Par on ne sait quel miracle, Eldaln était de retour à Era. Oh, le périple ne fut pas facile et il n'eut la version complète qu'après de nombreuses investigations: le fafnir qui l'avait accompagné en plein désert était parvenu à retrouver son chemin (brave bestioles) et l'avait transporté jusqu'au village où il avait réussi à négocier sa location. Apparemment, les propriétaires avaient fait une assez drôle de tête en voyant l'état du chevalier. Le régalia du poison ne l'avait visiblement pas raté... et au bord du gouffre, il s'accrochait de toute sa volonté à la seule chose qui le maintenant en vie: pas ses amis ni même une princesse à sauver, mais tout simplement grâce à ses tripes et un farouche instinct de survie. Sur place, il reçu les meilleurs soins qu'on avait pu lui appliquer, mais malgré les différents antidotes, les médecins n'étaient pas parvenus à ôter de manière efficace le poison dans son corps.

Quant à Eldaln? Il oscillait entre état comateux et brèves phases de consciences, où il s'éveillait sur une couche, à l'arrière d'un chariot puis dans un lit. Chaque réveil était à la fois un cortège de torture, chacun de ses membres cherchant à crier le plus fort sa douleur, mais également l'occasion pour lui de reprendre ses esprits et de mettre de l'ordre dans le chaos de ses pensées. Il ne prenait pas vraiment garde aux différentes étapes que son corps traversait, et son esprit flottait, complètement détaché du monde, jusqu'à ce que la douleur se rappelle-t-à lui. Puis, il se réveilla. Pour de bon cette fois, la sensation d'être revenu à la réalité le frappa si nettement qu'il en éprouva un vif soulagement. L'habituel flot de douleur vint le submerger et il gémit mentalement sans pour autant se plaindre. Un faible prix à payer pour une certitude qui valait plus que toutes les autres au monde. Il était en vie. Ses paupières s'ouvrirent sur un flash blanc qui s'incrusta profondément dans sa rétine jusqu'à disparaitre progressivement. Après quelques instants, il décréta qu'il reconnaissait ce plafond. Et qu'il reconnaissait cette voix. Je n'essayerais même pas de me lever si j'étais toi

Eldaln voulut sourire. Il ne savait même pas si il y était parvenu, mais le geste était là. Finnick Veil. Un véritable génie légèrement plus âgé que lui donc la fascination pour le corps humain et sa compassion naturelle ont rapidement fait de lui un médecin hors-paire. Et personne ne s'en plaignait, car à part peut-être la clinique qui avait fait fortune en s'installant à côté du QG de Fairy Tail, l'infirmerie des casernes devait constituer l'une des infirmeries les plus remplie de Fiore. Et Eldaln, sujet à des malaises et crises provoqués par sa maladie en était un fervent habitué. Il décoinça sensiblement sa tête et son regard tomba sur les cheveux blond platine du doc', qui le fixait avec son habituel air énigmatique.

Me lever, hein? Encore faut-il que j'y arrive. Eldaln n'avait pas demandé l'autorisation à son corps pour parler, mais il le regretta moins qu'il ne l'aurait pensé, il s'en tirerait juste avec la gorge en vrac et une vois rauque à faire peur. Il tenta de mouvoir un bras et, bien qu'il se sentait horriblement faible, le membre lui répondit fidèlement. Je sais que ça peut paraître un peu étrange pour moi de dire ça mais... Est-ce que tu sais ce qu'il m'est arrivé, exactement? Le blondinet haussa les épaules d'un air sincère et redressa ses lunettes, prenant un ton sensiblement plus sérieux. Là dessus, je n'en ai aucune idée. En tout cas, c'était incroyablement puissant. Ton corps à été la proie à un empoisonnement impressionnant, heureusement pour toi il n'était pas du genre paralysant ni même rapide. C'est triste à dire, mais si tu n'avais pas trouvé un moyen de te tirer de ce désert, on aurait presque pu parier qu'il avait été spécialement créé pour te provoquer une longue agonie.

