UNE AIDE PROVIDENTIELLE.

Arric craignait de perdre son temps.


Faire les courses à Magnolia ne se révélait pas chose aisée. Nombreuses étaient les boutiques, et hauts étaient parfois les prix. Surtout que ce qui intéressait la jeune fille n’avait rien à voir avec un quelconque article à la mode ou un gadget dernier cri. Non, ce qu’elle cherchait, c’était une tenue souple pour le combat, voire même pour paraître moins… découverte. Certaines personnes lui reprochait justement sa presque nudité. D’un autre côté, elle ne cherchait pas à s’exhiber de la sorte volontairement. Elle s’assumait, rien de plus. Quelqu’un qui n’a pas peur d’être soi-même devrait rester lui-même. De surcroît, cela permettait une meilleure agilité lors des affrontements, en contrepartie d’une protection quasi inexistante. Sauf que pour le moment, elle ne devait pas raisonner duel, mais se concentrer dans l’espoir de trouver ce qu’elle voulait se procurer, quitte à y prendre le temps nécessaire. Seulement voilà, ça devenait long et ses chances se réduisaient à mesure que les heures passaient, grignotant le début de l’après-midi. Même si elle avait déjà mangé, la jeune fille sentait que continuer ici ne serait qu’une vaine entreprise. Alors dans ce cas, en route pour une autre ville !


Grace à des renseignements cartographiés et oraux, obtenus par des habitants, Arric prit la direction d’Hosenka, cité apparemment réputée pour ses thermes et ses sources d’eaux bienfaitrices, d’après ce qu’en disaient certains touristes de Magnolia. Par ailleurs, ce site ne se trouvait pas très loin à l’ouest. Une petite marche tranquille suffisait amplement pour arriver à destination. Une fois sur place, la jeune mage de glace regarda de manière large la portion de ville qui se présentait sous ses yeux. Mais ce qui la marquait le plus était les différents ponts visibles qui se succédaient les uns les autres. Des pancartes indiquaient souvent la position des thermes que possédait Hosenka. Vraisemblablement, les sources constituaient pour la cité une sorte de « particularité » propre, autant que les spécialités culinaires uniques. Enfin, c’est comme ça que raisonna Arric Jesmetine. Après tout, à part un télépathe ou un individu très perspicace, personne ne pouvait lire dans sa tête et/ou dans ses pensées pour deviner ceci. Cherchant un raccourci, la demoiselle bifurqua à une ruelle qu’aucun habitant n’empruntait, d’après ce qu’elle voyait. En revanche, Arric découvrit qu’elle ne s’y était pas insérée seule. Le bruit caractéristique de pas se rapprochant d’elle la poussa à se retourner et deux hommes apparurent dans son champs de vision. Devinant assez facilement leurs intentions, vu les sourires en coin qu’arboraient les deux individus, la jeune mage s’arrêta sur place et, laissant les hommes approcher, elle fronça les sourcils de mécontentement tout en écartant sa cape, se préparant à lutter face à ses adversaires. N’ayant pas encore mit ses mains sur les manches de ses épées, elle se contenta juste de mettre discrètement et habilement ses pieds en position pour une future manœuvre.


Les deux gars avaient l’air ailleurs, leur attention détournée par sa poitrine. Excellent. Une ouverture se profilait grâce à une réaction primaire des mâles se trouvant maintenant plantés à un mètre à peine d’elle. Arric allait les corriger. Les remettre à leur place. Leur montrer que toutes les filles n’étaient pas sans défenses. Ses mains devinrent un peu plus froides, mais sans rien laisser transparaître pour le moment. Attendre était la clé. La patience est une vertu. Un homme bon et sage lui avait appris ceci pendant une année. Un homme parti trop tôt, pas dans le sens funéraire, mais dans le sens du départ, de l’éloignement. Mandus était peut-être loin physiquement à l’heure actuelle, mais Arric l’abritait, encore dans son cœur et dans son esprit. Ainsi que ses judicieux conseils et ses connaissances non négligeables.


