C'était pas prévu

Le froid de cette île était décidément encore plus brutal que la music rock de nos jours. Non mais franchement, pourquoi est-ce que mère nature avait inventé la neige selon vous ? Pour l’équilibre de l’écosystème ? Non ! Selon moi c’était simplement pour nous voir souffrir et se moquer de nous sans amertume ! Bref, je devrais cesser de me plaindre, car au moins mon mal de tête qui avait duré trois jours d’affilés avait enfin cessé et ça, c’était un véritable miracle de Noël ! Radonia Island était un endroit magnifique, c’était un fait indéniable, mais ce n’était certainement pas l’endroit de rêve pour prendre des vacances. Au contraire, j’étais ici à cause du boulot, bien entendu. Ma mission fraichement terminée consistait à simplement récolter quelques morceaux de glaces dans une grotte pour l’apporter à un scientifique afin d'effectuer des analyses. À ce que j’ai pu comprendre, il pourrait avec ceci créer des Obre Hivernaux ou quelque chose du genre. Je ne me suis pas posée plus de question et je me suis contentée d’accepter la requête. Tout cela pour finalement atterrir ici. Je découpais le dernier morceau de glace et le plaçais dans un sac spécialement conçu pour transporter des objets froids et décidais de partir. Dans le chemin du retour, toujours dans cette énorme grotte glacée, je ne pus m’empêcher d’observer avec admiration la grandeur de l’endroit. Mère Nature était peut-être une espiègle, mais elle avait le sens du goût en matière de décoration intérieur.

La glace était tellement brillante que je pouvais me voir dedans comme dans un miroir. Postée devant un des murs, je ne pus m’empêcher de faire des grimaces à moi-même, comme une enfant ferait. Je me permis même de vérifier si mon maquillage était parfait. Même quand les temps étaient durs, il fallait toujours prendre le temps de prendre soin de nous et d’être au sommet de son potentiel de beauté, toujours vous dis-je ! Alors que je m’apprêtais à reprendre la route, j’entendis un drôle de bruit, comme un craquement. Ce genre de son n’était probablement pas étonnant dans ce genre d’endroit, mais ça semblait être un craquement plus soutenu que ce qu’on avait l’habitude d’entendre, comme s’il était forcé, voulu. Je tournais la tête derrière moi, observant les profondeurs de la grotte. Plus mon regard s’aventurait vers le fond, plus il faisait noir. Je me demandais qu’est-ce qu’il y avait là-bas, mais rien que l’idée de rencontrer des créatures peu recommandable me convainquit de rebrousser chemin. J’accélérais même le pas, ce que je n’aurais pas dû faire puisque…

FLOUSH !

Les fesses par terre, je ne pus m’empêcher de pousser un léger cri de douleur. Je n’avais par chance rien de cassé, mais mes fesses n’étaient pas prête de me pardonner cette étourderie avant une bonne semaine. Je me relevais avec peine et époussetais mon joli manteau mauve au motifs de guépard quand j’entendis le même craquement, mais deux fois plus fort. Cette fois, c’était clair, je n’allais pas sortir d’ici aussi facilement que j’y suis rentrée…

Quand c'est froid, c'est pomme

Saviez-vous ce qu’était la différence entre une journée normale et une journée anormale ? Je vais vous donner un exemple. Durant la journée normale, tu te lèves de ton lit avec un sourire au visage et les cheveux désordonnés. Tu sors de ta chambre pour te diriger vers la salle de bain parce que Mère Nature t’a créé ainsi. Une fois la routine du pipi finie, tu fonces vers la cuisine pour te préparer une bonne petite tartine avec confiture de noisettes du jardin, miam ! Rien de mieux qu’un bon petit déjeuner accompagné de son animal de compagnie originalement nommé Fido ou Mitaine. Après t’être habillé, tu as le choix entre aller au boulot ou te prélasser sur le sofa, dépendamment de la journée de la semaine dans laquelle tu te situes. En gros, c’était ça, une journée ordinaire et sans complication. Pour ce qui était du contraire… T’es un mage, point final.

En effet, le monde m’avait façonnée ainsi. De par mon boulot, ma vie se DEVAIT d’être tout sauf banale. Après tout, on ne pouvait rien y faire. J’en étais où déjà avec cette intro à n’en plus finir ? Ah oui, la grotte. C’était un lieu à la fois beau et sinistre, ce qui donnait une combinaison plutôt atypique. C’était sans compter sur les étranges bruits que j’avais entendus plus tôt et par le magnifique BONK qui s’en suivit. Quand j’utilise cet onomatopée, je veux bien sur parler de mes foufounes qui rencontrent cette surface froide qu’est la glace. Tristesse, quand tu nous tiens…

C’est à partir de là que les choses commencèrent à devenir plus intéressantes. En effet, un petit son continu se mit à résonner dans mes oreilles. Je me tournais en direction dudit bruit, c’est-à-dire vers l’obscurité de la grotte, là où on ne pourrait pas voir plus loin que le bout de son nez. Plus le son approcha de moi, plus je compris l’origine. Il s’agissait en fait de battements d’ailes, rapidement suivis par des petits cris stridents. Dans ce genre d’endroit, je ne pouvais voir qu’une seule chose qui se résumait à ces critères : Un horrible dragon géant cracheur de givre et dévoreur de femmes désespérées. Ça… ou une chauve-souris.