Eldaln soupira, en reposant sa tête qui s'était élevée de trois centimètres de l'oreiller. Instinctivement, il repensa à la forme qu'il aurait juré distinguer dans le nuage, une fraction de seconde avant l'attaque. ~Une agonie, hein? Teh, pas impossible. Je n'ai aucune idée ce que qu'était ce truc, mais si ce n'est pas vivant, je reste persuadé qu'il à au moins une conscience...~. C'était quelque peu surréaliste tout de même, de se réveiller ainsi, dans un lieu familier, comme par magie. Il connaissait l'endroit bien entendu, son plafond quadrillé, ses lits grisâtre où était dessiné le symbole de l'ordre sur l'oreiller, la même odeur, si caractéristique à un endroit recevant chaque jours plusieurs blessés, si propre qu'elle en semble étrange mais... Il avait l'impression qu'une éternité s'était écoulée, qu'il s'éveillait comme un étranger. Qu'il ne devait pas être là. Une demande pressante franchit ses lèvres avant même qu'il n'y pense: Combien de temps je suis resté comme ça? Le médecin le considéra un instant avant de répondre, toujours aussi imperturbable: Ça va faire un peu plus d'une semaine depuis ton empoisonnement, tu es là depuis cinq jours. Je suis parvenu à extraire une grosse partie du poison de ton corps, mais ça ne s'est pas montré évident... Je ne peux pas plus pour le moment, pour ce qu'il en reste, c'est ton corps qui devra lutter contre lui seul, mais normalement, ta vie n'est plus en danger

Eldaln sentit une vague de soulagement l'emporter à cette annonce. Il était en vie, et visiblement il allait le rester. Une semaine hors-service, ça pouvait paraître affreusement long mais, comparé à d'autres personnes pouvant elles comater pendant des mois entiers, il s'en tirait merveilleusement bien... Ou presque. Le visage de Finnick semblait barré d'une pointe d'anxiété, et il semblait accorder une soudaine importance à la longueur de l'ongle de son pouce droit. Puis du gauche. Eldaln décida de le stopper là avant qu'il trouve une autre excuse. Finnick... Si tu as quelque chose à me dire, n'hésites pas. J'ai failli laisser ma peau dans cette affaire, tu peux te permettre d'être franc avec moi. Lâchant son attention, il se replongea son regard dans les yeux rouges du chevalier presque soulagé de crever l’abcès. Écoute bien Eldaln... En théorie, peu auraient été capable de survivre à une telle attaque, et n'importe qui s'en tirant doit s'attendre à en garder des séquelles. Mais toi... L'enchainement se fit tout seul dans l'esprit du chevalier

-Ma maladie? Le médecin blond hocha de la tête et reprit: Le poison t'a physiquement et durablement épuisé, et tout ton corps était dédié à le combattre. Et cette fatigue à accru ta vulnérabilité à ta propre maladie, lui permettant de se développer et de gagner de l'emprise...
-En définitive, je ne dois pas me réjouir de mon sursis de vie trop vite?
-En définitive, je n'en sais rien du tout. Tu es un mystère pour moi et la médecine, ta maladie reste encore un cas extrêmement rare. Peut-être que tout reviendra à la normale mais... Peut-être pas. Plus que jamais, il est possible qu'une crise te soit fatale.

Le choc fut quelque peu difficile à encaisser pour le chevalier. Qui pourrait affirmer qu'il s'en moquait bien? Un menteur, ou bien quelqu'un qui ne tenait pas vraiment à la vie de base. Ce qui n'était nullement son cas. Cela dit, il le savait, depuis toujours. Qu'en chaque instant, il était possible qu'il fasse une crise, et qu'à chaque fois qu'il était en proie à sa maladie, il était aussi possible qu'il n'en réchappe pas. Cette pression supplémentaire n'avait rien de nouveau en soi... Juste un sinistre rappel que malgré tout ce qu'il pourrait faire, sa vie restait toujours sur une corde raide.

