu plus attention à elle. "Seul" ... ce mot-là me fit réagir ! En effet, il m'irrita encore un peu plus et je dus me forcer pour ne pas répondre d'une manière encore plus virulente. Fulminant intérieurement, le reste de son discours ne fit que traverser vaguement ma tête et je ne vins même pas en tenir compte. Si bien que, lorsque qu'elle me tendit la main, je vins simplement fermer les yeux tout en tournant légèrement la tête en guise de réponse. Moi désagréable ? Pas le moins du monde ! En tout cas, pas pour le moment. Les pupilles désormais closes, devant moi se tenait un voile noir ne laissant pas filtrer la moindre lumière et les actions suivantes, j'allais simplement les écouter d'une oreille distraite. Je n'avais pas envie et je n'étais pas d'humeur à débattre sur ce sujet, d'autant plus après les premières paroles des autres protagonistes.

Pour moi, la discussion aurait dû se terminer avec ma réplique et ne pas se prolonger. Néanmoins, ce n'était pas la tournure que la scène prenait puisque je perçus alors la voix de la jeune barmaid de Blue Pegasus se rapprocher peu à peu. Désormais, c'était à son tour d'aligner les mots pour essayer de me convaincre, néanmoins elle n'eut guère plus de succès puisqu'une nouvelle fois, les dires de la jeune fille ne m’atteignirent pas. Elle disait avoir eu une soudaine ouverture d'esprit vis-à-vis de son appréhension de la magie grâce aux paroles de nos deux autres compères. Toutefois, pour moi, la seule chose que cela avait engendré, c'est un profond sentiment de désolation. La manière dont ils pensaient, ne me convenait pas. Subitement, j'entendis la voix de l'autre blondinet du groupe, s'élever à nouveau. Encore une fois, il insista sur le fait que nous ne soyons pas seuls ici. Nous avions selon lui, une famille présente à nos côtés à la moindre occasion, une famille nommée Blue Pegasus. Décidément, ils semblaient tous être atteints par cet étrange sentiment ainsi que par cette façon de penser.

Seul ! J'y avais été une partie de ma jeunesse, sans le moindre parent pour s'occuper de moi, pour m'éduquer. Je n'avais jamais rien connu d'autre que les avares me considérant comme un gagne pain qu'il fallait protéger. En somme, je n'avais jamais été considéré, comme un véritable enfant, juste comme une vulgaire machine à fric. Néanmoins, même si cette époque était révolue depuis mon intégration à la guilde, je ne me sentais pas pour autant, accompagné par qui que ce soit. Cette notion de famille, je ne la considérais pas comme véritable, je ne parvenais même pas à la reconnaître. La fraternité, cela ne m'inspirait guère et je ne pouvais me résoudre à considérer des gens que je ne connaissais que depuis quelques temps, comme un partenaire en qui je pouvais avoir toute confiance. De plus, même si je ne connaissais pas la raison de la peur de Sayu, je ne parvenais pas à saisir comment ils pouvaient croire en une telle absurdité. Savaient-ils au moins ce que je ressentais ? Avaient-ils déjà ressenti la véritable solitude ? Après tout, que pouvaient-ils bien savoir sur moi pour se permettre de me conseiller ?

Alors que je parvenais à rester inexpressif malgré l'exaspération qui me gagnait peu à peu, j'entendis soudainement quelque chose tomber à mes côtés. À vrai dire, étant donné que je fermais les yeux depuis un moment déjà, je n'avais pas perçu la main tendue de la jeune barmaid et je ne l'avais pas non plus vu perdre l'équilibre et atterrir à proximité. Ouvrant alors doucement un œil, j'eus le plaisir de voir le doux minois de la jeune fille à quelques dizaines de centimètres du mien. À vrai dire, je fus même victime d'un pincement au cœur lorsque nos regards se croisèrent un bref instant. Quelle était cette étrange sensation ? Je n'en savais trop rien ! Mais cette fille, je ne parvenais toujours pas à comprendre la manière dont elle pouvait laisser apparaître un sourire aussi radieux tout en portant un fardeau qui lui faisait détester ses pouvoirs magiques. Soudainement, je la vis se rouler sur le côté comme pour essayer de faire sortir son faciès de mon champ de vision. Avait-elle un problème ? Je n'en savais trop rien, mais je n'avais tout de manière, pas la tête à penser à ce genre de choses. Toujours est-il qu'il semblait que nous entretenions une relation un peu particulière. Comme si, à travers ce point commun que nous possédions, nous nous étions brusquement rapprochés alors que nous n'avions fait connaissance que peu de temps auparavant. En réalité, j'éprouvais quelque chose de différent pour elle ... un sentiment naissant que je ne parvenais à identifier, probablement en raison de la situation, que je trouvais on ne peut plus désagréable.