- « Tu as le temps, Arric. Tu ne t’en rends sûrement pas compte, mais crois-moi tu as le temps. Nous avons tous le temps. Aie confiance en cela, mon enfant.»


Elle se remémora cette précieuse leçon de vie apportée avec bienveillance au travers d’une voix apaisante et sincère. Elle se sentait étrangement plus sereine, maintenant, peu importait la présence d’idiots devant elle. Cependant, elle ne s’était pas rendu compte qu’elle avait fermé les yeux. Une fois rouverts, la surprise tint Arric silencieuse. Une grande femme, pointant deux armes à feu, tenait en joue les hommes qui l’embêtaient, et ce avec un étrange sourire. De la satisfaction ? Peut-être. A vrai dire, elle n’en savait rien. Mais ce qu’Arric savait, c’est qu’elle allait enfin pouvoir en finir avec cette situation. Sans magie, sans armes, sans effusion de sang. Juste avec une arme secrète de fille…


La sainte gifle.


Armant ses doigts de fraîcheur magique, elle ne sauta pas très haut, jusqu’à arriver au niveau de la tête de ses ennemis avec son propre visage, et des deux mains elle mit à chacun une baffe magistrale, qui faisait autant mal qu’elle claquait, en plus d’avoir l’impression d’une lame effilée par la magie de glace, rajoutant encore une sensation désagréable aux méchants imbéciles, maintenant effondrés par l’arme secrète des filles, s’étant cognés la tête ensemble et maintenant au sol, assommés pour un temps, une marque sur leurs joues. Un jugement approprié et équitable.
Fin de l’histoire et de la situation délicate. Il restait maintenant à savoir qui était sa sauveuse.


- Je vous remercie, mademoiselle, pour cette aide providentielle. Dites-moi, savez-vous à qui Arric Jesmetine doit-elle ce sauvetage ?


Une inconnue dont elle souhaitait savoir l’identité. Au moins par principe et respect mutuel.


Le B-A BA de la civilisation reposait sur la politesse.

LA NÉCESSITE DE FUIR.

Et deux ennemis à terre, deux.


Faire selon les règles, c’est bien. Mais faire selon SES règles, c’est encore mieux. D’autant plus qu’en mettant elle-même des baffes au duo impertinent, elle s’était assurée de ne plus jamais les revoir ni de se frotter à nouveau contre eux. De toute façon, ces deux gaillards n’avaient pas le niveau pour qu’elle ne s’en soucie plus que ça. En revanche, la femme juste derrière eux, qui riait et qui se révélait à Arric, attirait l’attention de la jeune mage des glaces. Plus grande et portant un manteau apparemment simple, elle fit disparaître ses armes, sans doute des outils de travail et de défense, avant de lui jeter un vêtement censé couvrir son corps et empêcher, comme elle disait, "les hommes guidés par leur queue" de commettre des imprudences. Elle remercia sa sollicitude et précisa que même si elle n'en avait pas besoin, elle le mettrait malgré tout. Elle fit un petit geste d’inclinaison de la tête en guise de remerciement puis l’enfila promptement avant de fixer intensément son interlocutrice droit dans les yeux. Son visage, aux beaux traits et au teint clair, donnait l’impression d’une peau lisse et douce au toucher, en plus d’être porteur d’yeux marron foncés et des cheveux longs de même couleur. Remettant son chapeau, l’inconnue dégageait presque une apparence de femme des autorités, d’un membre des forces de l’ordre, mais discrète et incognito à la vue des badauds. Après un compliment sympathique sur la manière d’Arric de se défendre, la femme s’identifia comme étant Kate. Un joli prénom pour une ravissante femme, soit dit en passant. Arric arbora un sourire à l’adresse de Kate. Elle déclara, avec ce même sourire amusé, qu'elle serait prête à lui apprendre si elle le souhaitait toujours jusqu'au bout. En supplément, elle confirma qu'elle s'appelait bien Arric. Mais la "pistolero" eut raison sur deux points : la presque nudité et le besoin urgent de s’en aller d’ici. Le problème vis-à-vis de son accoutrement, c’est que peut importe qui ferait remarquer cela à Arric, elle ne s’y plierait sous aucun prétexte.