Bien compris... En un sens, je le savais déjà... Il se força à enchainer sur un sujet moins sordide: Il y à d'autres recommandations pour moi, afin de me tenir en vie assez longtemps pour que je puisse me vanter de mes exploits?
Le médecin sembla ravi de lui aussi tenir un nouveau sujet sur lequel rebondir. Retrouvant son habituelle mine neutre souriante, il énumérait doigt levé les phrases qui étaient rapidement devenu un crédo, crédo qui changeait à peine à chacun de ses patients. Eldaln, ce veinard avait droit à la version longue:
Pas d'alcool, de sensations fortes, pas d'effort inconsidérés, et surtout, interdiction formelle de se battre jusqu'à nouvel ordre. Tu devrais être capable de bouger, mais ne te surmène surtout pas et repose toi souvent. Le médecin se leva, signe qu'il en avait fini et sortit du champs de vision du chevalier qui devinait qu'il se dirigeait vers la porte. Arrivé au seuil, il lui lança à voix vive "Ah, j'oubliais, dès que possible, prends une bonne douche!" Remarque qui réveilla le système olfactif du chevalier qui le regretta aussitôt

Un rayon de soleil éclaira la chambre de l'infirmerie, et vu son intensité, le chevalier devina qu'il avait dormi trop longtemps. Ce qui n'était pas une mauvaise chose: après tout, si être potentiellement out avait bien un avantage, c'était celui-ci: la grasse mat', et une relative tranquillité au niveau du travail. Malheureusement, cette paix allait prendre fin ce jour-ci précisément, puisqu'on lui avait demandé de se présenter à l'accueil pour qu'on lui assigne de nouvelles tâches plus "appropriées" à son état. Après tout, on ne le payait pas pour tester les lits, même si c'était une perspective de carrière à ne pas négliger.

Eldaln se redressa, puis s'étira, se frictionnant les muscles afin de faire circuler le sang et les antidotes, comme lui avait conseillé le médecin. L'infirmerie ne semblait pas avoir changé, seul les lits défaits et les rares autres patients bougeant de temps à autres venaient modifier la pièce qu'il avait redécouvert trois jour auparavant. Il jeta un coup d'oeil à travers la fenêtre située haut dans le mur lui faisant face. Onze heure, pas moins. Mais beaucoup plus possiblement. Sans se presser, il sortit des draps et posa pied à terre, se préparant une petite seconde avant de se relever en position debout, fronçant d'avance les sourcils en prévision de la vague désagréable qui, si elle lui parvenait toujours commençait à décroitre. Selon Finnick, le poison avant cessé de circuler, mais il avait endommagé des tissus sur son passage, et au final "suintait" de ceux-ci, ce qui le débarrassait de l'impression que son sang était en feu contre un mal de chien et un risque de crampe amplifié par vingt. Il appréciait néanmoins le changement.

Tant qu'il ne piquait pas un sprint, une fois la première impression passée, il pouvait marcher sans aucun soucis. Il se vêtit d'une chemise simple beige, d'un pantalon qui lui passait sous la main, et si il n'était guère rigoureux sur le reste, fit quand même preuve d'hygiène personnelle en passant devant le lavabo et son miroir, ne serait-ce que pour noter des améliorations. Il avait cessé de se comparer au canon de beauté qu'il était avant sa mission et jouait la carte du l'optimiste en disant que ça aurait pu être pire. Ses cheveux roux d'ordinaire flamboyant avaient terni d'un coup sec, et plusieurs d'entre eux étaient décolorés, ce qui lui donnait un coup de vieux assez prononcé. Son visage était fatigué malgré ses heures de repos, mais le chevalier sourit tout de même à son reflet. Quoi qu'on en dise, il y avait du progrès.