Détournant à nouveau les yeux vers le ciel, j'attendis la fin de la tirade de Roy pour agir. Celui-ci m'invita en me tendant la main, à me relever et à m'aider dans la maîtrise de la magie. Une fois que celui-ci eut fini sa phrase, il ne me restait plus qu'à répondre et je savais déjà de quelle manière j'allais pouvoir m'y prendre. Soupirant, la tête basse, d'un geste vif je vins balayer la main tendue du blondinet. Oui j'allais montrer la facette du môme énervant au possible et on ne peut plus provocateur. Cependant, leurs paroles m'avaient suffisamment énervé pour éveiller cette personnalité que je tentais tant bien que mal de cacher afin qu'elle ne blesse personne. Je vins alors me relever tout en ramassant ma faux tombée à mes côtés après l'attaque. Appuyant rapidement sur le mécanisme, celle-ci se replia en quelques secondes et je vins lui faire regagner son emplacement d'origine. Puis sans un mot je commençais à m'éloigner du groupe avant de lancer un dernier regard par-dessus mon épaule en prononçant les quelques mots que je tenais absolument à formuler.

Que savez-vous réellement de moi ? Rien !!! Alors cessez de parler comme si vous connaissiez réellement ce fardeau qu'est la solitude ! Je n'ai nullement besoin de votre fausse compassion ...

Voilà, j'avais exprimé ce que je ressentais et cela peu importe si cela pouvait avoir blessé quelqu'un. Tournant les talons au groupe, je venais de rétorquer à leurs chimères d'une manière qu'il était possible de considérer comme virulente. Néanmoins, je ne pouvais pas m'accorder tout gentiment à des paroles que je considérais comme absurdes. Certes, je n'aurai probablement pas dû répondre de cette manière, mais le fait qu'ils aient touché un point relativement sensible, n'avait pas adouci ma réaction. Venant glisser les mains dans mes poches, je m'éloignais lentement du groupe, la tête basse et l'esprit tourmenté par ces derniers instants. Me connaissant et étant donné la tournure des évènements, d'ici peu de temps, je serai parti me réfugier dans un coin, à l'abri de la présence humaine et je continuerai de torturer mon esprit avec un lot de question sans réponse. Du moins, c'est la seule et unique pensée que j'avais en tête à ce moment ...

Actuellement, j'adoptais un comportement, se rapprochant étrangement de celui que je possédais en étant plus jeune, c'est-à-dire, s'éloignant grandement des valeurs humaines que j'avais reconnues il y a quelques temps lorsque ma vie avait radicalement changé. En effet, alors que je m'éloignais silencieusement, comme à mon habitude, je vins ressasser sans cesse mes dernières paroles en réfléchissant à l'impact que celles-ci pourraient bien avoir sur mes camarades de guilde. Après tout, il s'agissait de mon premier véritable entretien en compagnie de mes compagnons de Blue Pegasus puisque, auparavant, je n'avais pas pris le temps de faire réellement connaissance avec eux. Autant dire que pour une première rencontre, il y avait très certainement mieux comme dénouement et surtout comme impression. Car oui, même si je me fichais éperdument du regard des gens, je savais aussi qu'il fallait généralement faire bonne impression et lier rapidement des liens avec les personnes nous entourant, sous peine de mener à jamais, son petit bout de chemin seul.

De plus, je ne tenais pas non plus à ce que les membres de la guilde au cheval ailé, me perçoivent comme quelqu'un que je n'étais pas réellement. Certes, j'étais bel et bien conscient que de temps à autres, je pouvais me montrer un peu sanguin. Toujours est-il que, bien souvent, ces pulsions étaient maîtrisées sans aucun souci et disparaissaient peu de temps après. Mais dans le pire des cas, elles étaient extériorisées par une affrontement ou bien, par de virulentes paroles comme cela venait d'être le cas. Continuant de m'éloigner petit à petit du groupe, les mains toujours plongés au fond de mes poches, la tête toujours baissée, je soupirais intérieurement, repensant à mes dires. Pour être franc, ceux-ci ne reflétaient pas réellement ma personnalité, mais plus mon état d'agacement vis-à-vis de la discussion que nous avions et que je trouvais extrêmement pathétique. Certes, désormais, j'étais membre à part entière de Blue Pegasus, toutefois, je ne sentais pas pour autant, lié à une quelconque autre personne. Si j'étais en ce lieu, ce n'était nullement à mes yeux pour me faire des amis, mais simplement pour obtenir mon gagne pain mensuel afin de vivre convenablement tout en contribuant, à ma manière, à la sécurité du royaume de Fiore.