Par contre, elle acquiesça volontiers au sujet de la fuite. Kate évoqua les bains d’Hosenka, et son objectif premier de s’y rendre. Quelle coïncidence ! Elle comptait justement y aller aussi pour se détendre, compensant ses efforts de recherche concernant une tentative vaine d’achats de tenues utiles. La femme lui tendit une main, aux doigts raffinés, qui ne demandaient qu’à saisir ceux d’Arric pour s’échapper de la ruelle et rejoindre les eaux des sources, calmes, tranquilles et propres. A peine une rencontre effectuée, la contrainte d’un choix imposait une vivacité d’esprit et l’apparition d’un raisonnement. Un piège tendu surviendrait-il plus tard si elle empoignait cette main ? Pouvait-elle le faire ? Devait-elle le faire ? Une confiance s’installerait ou s’ébranlerait ? Des idées noires ou tordues sillonnaient-t-elles le cerveau de Kate ? Etait-ce Arric qui devenait parano ? Fallait-il avancer ou reculer ? Trop de logique, de réflexion, et pas assez de temps… Bon sang ! Occultant tous ces schémas possibles pour finalement fixer la « pistolero » dans les yeux avec détermination, Arric étira son bras et posa sa paume de main sur celle de Kate, laissant cette dernière refermer ses doigts dessus et l’emporter vers leur destination commune, affichant toujours ce sourire. Peu importe les dangers, peu importe les risques, elle accompagnerait Kate aux bains, où relaxation et discussion primeraient sur la frustration et la dissimulation. Chacune obtiendrait satisfaction et de surcroît, plus on est de fous et plus on rit, citation bien connue. L'aura émanant de cette femme instaurait confiance et gentillesse, même si son regard observait les environs en permanence, une vigilance omniprésente surveillant l'environnement alentour, espérant ne pas repérer d'individu louche, ni se faire repérer tout court. Kate ressemblait quelque peu à Arric.


- Je vous suit, Kate. Allons prendre un bon bain ~


Elle mettait ses espoirs actuels dans cette personne.

[HRP] :

Spoiler:

À FLEUR DE PEAU.

Arric se laissait emmener sans protestations.


Autant s’en aller au plus vite, en ne perdant pas de temps à rester une minute de plus aux environs de la rixe. Suivant Kate, main dans la main et en gardant la même allure que la pistolero, la Ice Makeuse tenait fermement la paume avec ses doigts, mais sans faire mal, afin de ne pas se retrouver détachée et séparée de sa sauveuse, à cause d’un malencontreux piéton qui pourrait les heurter par mégarde. Se contentant de regarder sa "guide" en jetant de rares coups d’œil aux alentours, la demoiselle parvint devant un édifice de plaisance, surmonté d’une enseigne en bois où étaient gravés les mots "Bains chauds". L’épéiste se demanda quel pouvait être le rapport qualité/prix qui motivait Kate à venir ici et pas ailleurs. Savoir que les honoraires et l’efficacité des services proposés entraient souvent en ligne de compte lors d’un choix préférentiel. Des tarifs réduits et une prestation d’excellence valaient leurs poids et penchaient la balance en faveur des dépositaires de ces programmes avantageux. Beaucoup de gens optaient plutôt pour un fonctionnement attrayant et des coûts révisés à la baisse.


