La fumée du cigare d’Allan venait certainement de déranger la jeune femme puisque celle-ci était sur le point de manger une tarte lorsque le nuage de fumée lui arriva dans les narines. Sa collègue mage eut alors un haut le cœur et la fit se désintéressé complètement de sa tarte. Elle n’avait pas l’air d’apprécier le parfum délicat de ces cigares, ce qui fit sourire l’Agent du Conseil. Si après ça, cette Ketsueki revenait le voir, c’est qu’elle était complètement stupide. Il y avait de très grandes chances qu’il est réussi ce qu’il voulait faire depuis l’arrivée de sa collègue, à savoir la décourager de lui adresser la parole. Néanmoins, il n’en était pas encore certain, cette femme était déjà assez étrange pour continuer à lui parler après la façon dont il se comportait depuis un moment déjà.

Finalement, sa collègue réagit de manière assez brutale puisqu’elle laissa tomber ses couverts dans un cliquetis métalliques avant de regarder Allan d’une façon qui n’exprimait aucune amitié, mais plutôt une très grande colère. Ce regard n’effraya pas le fumeur, au contraire, il lui fit esquisser un léger sourire qui montrait son contentement. Il avait de quoi l’être étant donné qu’il avait réussi à mettre en colère son interlocutrice. Celle-ci se mit alors à parler. Elle lui dit qu’elle ne le connaissait pas, mais que ce n’était qu’un pauvre petit agent du conseil qui se forçait à éloigner les autres. Allan continuait à sourire pour en quelque sorte défier sa collègue, pour lui montrer qu’elle le faisait plus rire qu’autre chose. Avec l’habitude, il était passé maître dans l’art de se comporter de la pire manière qui soit. Personne ne lui avait jamais résisté autant qu’elle lorsqu’il se comportait ainsi. Cette femme était devenu une sorte de défi pour lui, il fallait qu’il réussisse à l’éloigner le plus possible de lui. Cependant, la jeune femme ne s’était pas arrêtée à ça et elle continua de parler. Cette fois, elle lui dit que même s’il se comportait ainsi avec tout le monde, elle n’était pas tout le monde. Elle voulait certainement lui dire qu’il devait arrêter d’être comme il était avec elle. Ce n’étaient pas de simples paroles qui allaient obliger Allan à ne pas jouer son rôle d’ordure. Il avait sa carapace et rien ne devait la traverser, il n’allait donc pas se laisser impressionner par cette femme.

Cette dernière s’était d’ailleurs penchée vers lui en posant sa tête sur ses mains, les coudes sur la table. Sa posture semblait vouloir dire qu’elle allait lui faire la leçon comme à un enfant qui venait de faire une bêtise. Allan allait continuer à jouer son rôle au maximum et décala donc ses pieds un peu sur la gauche pour les coller juste devant les bras de la jeune femme. Elle reprit une nouvelle fois la parole en lui demandant pourquoi il se comportait ainsi ou si c’était naturel. Elle ajouta que dans ce dernier cas, il fallait l’excuser puisqu’elle pensait parler à quelqu’un de censé. Sa collègue était entièrement dans le vrai, mais il ne pouvait pas lui expliquer les raisons de son comportement. C’était quelque chose qu’il devait garder secret afin de la protéger. Si elle était au courant, il pourrait lui arriver de terribles choses dans un laps de temps très court. Elle se redressa sur sa chaise et croisa les bras après avoir terminé sa tirade. Elle semblait avoir terminé ce qu’elle souhaitait lui dire et n’allait plus rien faire. C’était désormais au tour d’Allan de s’exprimer, il allait commencer par une petite pique afin de lui montrer que tout ce qu’elle venait de dire lui était passé au-dessus de la tête. Il retira ses pieds de la table et tapa du poing sur la table avant de lui dire assez fort :

-C’est bon ? T’as fini de me saouler avec tes remarques. Je suis comme je suis et c’est pas toi qui va me changer.

Allan avait été encore une fois parfaitement irrespectueux avec sa collègue qui allait certainement lui en vouloir encore plus, mais c’était le but. Il comptait même en rajouter en soufflant une nouvelle bouffée de fumée en direction de Ketsueki avant de se lever en faisant tomber sa chaise assez bruyamment. Les conversations se stoppèrent immédiatement au niveau des quelques tables qui entouraient la leur. Tous les soldats assez proches d’eux avaient tourné la tête dans leur direction et certains faisaient même des commentaires en disant que c’était encore Allan Sight qui faisait des siennes et allait s’en prendre verbalement à une collègue innocente bien que celle-ci soit du même acabit que lui. Maintenant qu’il était debout, l’homme au cigare posa les paumes de ses mains sur la table et se pencha en avant pour que son visage soit proche de celui de son interlocutrice. Il commença ensuite à parler assez fort pour que toutes les personnes aux alentours puissent l’entendre :

-Maintenant si tu as quelque chose contre moi, rien ne t’oblige à rester à cette table. Tu es libre de la quitter pour aller t’installer avec tous les autres abrutis qui se trouvent aux alentours et qui nous écoutent en ce moment. Pas vrai bande de concierges ?