Heureusement pour moi, la deuxième hypothèse (qui était la moins mortelle selon moi) s’avéra être la bonne. Yay ! Un jour de plus pour moi ! Par contre, le comité d’accueil de la jolie créature blanche ne fut pas des plus douces. Ces trucs n’étaient pas censés se déplacer en groupe ? J’avais lu un livre sur elles, et il me semblait pourtant qu’elles agissaient comme une colonie, un peu à la manière des abeilles, mais en moins importante… peut-être que je me trompais avec une autre race, qui sait. Dans tous les cas, après avoir observé le mammifère volant se percher au bat d’une stalactite perchée au plafond, mon cœur fondit. Ces grandes oreilles toutes poilues, ces petits yeux rouges touts mignons et ces ailes d’une beauté majestueuse, comment ne pas craquer devant une créature aussi élégante ? Comment ça, Y’avait mieux ? Rhalala c’que vous pouviez être rabat-joie quand vous le vouliez… Enfin bref, au bout d’un petit moment à baver mentalement sur cette jolie petite chose, je ressaisis mes esprits. La principale chose qui ne fallait pas faire dans ce genre de situation, c’était de se présenter comme une menace. Je voyais bien que l’animal n’était pas dangereux, mais elle pourrait peut-être l’être au final. Ainsi donc, je cherchais dans ma sacoche quelques instants pour en sortir une pomme verte qui traînait. J’étais toujours du genre à apporter des petites collations par-ci par-là, car sous ma silhouette d’hirondelle se cachait une ogresse affamée. Assez parlé de mon appétit. Je tendis donc le fruit vers le haut, doucement et poliment.

- Salut toi, je sens que tu as faim faim faim, je me trompe ?

Deux autres hypothèses s’offraient à moi. Soit la chauve-souris allait accepter mon cadeau et tout ceci allait bien finir, soit elle allait appeler toute sa clique et je me ferai bouffer vivante par une colonie, ce qui affirmerait ma théorie des troupeaux. Dans le pire des cas, on allait tous mourir un jour, non ?

On sort la marchandise

Toujours en tenant ce juteux fruit vert dans ma main gantée, j’espérais de toute mon âme que la créature ailée n’allait pas me sauter dessus et me dévorer les yeux avec de la sauce brune. Après tout, nous n’étions jamais à l’abri des dangers de ce monde cruel. Par contre, si je finissais mes jours dans cette grotte froide et sinistre (quoi que terriblement belle) ça aura voulu dire que j’aurais disparu de la surface de la population (très claire la phrase. oui oui). Est-ce que je manquerai à quelqu’un ? Hm, peut-être Akira, mais bon ça faisait terriblement longtemps que je ne l’avais pas vue… Tout ça pour dire que j’attendais la réaction de la chauve-souris. Celle-ci sembla curieuse, mais également terriblement effrayée par ma présence. Si je me souvenais bien, elles étaient aveugles ces choses-là. Du coup, peut-être avait-elle encore plus peur de s’faire dévorer que moi ? La réponse vint vite, puisqu’elle partit sans laisser de trace vers les profondeurs de la caverne. Oh… oh bah elle est partie…

Alors que je me préparais à repartir, j’entendis de nouveau la bête s’approcher. Je me retournais et la vie perchée à une autre stalactite. En voyant son nez bouger, je me rendis compte qu’elle s’était mise à sentir la pomme. Avait-elle faim ? Probablement. Mais alors, pourquoi ne venait-elle pas prendre le fruit que je lui tendais ? Hmmmm… Elle devait être extrêmement craintive au point de penser que c’était un piège. Quoi faire pour lui faire comprendre que je n’étais pas son ennemie… Oh ! Une idée toute simple me traversa l’esprit ! Je fouillais dans mon sac et sortie toute l’étendue des provisions qui me restaient. Non seulement il y avait la pomme en question, mais également deux sandwichs aux tomates, un fromage qui pue ainsi qu’une tablette de chocolat. La seule chose que je laissais dans mon sac était ma bouteille de jus de fraise, puisqu’il n’y avait pas réellement d’intérêt à la lui donner. Je plaçais donc toute la bouffe par terre en petit tas et m’éloignais d’un mètre. Finalement, je m’assis par terre afin de lui faire comprendre que je n’étais pas une menace. Oui, ce mammifère était aveugle, mais ses autres sens étaient suffisamment aiguisés pour lui faire comprendre que j’étais dans une position inoffensive. Finalement, d’une voix douce et calme je lui dis :

- Ne t’inquiète pas, tout ceci est pour toi toi toi si tu veux.

