Lorsqu'Alandro pénétra dans l'enceinte de l'établissement, sa première réaction fut de baisser sa tête : ses commanditaires avaient beau lui avoir donné rendez-vous dans un célèbre restaurant, l'ex-maître de Fairy Tail ne s'attendait pas à se retrouver dans un lieu aussi dense en clientèle. D'autant plus que sa tenue lugubre et son air fatigué n'allaient guère de paire avec le standing de cet endroit et attisa la curiosité de plusieurs individus. Qui s'habillait de la sorte pour prendre un repas ici, après tout ? Mais cette attention nouvelle se dissipa rapidement lorsque le nouveau venu s'installa sur une table isolée, dans une alcôve démunie de fenêtre. S'il y avait une chose que l'on savait partout en Fiore, toutes villes confondues, c'était de ne pas déranger ces personnes en quête d'anonymat et de solitude. Encore moins lorsque ces derniers s'installaient dans l'emplacement le moins exposé du restaurant ou de l'auberge : cela paraissait-il peut-être anodin mais il n'en était rien. Après tout, certains individus se sentaient davantage en sécurité lorsqu'ils avaient un mur porteur dans le dos et aucune fenêtre à proximité. Et Haru faisait partie de ceux-là.

Pourtant, en dépit de tout cela, une jeune femme n'hésita pas l'ombre d'une seconde à s'avancer vers lui : le pas confiant, le visage haut et le dos droit, elle rejoignit le vagabond sans la moindre incertitude. Sans même s'être retourné vers elle, il entendit chacun des pas qu'elle faisait en sa direction et espéra, jusqu'au bout, que ce soit une serveuse et non pas le début de nouveaux ennuis. Alors qu'il s'apprêtait à répondre à la question de la nouvelle venue, cette dernière glissa délicatement sa main contre sa joue. Ne s'étant pas attendu à une action aussi... Intime, le trentenaire fut complètement pris à contre-pied. Le regard interrogateur, il se retourna vers la demoiselle qui prit place sans lui laisser le choix de dire oui ou non. Avait-il été ensorcelé ? Ou peut-être étaient-ce ces quelques mois d'isolement qui l'avaient changé, tout simplement.

"Ma réponse n'a visiblement plus lieu d'être. Je souhaitais le calme... Mais ce dernier peut attendre. Quant à votre présence à ma table... Même si j'en ignore la raison, sachez que j'en suis honoré" répondit l'ancien militaire, adressant à l'actrice un sourire fragile. Sa manière de parler trahissait son accoutrement grotesque et l'impression de pauvreté qui se dégageait de lui. Il avait beau ressembler à un pauvre vagabond sans le sou, ses mimiques et son langage étaient travaillés. Mais il y avait malgré tout cela un monde d'écart entre les deux : sa grâce était naturelle tandis que son élégance était synthétique.
Le vagabond, spectateur de sa propre vie, regarda Myrcella s'entretenir avec le serveur qui lui ramena rapidement une bouteille de vin puis l'observa en train de s'amuser avec sa coupe. S'il y avait une chose dont il était sûr, c'était l'ascendance noble de cette personne. Et à cette simple pensée, Haru ne put réprimer un sourire : les nobles étaient définitivement les personnes avec qui il avait le plus de mal, si l'on excluait les membres du Conseil Magique. Tandis que mademoiselle savourait son vin blanc dont le prix ferait grincer les dents de n'importe lequel des plébéiens, le gentleman accepta sans conviction le verre de vin que lui versa le serveur à la demande de l'enchanteresse.

"Pour être honnête, j'ignore ce que l'on a pu vous dire sur moi. Je ne suis qu'un simple vagabond, de passage dans cette ville. A mes yeux, je ne suis rien d'autre qu'un ''n'importe qui''." La magicienne venait d'engager le sujet qu'il souhaitait le moins aborder mais il faisait preuve d'un calme surnaturel. S'il y avait la moindre inflexion dans son attitude, il serait piégé. Il devait donc faire attention à tout ce qui pouvait sortir de sa bouche ainsi que de chacune de ses actions. "J'ai cependant entendu parler d'Alandro Coronado, le maître de Fairy Tail. Les rumeurs parlent de sa disparition il y a de cela plusieurs mois. Je ne l'ai pas connu personnellement mais j'ai entendu dire que c'était quelqu'un d'admirable. Sa disparition est une grande perte pour le Royaume." Se vanter soi-même de la sorte était fourbe, mais il ne put s'empêcher de s'adresser quelques bonnes paroles. Ce qu'il venait de dire, cependant, n'avait rien de neuf. Tout le monde savait que "El Colonello" était porté disparu depuis un moment et qu'il était vraisemblablement mort.

