Assis dans son fauteuil, les pieds sur son bureau, Milo lisait confortablement le dernier Weekly Sorcerer Magazine. Poussant par moment des petits « ooh ! », « ah ! », « vraiment ? », il était loin de ressembler à l’image que les gens se faisaient de lui. Dans un coin de la pièce se trouvait Andrew McDowell, alias Mephisto, qui était surement exaspéré par l’attitude nonchalante de son chef. D’ailleurs, si Andrew se trouvait là c’est parce que Milo l’avait fait venir pour lui déléguer toute sa paperasse en retard. En bon master feignant qu’il était, il trouvait toujours un moyen de donner son sale boulot à un autre. Et Andrew étant le plus qualifié, il était souvent de corvée.

« Andy, quand tu auras le temps j’aimerais que tu fasses venir ces membres là dans mon bureau. »

Sans quitter sa revue des yeux, Milo déposa une liste de noms sur son bureau à l’attention d’Andrew. Il savait que son subalterne ferait ce qu’il lui avait demandé, alors il ne lui prêta aucune attention. À vrai dire, il venait de tomber sur les clichés des plus belles mages en maillot de bain ! De ce fait, plus rien n’avait d’importance autour de lui pour le moment. Quant à la requête qu’il avait faite plus tôt, Milo voulait tout simplement parler à ses membres les plus prometteurs au sujet d’un problème démesuré. Un terrible mal était en train de s’abattre sur Silent Night, et il était du devoir de son Master d’y remédier ! La guilde noire à la tête du plus grand marché clandestin de Fiore était sur la paille ! La pauvreté avait élu domicile ici bas. Si dans un premier temps cela n’avait pas inquiété Milo ce fut une toute autre histoire quand il apprit qu’il ne pourrait pas piocher dans les caisses de la guilde pour obtenir des photos exclusives de la célèbre Johanna Célès en petite tenue !

Revenons quelques jours en arrière. Vous ne le savez peut-être pas, mais Milo a un petit faible pour la Maitresse de Lamia Scale. Il l’admire pour son style et sa beauté (surtout sa beauté). Il possède même toute une collection de produits dérivés à son effigie et de photos d’elle. Et il est constamment à la recherche d’objets pouvant étoffer sa collection personnelle. Je tiens quand même à préciser qu’il n’est pas un psychopathe obsédé par Johanna Célès ! Il n’est rien de plus que son plus grand fan, il fait même parti de son fan club… Mais pour en revenir à nos moutons, il y a quelques jours un contact de Milo connaissant son faible pour Rosea l’a approché pour l’informer que des photos exclusives de la belle seraient vendues d’ici peu. Le hic, c’est que les coordonnées du lieu où aurait lieu la vente avaient un prix. Un prix beaucoup trop élevé pour notre voleur qui n’était pas non plus en mesure de voler cette information. Il pensa pouvoir piocher dans la trésorerie de la guilde, hélas Silent Night n’avait plus un sou. Voilà pourquoi il a décidé d’improviser une réunion avec les membres les plus prometteurs de la guilde.

Le premier d’entre eux était Leonard Raziel Albae. White dragon slayer de Silent Night, il était âgé de vingt et un an. Recruté dans la guilde il y a de ça quatre années, il était du genre à se faire passer pour plus bête qu’il ne l’est. Une façade pour tromper son entourage, mais ce petit jeu ne marchait pas avec Milo. Sinon comment Leonard pourrait-il obtenir de si bons résultats et avoir une réputation égale à celle de Crazy Apple s’il était vraiment un imbécile ?

Le second se nommait John Doe. Âgé de vingt quatre ans et utilisateur de la magie des papiers. Arrivé dans la guilde il y a peu, il avait été recruté par un autre membre de Silent Night qui avait soudainement disparu par la suite. Coïncidence ou pas, Milo allait juger les motivations de ce John par lui même bien qu’il se soit montré être un membre exemplaire jusque là. Si tout se passait bien il récompenserait cet homme à sa juste valeur.

Enfin, le dernier invité à cette réunion se trouvait être une femme. Lilith Ludwig, vingt quatre ans, aussi appelée la Veuve noire. Détentrice d’une lost magic affiliée au sang, elle avait été recruté il y a peu par un membre d’Oracion Seis alors que Milo était absent. Une pratique que le maître de Silent Night n'approuvait pas. La guilde responsable du marché noir avait beau dépendre d'Oracion Seis, ce n'était pas pas à ces derniers de gérer son fonctionnement et ses recrutements. De plus, notre voleur se méfiait de cette femme en raison de son caractère instable. Selon ses fiches, elle était une manipulatrice un tantinet névrosée. Pas question de se laisser faire pour Crazy Apple. Il saurait la mettre au pas si elle ne répondait à ses attentes.

Voilà donc le trio gagnant que le maître de Silent Night avait convié à son bureau. Si tout se passait bien, Milo ferait d’eux les membres clés de la guilde. Et ensemble, ils feraient tout leur possible pour renflouer les caisses de la guilde ! Ainsi, Crazy Apple pourrait enfin obtenir ses clichés tant désirés de Johanna Célès.

