Le voile immaculé des neiges enveloppait le paysage, les flocons cristallins étaient éclairés dans leur danse par les ultimes rayons de l'astre solaire. Les cheveux mouillés, la démarche vive, Athos arpentait un petit sentier ascendant, qui serpentait à travers l'étendue blanche. Un relief escarpé, un décor austère. En quête d'une ponctualité nouvelle, Athos n'avait de cesse d'accélérer la cadence. Il filait, courait presque, à travers le paysage, ignorant la beauté singulière qui l'entourait, ignorant les reflets éphémères des dernières lueurs solaires qui jouaient sur les fragments glacés, ignorant le charme sauvage de la nature, fauve et indomptée. Sans ralentir, le jeune mage noir plongea ses mains en sa poches. Ces dernières, après avoir chercher quelques secondes, effleurèrent un humide bout de papier. Dans un geste fluide, elles l'extirpèrent de son antre et le déplièrent.

Les yeux emplis de volonté mais freinés par un perpétuel mouvement, Athos entama une nouvelle lecture de cet ordre de mission. Un seul détail éveillait réellement son intérêt : l'emplacement exact du lieu désigné pour sa rencontre avec sa future partenaire et la façon de s'y rendre. Le reste était gravé en son esprit. Un marchand d'esclave, des enfants victimes, une récompense alléchante. Peu d'informations, mais une envie réelle. Et ce n'était pris d'un absurde et soudain désir de se sentir proche de cette mission future qu'il avait sorti de sa poche le papier décisif; en effet, il arrivait maintenant à un croisement. Les quelques lignes qu'il venait de parcourir n'avait été cependant que peu enclines à l'aider. S'arrêtant un instant, pour le souffle et la réflexion, Athos laissa ses yeux détailler les alentours. Son esprit se perdit alors dans les méandres des contemplations, ébahi, saisis par la majesté de la nature. Les lueurs mourantes du soleil se reflétaient faiblement sur le manteau de neige, les flocons tombant et les rares feuillages qui peuplaient le lieu, livrant leurs ultimes danses aux être éveillés, spectateurs du théâtre sans fin qu'est le monde. L'astre souverain finissait sa course quotidienne dans les tréfonds du firmament, par delà les terres, et ses derniers rayons, adieux flamboyants, parvenaient aux yeux du jeune homme dans un éclat indécent, presque violent.

Un instant, la sensation de n'être qu'un minuscule fragment, discret et effacé, peut être même pas utile, de cet ensemble majestueux et titanesque le saisit. Soupir. Il y est des statuts que l'on ne peut transcender. Une fugitive impression qui disait, le ton timide mais sincère, que c'était peut être mieux ainsi suivit cette contemplation mélancolique et quelque part, désabusée. Très vite cependant, un sens des réalité irrité repris le pas en l'esprit d'une jeune homme sur un mysticisme sublime mais inutile dans l'instant. Quelques secondes s'écoulèrent à nouveau, marquées par une réflexion pragmatique sur le chemin à emprunter. Les indications qu'il avait à sa disposition était maigres et superficielles, mais il sembla à Athos qu'il était judicieux d'emprunter le chemin qui montait vers le sommet de la montagne. Regard fugace vers l'arrière. Élan de volonté. Le jeune mage noir s'engagea sur cette voie.

Une heure s'écoula, longue et pénible. Le tracé du chemin emprunté était singulier, et Athos tournoya autour du sommet, sans jamais parvenir à la bâtisse qu'il recherchait, sans jamais être confronté à la moindre vie animale ou humaine. Sillonnant le sentier, pestant contre le manque de précisions des instructions fournies, Athos sentait l'eau s’immiscer en ses vêtements et en ses chaussures. Les cieux étaient désormais sombres et ses capacités visuelles diminuaient. Un instant, Athos crut qu'il allait simplement se perdre en ces lieux et dormir appuyé contre le tronc d'un arbre. Un autre, il fut persuadé qu'il allait arpenter les mêmes sentiers, les mêmes chemins, durant toute la nuit, éclairé par sa magie. Il n'en fut rien, car après de nombreux efforts, il aperçut enfin le chalet convoité. Quelques mètres de coté, quelques briques empilées. Un abri rustique, mais qui semblait solide. Pris d'une satisfaction sincère et justifiée, Athos pénétra dans le bâtiment. Une chaleur nouvelle est appréciée souffla sur son corps éprouvé et il s'empressa de fermer la porte de bois récemment ouverte. D'un regard, vif et alerte, Athos balaya la pièce. Une cheminée, source bénie d'un bien être recherché, était accoudée au mur droit. Des tables rondes, de toutes longueurs, occupaient une grande partie de l'espace. Des voyageurs y étaient installés. Un comptoir qui semblait également assurer les fonctions de bar faisait face à la porte. Athos passa une main habituée dans sa chevelure, imposant à ses mèches trempées et distraites l'ordre qu'il leur destinait. Serpentant à travers les chaises et les tables, il se dirigea vers le comptoir.

Athos s'adressa à celui qui lui semblait être le gérant et demanda une chambre. Un ton simple, monotone. En guise de réponse, l'imposant homme émit un inaudible grognement et lui tendit une clef. Après s'en être saisi, Athos se retourna et, s'accoudant au comptoir, il entreprit de détailler les clients présents, tentant d'identifier sa future partenaire. Pas le temps de monter se changer ou prendre une douche, il avait un retard trop conséquent. Assise seule à une table, une jeune femme attira son attention. Une figure relativement attirante, de plus elle semblait correspondre à la description qu'il avait d'elle. Un instant, il hésita. Mais sa décision ne tarda pas. Peut être n'était elle pas celle qu'il recherchait, mais l'expérience ne pouvait pas être déplaisante, même si les conditions n'étaient pas optimales. Athos s'approcha donc d'elle et lui lança, un léger sourire aux lèvres :

- Bonsoir, je viens d'arriver et étant donné que mon voyage a été assez fatiguant, je vais tenter d'être direct. Je suis ici afin de rencontrer une jeune femme avec laquelle je suis sensé exécuté une mission. Comme vous êtes seule, j'ai pensé qu'il s'agit peut-être de vous. Sinon, je vous présente d'avance mes excuses pour le dérangement.

Pour elle, il était encore anonyme, et rien en ses mots ne trahissait son statut de mage noir. Désormais, il attendait simplement une réponse.