Suivant Kate en entrant dans le bâtiment, après avoir lâché sa main, Arric salua le duo âgé et courtois en s’inclinant poliment, avec le respect dû aux aînés et aux doyens, les remerciant de l’accueil après que les modestes propriétaires eurent souhaités la bienvenu à la paire féminine dans le hall de leur humble demeure. C’était criant de civilité, il faut bien que le monde tourne ainsi pour fonctionner convenablement. La bretteuse ne portait pas d’attention au pourquoi du comment sa compagne faisait preuve d’autant de discrétion, ne retirant sa capuche que maintenant et scrutant vivement l’intérieur du rez-de-chaussée de la bâtisse. Peu importe. Kate régla la somme pour sa place et avança celle d’Arric, sans que cette dernière n’ait payée ni demandée quoi que ce soit. Gratifiant la manieuse d’armes à feu d’un joyeux sourire, la mage des glaces se déshabilla sans empressement, contrairement à leur fuite, puis déposa ses vêtements et affaires dans la pièce apprêté exprès pour le stockage, avant d’emboîter le pas de Kate, qui la précédait, l’imitant en ayant enroulée une serviette, lingeries de toilette mises à disposition de tous ceux qui le souhaitaient, autour de son corps. Elles atteignirent un endroit extérieur, où se trouvait une des célèbres sources chaudes, fierté d’Hosenka et forgeant une illustre réputation autour de la ville à l’égard de ces bassins revigorants. Les vapeurs s’échappaient régulièrement, formant un brouillard à température agréable, sans que l’air soit lourd.


Et puis, au milieu de cette fumée, il y avait Kate, aux courbes sublimes qu’énormément de femmes envieraient. Des rondeurs à faire pâlir, de jalousie ou d’admiration, presque n’importe qui, aux proportions parfaites. On aurait dit une naïade sortie des flots, qui envoûtait les promeneurs d’un simple échange visuel. Cette magnifique apparence, que revêtait la sirène, emplissait Arric d’un étrange appétit. Pas de faim ni de soif, mais... D’autre chose… De plus primitif, un instinct primordial brut débordant petit à petit chez la demoiselle, qui se sentait envahie d’une forme de désir difficilement soutenable à mesure que les secondes filaient.


Son "associée" l’attendait contre le bord de la source, après avoir trempée un pied, puis l’autre, et enfin le reste du corps, serviette posée sur son front. Arric testa l’eau du bout des orteils, frémissant de bien-être et lâcha un court souffle chaud, puis pénétra dans l’humeur aqueuse, convaincue par le climat accommodant. S’immergeant jusqu’au cou, ne laissant que sa tête dépasser hors du liquide, la combattante rejoignit Kate, mais pas en s’installant d’un côté ou de l’autre. Non, Arric se planta devant sa coéquipière du moment et lui afficha un beau sourire. Un sourire pouvant signifier plusieurs choses à la fois. Un sourire inhabituel, mais terriblement sincère, aussi pur que le cristal et dénué de toute négativité.


Ne patientant qu’à peu près une dizaine de minutes avant de passer à l’action, Arric ne put empêcher quelques rougeurs d’apparaître sur ses joues, aucunement lié à la chaleur de la source. Se levant afin d’être à bonne hauteur, surtout au niveau du faciès, la Ice Makeuse encadra le visage de Kate avec ses mains et lui assura que cela lui convenait parfaitement et qu’elle n’avait pas peur, mais qu’en revanche, au lieu de mordre, elle appréciait bien volontiers "l'escorte" de sa bienfaitrice, avant de délicatement détacher ses mains des joues de Kate, les yeux mi-clos et charmants, plongeant dans ceux de sa protectrice, ses pupilles exprimant un désir insolite. Se calant contre Kate, dos à elle, la tête contre sa poitrine et le reste du corps entre les jambes vu la différence de taille, Arric sentit un autre type de frisson la parcourir. Celui du contact humain, sans tenues ni accessoires. Un frisson d’approbation.


Mais qu'est-ce qu'Arric acceptait, au juste ?