Elle était tellement mignonne et semblait tellement seule qu’il serait égoïste pour moi de ne pas lui offrir de mon hospitalité pour la nourrir. Après tout, j’étais dans son territoire, donc il était normal de lui montrer le maximum de respect qu’une invitée se devait de donner à son hôte. Rhalala, c’que j’étais gentille moi… Quoi ? Prétentieuse ? Pas du tout !

L'ultime demande

Dire que quand j’avais préparé mes provisions hier avant de partir pour cette île au climat intensément frette (comme on dit chez nous), j’avais prévu de manger mon fromage qui pue durant le chemin du retour. Au final, mon âme de Madeleine fit en sorte de donner le tout à la pauvre petite bête qui se trouvait devant moi, seule et confuse. Après m’être assise par terre, tout ce qui me restait à faire, c’était d’attendre une réaction quelconque de la petite chose. Cette fois allait-elle s’enfuir pour de bon ? Ou au final appeler toute sa troupe pour m’égorger et boire mon sang ? J’aurais peut-être dû écrire une lettre d’adieu sous mon lit au cas où quelque chose du genre m’arriverait. Il faudrait aussi que je modifie mon testament, car donner toutes mes peluches à Jet n’était peut-être pas la meilleure idée qui soit. Oh ! Elle bouge ! C’est un miracle de Noël ! Elle s’envola dans toute sa splendeur pour finalement atterrir devant les vivres et… les engloutir comme une truie. Eh bah, j’en connaissais une qui avait un grand appétit ! Je ris silencieusement devant la scène. Même si je commençais déjà à avoir faim moi-même, j’étais satisfaite de voir que j’avais rendu une petite créature heureuse.

Cependant, je me posais toujours autant cette question. Où était sa famille ? Son troupeau ? Avait-elle été abandonnée par ses proches ? Ou alors elle s’était simplement perdue ? Dans tous les cas, la voir seule était triste et mon cœur en avait des gros bobos. Peut-être que si je réussissais la convaincre, elle pourrait venir avec moi ? Comme ça, elle ne sera plus jamais seule ! Oh oui ! Une nouvelle amie parmi Lamia Scale, quelle excellente idée !! Maintenant que j’avais réussi à la convaincre que je n’étais pas une ennemie, il était temps pour moi de l’apprivoiser et de faire d’elle mon familier de rêve ! Oui ! Quand je serai la reine du monde, cette chauve-souris et moi serons assises sur un trône d’or et de saphir pour que la population entière se prosterne devant nous ! MOUAHAHAHAHAHAHAHA ! Bon, assez divagué, passons à autre chose.

Je me levais lorsque ma nouvelle future meilleure amie pour toujours finit son copieux repas. Elle tenta de s’envoler pour me quitter, ce qui me fit perdre tous mes moyens, mais je remarquais qu’elle avait tellement mangé qu’elle n’était plus capable de battre des elles. Quelle cochonne cette bête. On allait bien s’entendre, hihi ! Alors qu’elle sembla chercher une solution, son regard finit par se poser sur moi… enfin sur mon manteau de fourrure. Quand je dis regard, c’est une façon de parler, puisqu’elle était aveugle. En fait, était-elle en train de mater mes seins ? GOUJAT ! Non non un peu de sérieux quand même ! Après quelques secondes de réflexions, j’en vins à la conclusion qu’elle avait peut-être froid et qu’elle avait besoin de… réconfort ? Pas question que j’lui donne mon manteau ! J’eus une bien meilleure idée. J’avançais lentement, trèèèèèès lentement, puis formais entre mes mains une espèce de petit lit portable fait de laine rose. Je savais que cette notion de magie était utile dans ce genre de situation ! J’étais décidément trop futée. Je posais un genou par terre et me penchais vers la créature tout en tendant mon joli lit. Je pris même la peine d’y poser mes fleurs que j'avais sur la tête afin d’ajouter un certain design. On est fashion ou on ne l'est pas après tout.

- Si tu viens avec moi, je te promets promets promets que tu ne manqueras plus jamais de nourriture. T'auras même le droit à des câlins ! Alors, qu’est-ce que tu en dis ?

J’attendis patiemment de voir sa réaction. Comme on dit, ça passe ou ça casse ! De toute façon elle ne pouvait pas vraiment s’enfuir puisqu’elle avait le bidon trop plein. C’est ça qui arrive quand on a les yeux plus gros que la pense, Colombine. Qui était Colombine ? C’est simple, Il y a quelques centaines d’années, il existait une forme de théâtre très loufoque et populaire qui s’appelait la Comedia D'el Arte. Je vais vous éviter les explications longues et inutiles, mais l’un des personnages hauts en couleur s’appelait Colombine et elle était disons… très enrobée. Oh ! Mais bien sûr !

- Colombine, ça t’irait bien bien bien comme nom, tu trouves pas ? Hihi !