Il reçu un bon nombre de regards intrigués lors de son passage dans les couloir étroits, puis gigantesques qui parsemaient la caserne, de la part de personnes qui le connaissaient personnellement, ou bien qui avaient simplement entendu son histoire. Eldaln adressait un salut faiblard à ceux qu'il connaissait, et ignorait les autres, focalisé sur son objectif. Sa tête avait cessé de lui tourner, mais il n'avait pas été réhabitué au "bordel ambiant" qui régnait ici, et le contraste ne lui faisait pas du bien. Il reprit vite ses repères et parvint sans mal à s'orienter jusqu'à l'accueil, où du haut d'un balcon donnant vision en contrebas, il repéra l'une des habituelles querelles qui opposaient son capitaine de section à un secrétaire qui refusait de faire toute la paperasse pour lui. Scène classique, puisque chaque fois qu'il s'agissait de remplir les documents, il déléguait sur un de ses larbins si il le pouvait, et dans le cas contraire, tapait une crise contre l'intendance (qui, malgré son importance reste, il faut l'avouer, l'un des boulots les moins appréciés de la caserne).

S'appuyant sur la rambarde, Eldaln amorça la descente par l'escalier tout en tendant l'oreille (même si c'était loin d'être nécessaire pour tout saisir de leur conversation) histoire de se tenir tout de même au parfum.

Pour la cinquantième fois: NON! Vous ne pouvez pas signer une fois pour tous les dossiers Ymir! fit le mage fonctionnaire en se levant de sa chaise et en fixant son interlocuteur droit dans les yeux, risquant un bon coup de boule puisqu'il ne respectait pas la distance tacite de sécurité. Heureusement pour lui, le capitaine se retint, grondant:
Et pourquoi pas?! C'est pas comme si vous les connaissiez pas non plus, si? Je sais comment gérer MA section et MES actes, et c'est pas un tocard comme toi qui va m'dire que j'dois gribouiller un bout d'papier pour le faire! Réplique lancée, il l'accompagna du dossier épais comme son avant-bras qu'il avait marqué d'un gros tampon sur un endroit aléatoire que le mage reçu en pleine poire, l’assommant au passage et le propulsant hors de sa chaise. Sous les regards presque plus consternés de par l'habitude, et de nombreux sourires, il fit volte face, avant de retomber nez à nez avec Eldaln qui avait regardé la scène avec une lueur d'amusement. Il respectait en général le travail de tous les membres de l'organisation, mais Ymir à le don pour faire les choses... à sa manière.

Celui-ci changea d'ailleurs complètement d'expression en le voyant, passant d'un boudeur renfrogné à une surprise, puis une certaine fierté de voir son poulain de nouveau sur pieds. Avant qu'il ne puisse esquisser le moindre geste, Ymir le rejoignit en deux pas de géants, tout sourire: Ah, voilà la vedette! Vous vous êtes bien reposé belle au bois dormant? Il accompagna les paroles par une claque monstrueuse dans le dos d'Eldaln qui, si elle avait voulu être chaleureuse n'eut pour effet que de diminuer son espérance de vie de plusieurs années en déplaçant vertèbres et organes dans un grand fracas. Voyant la quinte de toux qui le secoua instantanément après, le géant marmonna dans sa barbe: Houla, d'accord, ils t'ont vraiment pas raté à ce que je vois...

-Non.

Le capitaine ne bougea pas d'un cil, planté sur sa chaise, bras croisé, il hocha juste gravement la tête d'un "si" incontestable. Et contesté.
- Non, et ce n'est pas négociable.
- Parce que tu crois qu't'as l'choix?

Eldaln se redressa un petit peu et tâcha de l'observer avec le maximum de force qu'il le pouvait:
- Je me suis engagé et entrainé pour ce que je crois juste. Vous savez, la chevalerie, les princesse délivrer, les innocents à sauver... Pas pour me chargez des trucs que VOUS ne voulez pas faire!
- Et il se trouve que tu es pas vraiment en état de t'occuper du poste, Blanche Neige!
- J'ai remarqué, merci siffla Eldaln entre ses dents. Je vous rappelle que si je me suis fait ça, c'est pas pour faire joli
- Alors tout est dit.