Il ne pouvait cependant s'empêcher d'être curieux. Quel était le but réel de cette personne ? Il était incapable de dire si elle était une amie ou une ennemie et il était impossible pour qui que ce soit de le reconnaître ; elle l'avait malgré tout abordé en posant directement des questions sur lui-même : si le hasard faisait parfois bien les choses, ce genre de coïncidence était vraiment trop "gros" pour en être réellement un.

Était-il déjà démasqué ?

"Permettez-moi de vous poser une question. Pour quelles raisons cherchez vous cet homme ? Je doute qu'une belle femme comme vous vienne d'aussi loin juste pour confirmer sa disparition. Peut-être vous a-t-il offensé dans le passé ?" demanda-t-il finalement. Sa compagnie était bien évidemment agréable mais le temps passait plus vite qu'il ne le pensait. Haru ne savait pas à quel moment ses commanditaires allaient arriver, d'autant plus que ces derniers allaient se montrer un petit peu cru compte tenue des résultats de sa "mission". Infliger cela à la belle actrice était hors de propos.

Aigre. Contrairement à Myrcella qui se délectait de son verre de vin blanc, Haru ne parvint guère à apprécier la liqueur qui se glissa entre ses lèvres ; celle-ci brûlait sa gorge et une toux puis une grimace plus tard, le voici en train de reposer sa coupe contre la table avec la ferme intention de ne plus la soulever. La demoiselle qui se tenait devant lui était ravissante et ce n'était clairement pas l'alcool qui parlait. Pourtant, quelque chose en elle le gênait et ne pas pouvoir y mettre le doigt dessus l'ennuyait particulièrement. Le mage solitaire ne craignait pas la confrontation : sa vie et les fondations de celles-ci étaient basées sur ses joutes, physique et verbale, contre le monde entier. Il avait combattu mille et uns adversaires et il s'en était toujours sorti vivant, après tout. N'était-ce pas là la preuve de son inébranlable résilience ?

Il n'était cependant pas sûr de gagner son duel aujourd'hui et cela l'embêtait de l'avouer. Les deux adversaires s'observaient calmement et pour des raisons qu'il ignorait, la jeune femme assise en face de lui voyait clair dans son jeu. Ses mensonges auraient trompé jusqu'aux membres de sa guilde et pourtant, elle semblait insensible à ses artifices. Ces quelques mois dans une île quasi-déserte auraient-ils suffit à éroder son style de jeu ? Non, Haru était plus confiant que jamais. Il y avait quelque chose d'autre.

Mais il ne put y réfléchir davantage que quelques hommes en noirs munis de lunettes de soleil entrèrent dans l'établissement, jetant un froid à l'ambiance de celui-ci. L'ancien militaire avait rendez-vous avec ses commanditaires mais ces derniers semblaient lui avoir faussé compagnie ; sans doute s'étaient-ils dit que la disparition de cet homme arrangeraient leurs affaires, ce dernier en sachant déjà trop de leur business.
"Vous imaginez mal, mademoiselle. Ils cherchent Haru Kuroda, c'est à dire moi-même, car notre partenariat ne s'est pas déroulé comme ils l'ont souhaité" lança le trentenaire en souriant, sans même se retourner vers les hommes de main à présent debout à quelques centimètres de lui. Il pouvait lire dans le regard de Myrcella une détermination sans faille et cela lui inspirait du respect. Cependant, il lui faudra bien plus que cette détermination pour le faire plier à sa volonté ; "vous n'avez absolument aucune raison de m'arrêter et encore moins de me nuire. Votre volonté à apprendre est fascinante et j'aime beaucoup la lueur dans vos yeux... Mais vous devriez trouver un autre maître : El Colonello est mort."

Il eut à peine le temps de finir sa phrase qu'un des hommes de main se jeta sur lui avec la ferme intention de faire mal. Haru attrapa le poing de celui-ci, l'arrêtant sans la moindre difficulté avant de resserrer fermement sa poigne, faisant ainsi hurler de douleur la pauvre racaille.
"Cependant... Je n'ai pas la prétention d'être aussi bon qu'Alandro Coronado qui est, entre nous, un magicien d'exception. Mais peut-être pourrais-je vous donner un peu de ce que vous cherchez. Moi, Haru Kuroda, un simple vagabond."