Après ces derniers mots, on entendit quelques murmures provenir des tables alentours.

La jeune femme avait commencé à sourire à son tour pendant qu’Allan lui parlait. Elle faisait exactement ce qu’il avait quelques instants plus tôt. Elle voulait certainement montrer qu’elle se fichait de tout ce qu’il allait pouvoir dire et qu’elle n’avait aucune intention de prêter réellement attention à ce qu’il allait dire. C’était une technique qu’il avait l’habitude d’utiliser et il fallait avouer que cette femme la maîtrisait à la perfection. Les deux chevaliers qui se livraient une sorte de joute verbale étaient très semblables puisqu’ils avaient un caractère vraiment très proche. C’étaient deux vraies ordures qui n’étaient capable d’être aimables et ne savaient pas parler aux autres sans laisser s’échapper un flot de paroles blessantes et insolentes. Néanmoins, pour Allan c’était une attitude qu’il se donnait, mais il ne savait pas si c’était le cas pour cette Ketsueki ou si elle était réellement comme ça avec tout le monde et ce sans se forcer. Elle laissa ensuite Allan finir sa tirade avant de le regarder droit dans les yeux en applaudissant. L’Agent du Conseil ne fut pas surpris de la voir réagir ainsi puisque c’était tout à fait le style de sa collègue que de se moquer des autres en faisant ainsi semblant de le féliciter pour ce qu’il venait de faire. Alors qu’il lui avait, en quelque sorte, craché des horreurs au visage pendant un moment. Cette femme était un véritable défi pour Allan qui avait ainsi l’occasion de véritablement tester ses capacités à faire fuir les autres par son comportement. Il fallait qu’il sache qui finirait par laisser tomber en premier, il voulait savoir s’il était plus fort à ce petit jeu que son interlocutrice qui était enfin une adversaire à son niveau dans le domaine.

L’Ecuyère runique se leva alors tranquillement de sa chaise puis reprit à son tour la parole pour lui dire sans s’énerver, de manière vraiment très calme, qu’elle n’avait rien contre lui contrairement à ce qu’il venait de dire. Elle continua ensuite en disant que c’était lui qui lui en voulait et même plus, qu’il en voulait à tout le monde. Ce qu’elle disait était partiellement vrai puisque c’était ce qu’il voulait laisser transparaître de lui, un individu abject qui n’apprécie personne et se contente d’être une véritable ordure avec tout le monde. Son interlocutrice regarda alors les autres chevaliers présents dans la salle avant d’éclater de rire. On voyait bien qu’elle se moquait de leurs collègues avec ce rire assez forcé. Elle reprit ensuite la parole pour insulter les autres chevaliers qui mangeaient autour d’eux en disant que ce n’était qu’une bande de moutons. Elle voulait certainement faire allusion au fait qu’ils obéissent aux ordres sans vraiment réfléchir à ce qu’ils faisaient. Néanmoins, elle avait du courage pour se comporter ainsi devant une multitude d’hommes et de femmes dont certains étaient probablement plus puissant qu’elle. Elle continua ensuite en disant qu’ils ne méritaient pas son attention et qu’elle était venue à cette table pour ne pas s’installer avec eux. Les dernières paroles de la jeune femme provoquèrent de nombreuses plaintes et grognement venant des alentours. Leurs collègues n’appréciaient pas vraiment tout ce qu’ils avaient entendu sur eux depuis le début de la conversation ou plutôt la joute verbale entre Allan et Ketsueki. Néanmoins, ils étaient dérangeants avec tout le bruit qu’ils faisaient et l’Agent du Conseil comptait bien les faire taire. Il tapa alors de nouveau brutalement sur la table en criant :

- Fermez-la !