Maintenant, les regards commençaient à se multiplier dans la salle d’entrainement, ou Eldaln et Ymir étaient simplement assis l'un en face de l'autre, à l'écart des démonstrations de forces des autres chevaliers. A côté du capitaine résidait le dossier qu'on lui avait diplomatiquement remis et en face, un refus catégorique du grand empoisonné qui se débattait pour faire prévaloir ses droits. Les murs en pierres qui cernaient le terrain à découvert n'aidaient pas vraiment à rendre le lieux propice à des échanges discrets, et la voix tonitruante du géant se faisait entendre, comme à son habitude, à tous ceux qui voulaient bien l'écouter ou non.

- Comment ça tout est dit? Je vais me remettre rapidement et ensuite, vous n'aurez qu'à m'assigner à quelque chose de plus approprié que... ça fit-il en désignant le gros paquetage.
- Oh, vraiment? Je ne savais pas que tu étais si en forme que ça...
- Ne me sous-estimez pas, le suis bien plus que vous ne le croyez. Laissez moi quelques jours de repos et j'aurais enfin évacué le poison. Après... Je reprendrai comme avant. Je ne peux pas me permettre de rester plus longtemps inactif. Il essayait d'afficher l'air le plus sérieux qu'il pouvait, car il y croyait vraiment. Ou du moins, se forçait à y croire. Il ne pouvait juste pas se permettre de prolonger accès de faiblesse qu'il avait ressenti depuis cette dernière semaine. Pas maintenant. Par alors qu'il s'était promit de devenir plus fort.

Le capitaine sembla prendre la considération au sérieux, car il cessa d'afficher son sourire cynique, remplacé par un visage de marbre.
Eldaln, debout! Le chevalier s'exécuta lentement, sachant que dans ce genre de situation, ne pas suivre les ordres pouvait se révéler pour le moins... problématique. Il hâla également un autre jeune blondinet d'à peine seize ans qui semblait devoir un plan tactique à l'écart. Et... Phil! PHIL! Viens là mon garçon!
Il braqua de nouveau son regard sur Eldaln qui avait peur d'anticiper la suite. Pensée qui se révéla exacte de plus. Écoute, si tu es si en forme que ça, il va falloir faire tes preuves. Je sais que t'as perdu de ta superbe, alors je t'ai mis avec un moins gradé. Montre moi ce que tu peux faire, et je réfléchirai. Capiche? Une seconde de silence. Compris?

Eldaln avait baissé les yeux et réfléchissait à la situation. C'était précisément dans ce genre de situation qu'il haïssait le grand gaillard qui lui servait de supérieur. Car le plus énervant, c'est que bien qu'il raisonne à base de logique simple, celle-ci est implacable. D'accord... Ai-je vraiment le choix?
Il se releva par la suite et sans jeter un œil au blondinet s'approcha du râtelier d'arme pour saisir un des sabres équilibrés qu'il aimait à se servir, passant un regard attentif sur l'arme. La tête de Phil apparut près de lui, quelque peu juvénile et qui tenta de l'encourager d'un sourire. On doit s'entrainer c'est ça? Tu tiendras le coup? Et très honnêtement, non, il n'allait pas tenir le coup. Dès que sa main fut sur la poignée, son cœur s'accéléra par habitude et une sensation de malaise l'envahissait rapidement. Pas bon du tout. Mais c'était trop tard pour revenir en arrière. Ne t'en fais pas, je survivrai... Bonne chance.

Ils s'avancèrent tous deux sur la terre battue, s'écartèrent de quelques mètres puis se mirent chacun en garde, comme à leur habitude, attendant le signal classique. Eldaln commença à regretter d'avoir quitter son coin d'ombre. Il essaya de déceler la moindre expression dans le visage de Phil, mais rien de flagrant hormis une détermination qui faisait plaisir à voir n'était à noter. Commencez!