Voila déjà une bonne semaine qu'Haru était retourné sur le continent. L'entrevue Sugire Island passée, le voyageur avait débarqué au Pyrée avec des intentions guères différentes de celles qu'il avait lorsqu'il quitta Fiore. Après quelques achats impulsifs - le manteau d'anonymat avait une utilité réelle mais pouvait-on en dire de même pour cette moto magique ? -, le trentenaire s'était lancé dans quelques rapides missions pour remplir ses poches vidées. L'une d'entre elle avait particulièrement attirée son attention puisqu'elle impliquait un ouvrage ancien qui traitait des magies naissantes. Même si les commanditaires n'étaient clairement pas les plus chaleureux du monde et les objectifs bizarrement opaques, le mage avait accepté cette quête de bon cœur. Au final, l'histoire du bouquin était fausse. Et l'ex-soldat liquida la guilde de mercenaire qui, dans les bas-fonds de la ville, s'était lancée dans la traite d'esclave. Bref, rien de neuf dans la vie d'un membre de Fairy Tail en gros.

L'apparition de ces malfrats était donc due à cette petite histoire entre le bellâtre et ses ex-commanditaires. Il espérait régler leurs différents autour d'un petit verre mais ces derniers étaient venus avec la triste intention de se venger. Mal leur en a pris puisque mademoiselle Myrcella Heaven - un nom dont il n'avait absolument pas entendu parler mais pour sa défense, il n'avait pas connaissance de l'actualité récente - était une Agent du Conseil. Super ; de toutes les possibilités, celle-ci était probablement la pire. Alandro était doué pour résoudre les problèmes avec les mages noirs ou officiels, les mercenaires et les civils. Les agent et les militaires étaient une toute autre histoire : il avait beau en faire partie pendant bien des années, leurs méthodes lui passaient toujours par dessus là tête.

Confortablement assit sur son siège, l'ex-Master des Fées de Magnolia assista à la scène pour le moins humiliante pour les hommes de main. Les mots qui sortaient de leurs bouches n'affectaient guère le trentenaire - il avait entendu et assisté à tellement pire, après tout - mais n'étaient visiblement pas au goût de mademoiselle. Elle fit évacuer les civils ce qui démontrait un état d'esprit pour chevaleresque de sa part et mit en garde les malfrats qui s'immobilisèrent. Tous sauf l'un d'entre eux qui, dans sa tentative désespérée de fuite, reçut un projectile dans la tête.
"Je retire ce que j'ai dit" finit par lancer l'ex-blondinet. Il avait croisé le regard de la demoiselle quelques instants plus tôt et préférait ne plus avoir à le refaire ; "je ne vois pas ce qu'Alandro ou moi pourrions vous enseigner. Mademoiselle Heaven semblez déjà être plus compétente que lui ou moi." Il s'apprêta à sortir une autre remarque mais celle-ci resta dans sa gorge lorsqu'il remarqua qu'elle était légèrement sexiste. Mine de rien, elle avait bien caché son jeu. Et dommage pour le tireur d'élite mais sa première prédilection semblait être exacte ; elle était le début de nouveaux ennuis.

Préférant ne pas trop y penser, le bellâtre se retourna vers les malfaiteurs immobiles. "Vous n'avez vraiment pas de chance. Si mademoiselle n'était pas là, nous aurions sans doute pu régler nos différents à l'amiable. La prochaine fois, ne posez pas la main sur le corps d'une femme sans son autorisation."

Pour avoir été un Agent du Conseil pendant une grande partie de sa vie, Haru savait comment ces Chevaliers Runiques procédaient ; il connaissait leurs protocoles, habitudes et règles. C'est pour cela que, lorsqu'il eut l'occasion de feindre sa mort quelques mois plus tôt il fit attention aux moindres détails. Il n'avait juste pas imaginé tomber sur cette demoiselle qui basait sa théorie sur des on-dit, crédibles ou non. Si le rapport regroupant les rumeurs de ces femmes se vantant d'avoir couché avec le célèbre El Colonello avait un peu d'épaisseur - oui, il ne pouvait nier cette erreur, oublier son nom et son prénom n'était clairement pas facile après les avoir utilisé trente années durant -, ceux basés sur ses achats étaient intriguant. Il avait pourtant pensé à tout : l'utilisation de l'espèce pour n'avoir aucun suivi - et pour éviter de payer les taxes, certes -, l'utilisation d'une fausse identité, le déguisement. Et pourtant, elle avait fait le lien avec lui alors que dans le Royaume de Fiore, ces types d'achats se faisaient régulièrement et des trentenaires de sa taille armés de fusils étaient ne se résumaient pas simplement à lui.