L’Ecuyère runique reprit alors la parole et commença à dire des choses pas vraiment agréables sur les utilisateurs de magie comme l’était Allan. En effet, elle commença par dire qu’un mage restait un mage quoi qu’il fasse. Ce qui pouvait laisser penser que c’était une tare de maîtriser la magie. L’Agent du Conseil aurait pu s’énerver violement pour les critiques qu’elle faisait sur les mages, mais il préféra conserver son calme et écouter la suite de ses déblatérations complètement ridicules et stupides sur ce qu’elle ne semblait visiblement pas connaître si elle avait ses préjugés. Allan n’y avait pas réfléchi, mais cette femme devant être une de ces mercenaires sans cervelle qui abusent de la force brut pour du combat au corps au corps. Sa collègue lui dit qu’elle se doutait qu’il réagirait mal lorsqu’elle lui avait parlé, mais elle n’avait pas pensé que ce serait à ce point. Ce qui voulait dire qu’elle avait entendu parler de lui et de son caractère, mais que sa réputation n’était pas encore assez développée pour qu’on sache que c’était une ordure qui allait vous parler comme à un chien si vous lui adressiez la parole. Néanmoins, ce serait certainement très vite le cas s’il s’y forçait. Ketsueki finit ne lui disant que la magie devait avoir causer des dégâts dans son cerveau puisqu’il se comportait comme un parfait imbécile. Cette fois elle avait dépassé les bornes avec ses allusions sur la magie et Allan allait lui faire comprendre comment il vivait et avait toujours vécu avec la magie. Il la fixa alors dans les yeux à travers ses lunettes et dit calmement :

-Tu ne dois pas avoir la moindre idée de ce que je peux vivre au quotidien avec la magie. Elle est présente en moi depuis ma naissance, j’ai toujours vécu avec. Il a fallu que je la développe pour ne pas en souffrir. Tu vas voir ce que donne la magie en moi !

Sur ces mots l’Agent du Conseil retira ses lunettes de soleil pour montrer ses yeux bleus sombres à son interlocutrice. Il ferma les yeux et les rouvrit alors en activant son Tengen et ses pupilles se mirent à briller d’un fort éclat pendant qu’Allan était devenu capable de voir ce que les chevaliers installés de l’autre côté de la salle avaient dans leurs assiettes. Sa vue avait été boostée à son maximum et il voyait désormais beaucoup plus loin que la moyenne. Il ferma alors de nouveau pour stopper sa capacité et retrouver ses yeux normaux. Il espérait que sa petite démonstration avait été suffisante pour impressionner la jeune femme qui crachait sur la magie

Allan venait de terminer ce qui était en quelque sorte une démonstration de ses talents et rouvrit les yeux pour voir la réaction de sa collègue. Il avait voulu lui montrer ce qu’il vivait depuis sa naissance à cause de sa capacité spéciale pour lui prouver que certains mages n’avaient pas choisi de le devenir, mais étaient nés avec des dons particuliers. Ce n’était pas le cas d’Allan, mais il espérait qu’elle mette de l’eau dans son vin et juge différemment les mages. Il fallait qu’elle apprenne qu’ils n’étaient pas tous les mêmes et que si certains étaient des profiteurs, d’autres pouvaient être des gens d’une très grande bonté. L’Agent du Conseil fixait Ketsueki et vit que celle-ci avait baissé la tête. Le jeune homme se demandait si ces paroles et ses yeux avaient eu un impact sur la jeune femme qui se rendait compte qu’elle était dans l’erreur depuis toujours et regrettait ce qu’elle avait dit et fait. Néanmoins, il y avait peu de chance que ce soit vraiment le cas, elle devait probablement penser à autre chose. Soudain, l’Ecuyère Runique attrapa l’arme qu’elle avait à la taille dans sa main droite. Ce geste inquiéta l’Agent du Conseil qui tendit le bras devant lui en direction de sa collègue pour se défendre en cas d’agression de cette dernière. Il était hors de question qu’il se laisse attaquer sans rien faire par cette femme qui détestait les mages. Il était en position pour lui lancer ses Shikigamis au moindre geste suspect. Finalement, Ketsueki releva la tête, son visage n’exprimait pas la colère, mais elle semblait vraiment triste comme ci les paroles d’Absolute Eyes l’avaient vraiment touchée. Il n’en avait aucune idée, mais la seule chose dont il était certain c’était qu’il avait eu un impact sur la demoiselle.