Du moins, c'est ce que je m'efforçais de penser, car en réalité, malgré ma vieille habitude à ne pas afficher ce que je ressentais et à vouloir jouer les durs en tenant fermement sa position, j'étais en proie à un tas de sentiments nouveaux pour moi. En effet, je sentais clairement quelque chose de différent en moi, comme si j'éprouvais une gêne profonde qui ne m'était pas commune en temps normal. Il est vrai qu'il s'avérait bien rare que je sois affecté à ce point par une situation puisque mon indifférence était souvent ce qui ressortait le plus lors de celle-ci. À vrai dire, je ressentais une sorte de picotement au cœur, comme si quelque chose l'avait atteint en cette triste journée. Un sentiment nouveau, mais pas pour autant désagréable puisque j'avais simplement l'impression d'être gagné lentement par une douce chaleur apaisante. En ayant extériorisé la colère, la rage que je contenais depuis un moment déjà, je m'étais libéré d'un poids on ne peut plus lourd et je me sentais désormais bien plus serein. De toute manière, je savais pertinemment que cette histoire allait me trotter dans la tête pendant un long moment, voire même occuper celle-ci durant plusieurs jours.

Cependant, alors que je traçais mon chemin, je fus soudainement stoppé dans mon élan puisqu'il se passa quelque chose que je n'avais absolument pas prévu. Effectivement, alors que je ne m'y attendais pas, la jeune barmaid à la chevelure émeraude se rua vers moi dans le but d'endiguer mon départ. Se précipitant à mes côtes elle vint joindre ses mains tremblantes aux miennes. Immédiatement, la surprise me gagna et mes yeux s'écarquillèrent légèrement alors que je relevais doucement la tête pour admirer la jeune fille se tenant devant moi. Étrangement, pour une raison m'étant totalement inconnue, je ne parvenais pas à comprendre ce qui se passait actuellement, ni de quel étrange mal je pouvais bien être atteint. En effet, dans mon for intérieur, je ressentais quelque chose d'absolument incompréhensible à mes yeux. Cette innocence à mes côtés, ne me laissait pas de marbre. Était-il seulement possible de résister à la tendresse et l'altruisme de cette jeune demoiselle ? Mes prunelles vertes se posèrent alors délicatement sur son doux minois masqué en grande partie par sa chevelure qui retombait devant celui-ci. L’écoutant alors attentivement, je compris que mes paroles l'avaient grandement bouleversé et qu'elles étaient à l'origine du désarroi que je décelais dans sa voix. Elle cherchait donc à comprendre la souffrance que j'éprouvais et qui m'avait poussé à prononcer ces quelques phrases, du moins, c'est de cette manière que je comprenais sa réaction.

Poursuivant son discours fébrile, la jeune fille me demanda d'affronter mes tracas tout en pensant que j'avais à mes côtés, des compagnons pour m'épauler et me soutenir dans les moments difficiles. Détournant légèrement les yeux sur le côté, je pus apercevoir du coin de l'oeil, Capucine et Roy s'en aller lentement en direction du bâtiment de guilde. Ces deux-là avaient donc compris qu'en ce moment même, je désirais être seul, sans personne, pour venir me faire une quelconque leçon de morale, ou bien encore essayer de me comprendre. Toutefois, alors que je me concentrais à nouveau sur les paroles de la barmaid, je ne pus contenir un flux de pensées, qui vint embrumer mon esprit durant de longues secondes. Ce départ des deux autres protagonistes, que signifiait-il ? Avaient-ils peur de ma personne désormais ? Allaient-ils maintenant me considérer comme un ennemi interne au sein de la guilde ? Tant de questions sans réponse que je ne pouvais oublier et cesser de me repasser en boucle. Mon esprit occupé par les diverses pensées plus ou moins gênantes, je ne me rendis même pas compte que je venais de resserrer légèrement les mains de la jeune fille.