L'ex-soldat, après avoir feuilleté rapidement ces papiers, haussa les épaules. Il allait falloir beaucoup plus que ça pour qu'il accepte de faire tomber le masque.
Elle pensait qu'il était en train de fuir ses responsabilités ? Ce n'était absolument pas le cas ; il avait été le Maître de Fairy Tail, bon sang ! Les responsabilités, il avait refusé d'y faire face à ses dix-huit ans en quittant Magnolia sur ce coup de tête. Depuis, il n'eut cessé de les assumer et Dieu sait que la pression sur ses épaules était lourde. Son départ n'était que la suite logique des événements et sa disparition, un coup de pouce de sa mère qui était aux cieux. Sans le Conseil sur le dos, il pouvait aller n'importe où et obtenir ce qu'il souhaitait. Une situation qui ne pouvait visiblement pas durer longtemps.

Myrcella, après avoir présenté ses preuves et lancé une petite pique sur l'odeur qui se dégageait de son manteau - il le renifla rapidement par curiosité mais n'y avait guère décelé quoi que ce soit de dérangeant - commença à se changer, dissimulée derrière un de ses esprits. Dans cette situation, qu'auriez vous fait ? Haru était un trentenaire pimpant. Le petit coup d'œil qui jeta en direction de mademoiselle était parfaitement logique - et compréhensible - et ne pouvait en aucun cas expliquer une quelconque perversité. Juste qu'il était en bonne santé.
Soudain, l'actrice attrapa sa main sans même l'avertir et l'entraîna dans une course qui dura quelques courtes minutes. Le vagabond eut le rapide réflexe de remettre sa capuche pour s'éviter les regards des passants et rapidement, les deux mages arrivèrent dans une petite ruelle à l'abri des regards indiscrets. Ce petit effort n'était pas suffisant pour faire transpirer l'ex-soldat mais mademoiselle ne semblait pas avoir la même endurance que celui-ci. Ce dernier s'adossa contre un mur et l'observa avec intérêt sortir une autre de ses clés.

Le regard qu'elle lui adressa et son nouveau discours donnaient l'impression d'une nouvelle personne. D'ailleurs, était-elle la même personne que celle qu'il avait fait face quelques instants plus tôt ? Le passage du vouvoiement au tutoiement ne le dérangeait pas et le fait qu'elle ne vienne pas pour le Conseil le rassura - une épine en moins dans le pied, c'était déjà ça -. La tentative d'intimidation avec le Dragon ne lui fit pas plus d'effet que ça - même si c'était joli, il fallait l'avouer -. Mais il ne comprenait pas pourquoi elle venait "le" chercher pour "lui" apprendre à sauver des vies ? Des mages compétents et des chevaliers loyaux, Era en comptait des centaines, des milliers. Pourquoi se fatiguer à déterrer quelqu'un censé être mort pour en devenir le disciple ?

"Tu peux ranger ton Dragon, ne te fatigue pas pour rien" commença le tireur d'élite avant d'esquisser un sourire ; "pour être honnête, je suis honoré. Honoré qu'une jeune femme comme toi ait fait tous ces efforts pour me trouver et pour apprendre quelque chose de moi. Même si, encore une fois, je ne suis pas Alandro Coronado." Il éclata de rire puis reprit. "Mais je ne suis clairement pas la bonne personne. En toute sincérité, je pense que tu es déjà infiniment plus compétente que je ne l'étais à ton âge. Tout à l'heure, tu m'as clairement impressionné. J'ai peut-être sauvé de nombreuses vies mais à quoi bon si on ne peut pas changer le système ? Si tu y parviens, tu en sauveras infiniment plus que moi."