Elle commença alors à lui parler et lui demanda s’il savait ce qu’elle avait vécu elle à cause de la magie. Allan n’en avait aucune idée, mais ce devait être quelque chose qui l’avait vraiment marquée puisqu’on sentait facilement la colère monter en elle. En effet, elle parlait de plus en plus fort comme si elle n’arrivait plus à se contenir. Il devait vraiment lui être arrivé quelque chose de grave pour entraîner une telle réaction chez l’Ecuyère Runique. Elle continua à parler en lui disant que de toute façon, il s’en fichait bien de ce qu’elle pouvait avoir vécu puisqu’elle ne faisait que dire des horreurs sur les mages puisqu’elle ne savait pas ce qu’ils vivaient. Ce qui était complètement faux puisque sous sa carapace de véritable ordure, c’était quelqu’un de très attentionné qui n’aimait pas voir les autres souffrir sans pouvoir les aider. Il sentait bien que la vie de sa collègue avait été très difficile, mais il ne pouvait pas faire autrement que de faire croire qu’il ne s’intéressait pas à ce qu’elle pouvait ressentir. Il s’obligea donc à garder un visage impassible comme s’il n’avait pas de cœur et ne ressentait pas toutes les émotions qui émanaient de Ketsueki. Cette dernière se mit alors à le pointer du doigt comme si elle l’accusait de quelque chose. Elle était complètement hors d’elle et se mit alors à donner ses arguments contre la magie de manière très ironique. Il était vrai qu’elle n’avait pas tort dans ce qu’elle disait puisque les mages étaient responsables de beaucoup problèmes, mais ils n’étaient pas les seuls. C’était également le cas pour les mercenaires, il ne fallait pas mettre tout le mal du monde sur un seul groupe de personnes. Elle termina en disant que c’était sûr que la magie était un fardeau pour les mages. Elle n’avait vraiment rien compris à ce qu’il avait dit, il n’avait jamais sous-entendu que la magie était un fardeau, mais que l’on ne choisissait pas toujours de devenir mage puisque certaines personnes, comme Allan, naissent avec des capacités magiques qu’il faut développer pour ne pas qu’elle nous gêne. Elle ajouta alors quelque chose de très étrange sans aller jusqu’au bout de sa pensée. Elle avait en effet sous-entendu qu’elle avait vécu quelque chose d’horrible à cause de mages. Si c’était vraiment le cas, l’Agent du Conseil comprendrait beaucoup mieux son aversion pour la magie et ceux qui la pratique. Elle arrêta alors de parler et respira lentement pour reprendre son calme avant de dire une dernière chose. Elle finit en effet en disant qu’il était exactement comme tous les mages.

Suite à ce qu’il venait d’entendre, Absolute Eyes n’avait plus du tout envie d’être horrible avec elle. Ce serait trop méchant maintenant qu’il avait une vague idée des raisons de son comportement. Il fallait qu’il trouve une raison pour mettre fin à la conversation. Heureusement pour lui, ce fut la jeune femme qui partit sans dire un mot, Allan eut l’impression de voir quelques larmes à ses yeux, mais il n’en était pas certain. Habituellement, ça ne lui faisait rien de faire pleurer ses interlocuteurs, mais il ne savait pas pourquoi l’état de celle-ci le perturbait vraiment. C’était sans doute parce qu’elle aussi avait vécu des choses difficiles dans sa vie et qu’il sentait qu’elle était beaucoup plus fragile que ce qu’elle voulait bien laisser croire, comme lui en réalité. Lorsqu’Allan reporta son attention sur sa collègue, il vit celle-ci prendre son arme et couper une table en deux d’un seul coup. Elle rangea immédiatement son arme pendant que les chevaliers qui mangeaient autour de la table s’étaient levés. Ketsueki se tourna alors vers lui et lui demanda s’il était content. Ce n’était absolument pas le cas puisqu’il se sentait vraiment très mal vu la façon dont les choses avaient tourné. Elle ajouta ensuite des félicitations puisqu’il avait réussi à la faire fuir, elle lui dit qu’il avait gagné. L’agent du Conseil se sentait vraiment très mal, il fallait absolument qu’il lui reparler dans d’autres conditions, quand ils ne seraient que deux. Si personne n’était au courant de ce qu’ils allaient peut-être pouvoir se dire, il n’y avait pas de risque et ils pourraient parler plus librement qu’au milieu de la cafétéria pleine à craquer. Finalement, elle lui demanda s’il avait quelque chose à ajouter.

C’était le moment idéal pour approcher la jeune femme avec une bonne raison pour lui transmettre un message discret. L’agent du Conseil qui était toujours debout remit ses lunettes de soleil, alluma un nouveau cigare puisqu’il avait terminé le précédent et commença à marcher lentement en direction de sa collègue. Cependant, il ne s’arrêta pas à ses côtés et se contenta de passer comme si elle n’existait pas pour se diriger vers la sortie. Néanmoins, il n’avait pas fait que de marcher, il avait eu une idée qu’il avait mies en place à côté de la jeune femme. En effet, Allan avait fait apparaître un seul et unique Shikigami qui était tombé au sol juste aux pieds de Ketsueki. Ce petit bonhomme de papier lui permettrait d’entrer en communication avec l’Ecuyère Runique à tout moment. Il pourrait donc lui parler discrètement quand il en aurait envie. Cependant, il fallait qu’elle remarque sa création, qu’elle la prenne et qu’elle accepte de lui parler quand il se décidera à lancer la communication. L’Agent du Conseil quitta alors les lieux sans un mot en soufflant la fumée de son cigare.