D'ailleurs, celle-ci s'échappa doucement de l'étreinte qu'elle avait formée auparavant et se recula de quelques pas, la tête toujours basse. Le regard vide et inexpressif, je ne savais pas vraiment comment réagir alors que la tenancière du bar s'exprimait d'une manière témoignant parfaitement de l'état émotionnel dans lequel elle était. Un détail me frappa alors comme un véritable coup de massue, la personne se tenant en face de moi, était actuellement à cœur ouvert puisqu'elle ne pouvait contenir des larmes qui perlèrent et commencèrent à couler le long de ses joues. Immédiatement, une gêne encore plus grande que celle que je ressentais auparavant s'empara de moi et me remua les entrailles. Cette image de la pureté, de l'innocence à l'état pur, versant de chaudes larmes avait eu un effet semblable à celui d'une bombe. C'était sans aucun doute, le fait que je sois responsable de ces innombrables sanglots, qui me peinait le plus. Toujours est-il que j'avais du mal à contenir l'expression triste que semblait vouloir adopter mon faciès et je ne pus faire mieux que de la cacher sous quelques mèches blondes servant ainsi de voile.

Pour être franc, mon esprit était actuellement totalement embrumé par un tas de choses différentes, certaines ayant une importance plus ou moins relative. Pour tout dire, je me trouvais presque pitoyable. En effet je me trouvais pathétique d'oser m'estimer comme étant un membre de Blue Pegasus, alors que je venais de faire pleurer une jeune demoiselle, lors d'une première rencontre. Après tout, cela ne correspondait pas vraiment à l’éthique de cette guilde. Ne sachant pas vraiment comment réagir, je ne pus même pas répondre lorsqu'elle me proposa de venir discuter à l'intérieur, me contentant de préserver mon regard vide et fuyant. Puis finalement après quelques longues et interminables secondes, ne voyant pas la situation avancer d'un iota, mais surtout, en raison du visage larmoyant que j'avais devant moi et que je ne pouvais plus supporter, je me mis enfin en marche. La tête toujours basse, je m'avançais lentement en direction de la jeune fille avant de poser délicatement une main sur son épaule et de l'autre, venir effleurer délicatement sa joue pour essuyer ses pleurs. À vrai dire, je ne trouvais pas réellement les mots à joindre à cette action, car si le contact humain était en soi, généralement une bonne chose pour répondre aux peines des gens, un discours tendre avait quant à lui un effet très souvent bien supérieur. C'est pourquoi, malgré la difficulté que j'avais à trouver les mots, mais aussi, malgré le fait que je sois moi aussi bouleversé, sur une voix on ne peut plus chaleureuse et montrant clairement mon envie de la réconforter, je vins prendre la parole.

La solitude est la seule chose que j'ai connue, c'est elle qui m'a fait grandir et devenir l'être que je suis actuellement ... Ma maigre force actuelle en est tirée, c'est pourquoi, à mes yeux, m'ouvrir m'apportait encore bien plus de faiblesses. Et en ce qui concerne ma complainte ... la partager n'aurait rien de bon pour nous deux, je peux te l'affirmer. Il y a des choses qu'il ne vaut mieux pas que tu saches à mon sujet ...

Ce que je venais de dire, était on ne peut plus vrai. En effet, il était préférable que certaines informations à mon sujet, restent secrètes et ne soient pas dévoilées aux autres membres de Blue Pegasus. Déjà que mes dernières actions n'allaient pas faciliter mon entente avec mes camarades, si mon passé était dévoilé, il y avait de fortes chances que mes relations avec eux allaient être encore plus délicates. Je n'osais toujours pas affronter le regard de la jeune fille, si bien, qu'à la suite de ma tirade, je ne savais plus où me placer. Rester en face d'elle, ou bien m'enfuir pour aller étouffer mes émotions dans un coin isolé, à l'abri du regard des gens ? Ma nature me poussait à choisir la deuxième option étant donné que celle-ci me correspondait bien plus. Cependant, laisser en plan Sayu pour m'éviter des tracas personnels, ne me plaisait guère plus.

M'écartant doucement, je vins rabattre mes mains à l'intérieur des poches de ma veste avant d'effectuer un signe de la tête lui indiquant que, si elle le désirait, elle pouvait me suivre. Cependant, ne comptant pas partager un instant pesant et silencieux, comme allait probablement être les prochaines minutes, je pris la poudre d'escampette, me volatilisant en une fraction de seconde. À vrai dire, j'avais accéléré le rythme de manière à disparaître du champ de vision de la jeune fille, mais aussi pour aller me réfugier à l'intérieur de ma chambre, dans ma petite bulle personnelle. Une fois cela fait, je m’avançais lentement en direction de la porte fenêtre de mon logement afin de regarder à l'extérieur le soleil couchant. Voilà comment cette triste journée allait dont se terminer, à moins qu'une visiteuse, pas si surprise que cela, décide de venir me rendre visite ...