"Cependant, si je peux avoir un conseil à te donner, c'est de travailler ton endurance. Le reste viendra avec l'expérience." Il haussa les épaules une nouvelle fois ; "Mais. Mais il y a peut-être quelque chose que tu peux faire. Dans trois mois exactement, je me rendrai dans la forêt Ancestrale pour un entraînement spécial. Oui, c'est très précis mais ce n'est pas pour te donner du temps, ne t'y méprends pas. J'ai juste un planning super serré... Si tu arrives à me retrouver là bas et que tu as les épaules suffisamment larges, tu pourras peut-être en apprendre quelque chose."

Un moment de silence s'ensuivit et il ne tarda pas pour le briser : "attention, c'est au sens figuré, hein. Ne fait pas de la musculation, tes épaules sont très bien comme elles sont."

Mademoiselle était déçue et Haru pouvait la comprendre ; elle était partie à la recherche d'une chimère, sans réellement savoir si celle-ci existait encore ou non. Et après moult efforts était enfin parvenue à atteindre son but... Malheureusement pour elle, son but était quelque chose que l'ex-Maître de Fairy Tail ne pouvait lui donner. Difficile de comprendre ses raisons et son raisonnement mais une chose était sûre, l'ancien soldat était têtu comme une mule et ce n'était pas cette jeune femme, pourtant aussi têtue qu'il ne l'était, qui allait pouvoir lui faire changer complètement d'avis. Si sa volonté était aussi faible et ses convictions aussi frivoles, le magicien serait retourné à Magnolia depuis bien longtemps après tout. Il ne serait pas parti pour accomplir une quête comme celle-ci avec pour seul compagnon la solitude.

"Mon passé et mon présent et font après tout partie de moi. Mais pour être honnête, non. Je ne souhaite rencontrer personne pour l'instant pour une raison simple : j'ai entrepris une quête dangereuse et je ne veux y mêler personne." Répondit le trentenaire à la jeune femme, boudeuse. Il y a quelques mois ou quelques années, Alandro aurait accepté sans rechigner la demande de Myrcella car il aimait voir les jeunes évoluer et grandir. Aujourd'hui, si sa mentalité n'était pas totalement différente, il ne trouvait plus en lui assez de temps à accorder aux autres. Sa mission était une priorité à ses yeux et même si la chevalière runique avait des charmes évidents, elle ne pouvait le détourner de son but.

"J'aurai le temps de disparaître, effectivement. Mais tu peux me faire confiance à ce niveau là, je suis un piètre menteur. Quant à un affrontement... Pourquoi pas. Je ne doute pas que tu puisses me surpasser ; et j'ai hâte de voir les résultats de ton entraînement... Mademoiselle Heaven. A bientôt." Ajouta le bonhomme en attrapant la main de la jeune militaire qu'il serra avec délicatesse. Il l'a regarda s'en aller avant de sortir de la poche intérieure de son manteau un masque qu'il porta tout de suite à son visage.

"Purée. Ca fait pas un mois que t'es rentré et tu te fais déjà gauler ! Franchement c'est pas très bueno, tout ça" lança Hei, taquin. Haru ne se fatigua même pas à lui répondre et retourna au restaurant de tout à l'heure, où il avait garé sa moto. Y trouver une enveloppe fut une surprise et le trentenaire en avala le contenu en un instant. Il esquissa un sourire puis réduisit en cendre la lettre.
"Moi j'dis, on devrait se barrer d'ici vite fait bien fait ! Tu sais pas dans quelles emmerdes on va se retrouver !" Ajouta le masque tandis que son propriétaire montait sur son véhicule. L'ex-soldat enclencha le moteur et s'apprêtait à s'en aller lorsque une soudaine explosion attira son attention : celle-ci provenait de l'endroit où s'était dirigée la blondinette. S'il envie de disparaître le plus rapidement possible, il ne pouvait décemment pas laisser la demoiselle dans le désarroi alors qu'elle n'était même pas concernée par l'histoire.

Faisant un demi-tour rapide, Haru accéléra et se retrouva rapidement sur la scène du crime. Myrcella, seule, était entourée par une dizaine de malfaiteur.
"Qu'est ce que dans ''moi j'dis, on devrait se barrer d'ici vite fait bien fait ! Tu sais pas dans quelles emmerdes on va se retrouver !'' tu ne comprends pas, Haru ?!" grommela Hei, visiblement énervé.
"Tu te torches bien le cul avant de sortir des toilettes, non ? C'est le même principe."
"Euh non, je ne me torche pas le cul, j'ai pas de cul. Et si j'avais un cul, alors t'aurais ta bouche dessus !"
"Rha, ferme là..." marmonna Haru alors qu'il attrapa le poignet d'un des criminels et balança ce dernier en arrière avec une facilité... Déconcertante.