Les deux combattant se ruèrent l'un sur l'autre en exécutant la même frappe, un coup de taille, leur sabres se croisant lame contre lame. Et une sensation horrible, ou plutôt une prise de conscience qu'il aurait voulu ignorer envahit le chevalier. Son style de combat reposait non pas sur la force ni l'agilité mais sur le contrôle. Hors, pour exercer un contrôle, les deux premières qualités restaient tout de même requise. Incapable d'opposer une force suffisante pour parer la lame plus longtemps, il dut céder la prise, et s'efforça de nouveau de repartir en position. Il se trouvait affreusement lent, et visiblement son adversaire avait dû le remarquer puisqu'il enchaina d'aussi sec sur une série d'attaque rapides visant à le déstabiliser (avec succès). Dans un esprit de plus en plus embrumé, Eldaln gardait une conscience aiguisée et focalisé sur l'affrontement. Il parait de justesse à chaque fois, mais ne pourrait pas tenir la position, pas en tant que punching-ball humain. Lorsque soudain, une occasion en or. Une faille dans la garde que l'on cherche tous dans un combat et qui ne laisse lieu à aucune excuse. C'était bête comme choux pourtant: un mouvement simple et le jeune garçon était menacé à la gorge, signant sa défaite. Eldaln s'exécuta aussitôt, préparant une estoc mesurée imparable... que le blondinet esquiva avec une facilité déconcertante.

L'épée d'Eldaln exposée, un violent coup de la sienne suffit à désarmer le chevalier. Trop lent. L'arme volant à plusieurs mètres, la victoire avait été emporté avec elle et, comme libéré d'un poids, Eldaln s'accroupit rapidement, la tête entre les mains pour lutter contre les douleurs et la désillusion. Quel stupidité... A peine sorti de sa convalescence, il se battait déjà, et en payait le prix. Il avait gardé la technique... Mais il avait perdu le reste. Une grosse main se posa sur son épaule, la couvrant en son entier.

- C'est ça que je voulais dire. (Il fit signe à Phil de disposer, lequel s'exécuta de suite) Que ça te plaise ou non, pour l'instant, tu as les ailes coupées. Je sais que c'est rageant -on est tous passé par là- mais... Il faut accepter que pour le moment, tu ne peux pas agir comme tu le pouvais. Tu es le seul de l'équipe que j'ai sous la main, et l'administration à besoin d'aide pour gérer l'bordel...
- Je la ferai. Votre paperasse. Mais pas plus longtemps que nécessaire. Toujours les yeux clos et le souffle haletant, il devinait tout de même le grand sourire de victoire de son supérieur au dessus de lui. J'espère quand même avoir gagné un prix de consolation pour avoir tenu plus de dix secondes dit-il autant par plaisanterie que par véritable demande
- Hum... Bon, je suis pas salaud et on va dire que je t'épargne mon dossier, mais crois moi, tu auras quand même de quoi t'occuper un moment. Apparemment tu auras aussi droit à quelques dossiers plus intéressant. A ce qu'on m'a dit, après, je fais que répéter... Après... Il fit un geste qui évoquait son désintéressement profond.

Le chevalier quitta sa cécité, posant une main au sol et essaya de se relever seul. Titubant, c'est une poigne de fer qui le soutint lors de son ascension, mais lui qui se sentait plus ou moins bien quelques minutes auparavant, ce n'était plus du tout le cas: il souffrait d'affreuses migraines et vertiges et il avait cessé de faire le décompte des muscles qui n'auraient pas dû être bougés. Direction infirmerie, en avant toute.
Retrouvant de nouveau sa couche, et la mauvaise expérience passée, il réfléchit de nouveaux aux évènements de la journée. Jusqu'à nouvel ordre, il était donc décrété comme aide à l'administration, ce qui aux yeux de certains n'étaient pas spécialement prestigieux pour son grade. Il s'en moquait pas mal, mais outre le côté soporifiquement ennuyeux de jouer avec les papiers, il savait que son attrait naturel pour la lecture n'allait pas lui être d'un grand secours dans ce genre de situation.
Mais... Comme il l'avait durement constaté aujourd'hui, il n'était pas vraiment en état de faire autre chose. Faute de mieux... Il allait bien falloir faire avec ce qu'on lui donnait. Ymir avait cependant parlé de choses "intéressantes"... Simple tentative pour lui remonter le moral ou non? Ça, c'était encore à découvrir.