Conclure sa journée sur note positive était visiblement trop demander ; Haru, enfin libéré par la chevalière runique, pensait pouvoir rentrer à son auberge et piquer un somme. Sa courte balade et petite discussion avec cette dernière furent infiniment plus épuisantes qu'il ne l'aurait imaginé et rejoindre les bras de Morphée ressemblait à une délivrance sucrée. Mais le bon Dieu lui avait réservé une ultime surprise et l'invita à la rencontrer en lui faisant exploser les tympans. Génial.
Le précédent Maître de la guilde des Fées arriva sur la scène du crime en hâte, se frayant un passage dans la foule trop inconsciente pour se disperser. Au milieu de la place, Myrcella, entourée par une dizaine de malfrats tous prêts à lui sauter dessus. La petite scène de tout à l'heure ne semblait pas les avoir calmé et ils étaient revenus, encore plus nombreux, pour réclamer vengeance.

Si la politique nouvelle d'Alandro Coronado était "ne pas se mêler des affaires des autres", celle-ci était malheureusement la sienne. L'agent du Conseil aurait pu s'épargner tous ces tracas si elle ne s'était pas invitée là dedans d'elle-même mais il était à présent un petit peu trop tard pour s'en aller... L'ancien militaire s'avança vers la blondinette et envoya voltiger le bonhomme qui se tenait entre lui et elle. Les mafieux, s'apercevant de la présence d'un nouvel adversaire, commencèrent à s'exciter mais l'apparition d'un esprits rouge énervé attira davantage leur attention que le vagabond masqué habillé en noir.
Alors qu'il se démenait face à quelques uns de ces individus, son regard croisa l'espace d'un instant celui de la jeune femme. Ce bref échange lui fit pourtant comprendre ses intentions et se retournant vers la foule, toujours rassemblée pour des raisons futiles, il leur hurla un "DEGAGEZ D'ICI. VITE !" qui venait du fond de ses entrailles.

Quelques secondes plus tard, une nouvelle explosion de flamme embrasa le corps de la jeune femme et emporta dans un torrent enflammé ses agresseurs. La violence et la chaleur furent telles qu'Haru du faire des efforts monstres pour qu'il n'ait pas à s'envoler. Le dragon rouge était mignon tout plein lorsque la miss l'avait fait apparaître tout à l'heure dans la ruelle mais lorsqu'il était énervé, il ne plaisantait vraiment pas...
"ALLUMEZ... LE FEU ! MOUAHAHA" beugla Hei sans la moindre hésitation et il aurait continué si son propriétaire ne lui avait pas demandé d'arrêter par le biais d'une gifle. Ce dernier, une fois que le tourbillon incendiaire commença à se calmer, accouru vers la femme militaire et l'attrapa in extremis avant qu'elle ne s'écrase sur le sol carbonisé. Il l'a regarda sourire et s'évanouir et, après un grand soupir, la souleva et la porta comme un sac de riz, sur son épaule.

Lorsque les soldats arrivèrent enfin, le vagabond et la constellationiste n'étaient déjà plus là. Le brun, gentleman malgré lui, amena la riche aristocrate dans l'hôtel le plus luxueux de la ville. Il réserva une chambre au nom de la blondinette en indiquant à la réceptionniste que mademoiselle allait tout payer et l'a déposa sur le lit.
"Ne me dis pas, Haru, que tu vas lui faire des choses à la pauv'petite ? Elle est mignonne mais même moi je ne lui ferai rien dans cet état !" lui demanda son masque, curieux.
"Bien sûr que tu ne lui ferai rien, tu n'es qu'un masque, Hei !" Répondit simplement Haru alors qu'il posa sa main contre le corps partiellement dénudé de la magicienne. Les plaies de cette dernière commencèrent ensuite à cicatriser à une vitesse toute sauf naturelle jusqu'à ne plus laisser aucune trace sur son corps. "Ma magie permet d'accélérer la cicatrisation de ses blessures mais pas de régénérer son sang. J'espère qu'elle ne fera pas n'importe quoi en se levant." Ajouta le mage alors qu'il se dirigeait vers la sortie.

"Quoi ?! Tu ne vas vraiment rien lui faire ? Hey je te parles Haru ! Alandro ! Méchant ! J'te cause ! Réponds moi ! Hééééé..."