Maintenant que tu es là, j’attends de voir...

Comment le dire avec politesse, sans aucune médisance de ma part, tout en faisant preuve d'un réalisme éprouvé, mais pas éprouvant. Ah oui, je sais, je n'aime pas traîner mes guêtres dans les bâtiments dans la silencieuse. Pourquoi ? C'est une évidence, le maître des lieux fait preuve d'une absence totale de bon goût. Au départ, j'avais pensé que c'était pour faire fuir d'éventuels mages noirs à l'esprit trop faible, ou des aventuriers égarés, mais j'ai rapidement compris que c'était tout sauf ça. Le gars à la tête de la soumise, tout comme ses prédécesseurs à force de courber l'échine pour l'alliance, ne pouvait que se rebeller à travers une personnalisation plus que douteuse des lieux. Ce n'est pas un reproche au passage, je ferais de même si mes intérêts me le demandent. Ceci étant, mon explication est un peu tirée par les cheveux, mais il me va bien. J'aurais trop honte de bosser pour mec qui n'a aucun goût. Enfin, je dis mec, mais c'est cela se trouve, c'est une meuf. Tout de suite, je perds ma crédibilité en ne connaissant pas le sexe de mon boss.

J'émets une objection qu'on ne peut pas rejeter. Depuis que je me suis fait tatouer l'insigne de la guilde sur ma cheville gauche par je-ne-sais-pas-qui, depuis mon recrutement, je n'ai jamais vu à quoi ressemblait le master des voleurs. Bien sûr, je connais la réputation de Crasy Appel, mais cela ne me dit rien de l'homme ou de la femme derrière lui. Personnellement, tant que je n'ai pas palpé la marchandise, je ne peux pas la certifier Doe. Je le concède, ce n'est pas encore un label connu, mais demain, tout le monde des voleurs se l'arrachera. Pourquoi, parce que le roi des voleurs, cela sera-moi ! À chacun, ces ambitions, qu'elles soient démesurées ou pas. J'avoue que j'aime bien la démesure, mais ce n'est pas pour autant que cela n'est pas réalisable. D'ailleurs, avoir l'orgueil et la gourmandise de devenir le roi des voyous que nous sommes, n'est absolument pas incompatible avec le fait de ne pas savoir qui est son patron.

Je le concède volontiers, il est vrai que savoir pour qui tu bosses dans ce style de travail, cela aide pas mal. Ceci étant, j'ai rencontré Andrew et Angelika. Ils discutent pas mal avec la pomme folle, mais restent évasifs quand on leur pose des questions à son sujet. D'ailleurs, la première question qui m'est venue en entendant son surnom, était, est-ce que la pomme est pourrie ? Abrite-t-elle un ver ? Oui, mon dernier leader, ami et frère m'avait entubé, mes frères et moi à l'époque. Je ne suis pas l'abri que cela se reproduise demain. Après tout, l'homme est fort, parce qu'il est faible. À vrai dire, je m'attends à l'inattendu en ce qui concerne la saveur de ce fruit, de cette manière, je n'aurais pas de bonnes ou mauvaises surprises. Enfin, un truc qui serait vraiment cool avec mon boss, cela serait qu'il ou elle ramasse ma savonnette à l'occasion. Il faut savoir qu'Angie a apprécié pour le coup. Il faut dire qu'elle a aimé être considérée comme une femme, pas comme Ewilan, une autre planche à pain. Je n'ai pas vraiment testé avec Andy, il lui manque une, je ne sais quoi, un poil de charme.

Le mec, avec sa tête, il fait vraiment peur en fait. Il a une bouille totalement négligée qui ferait peur à n'importe quel gosse, même les caïds. Ce détail passé, il faut lui reconnaître son expertise dans les marchés noirs est appréciable. Enfin, l'un n'excuse pas l'autre, même si l'un explique l'autre. D'ailleurs, en parlant de loup, le voilà qui se pointe dans ma direction. Oh, il me veut quelque chose ? Il veut peut-être me demander comment faire pour ressembler à quelque chose. Hum, si c'est ça, vu que c'est un cas désespéré, je ne vais pas lui faire faire gratuit. Oui, je veux bien l'aider, mais il faut aussi que lui fasse des efforts, je pense que cinquante mille jewels, c'est un tarif raisonnable. Attend mec, tu me l'as refait ! Quoi, la pomme folle veut m'a convoqué ! Hum, je vais enfin savoir à quoi ressemble mon boss ! Oh, le jour est à marquer sur le calendrier. Enfin pas le mien, il est déjà blindé. D'ailleurs, j'ai rendez-vous avec Johanna tout à l'heure. Elle m'a promis de faire faire un tour du grand huit comme jamais.

D'ailleurs, alors que je suis Andy avec sa magnifique gueule de mec pas du tout blasé, je me pose une question existentielle. Crazy Apple, c'est parce que c'est une nana complètement barrée, ou bien, c'est un gars livré par la cigogne avec l'option « folle ». Dans tous les cas, j'espère que c'est un beau morceau, sinon, je vais être vert, rester sur ma faim. Enfin, pas trop longtemps, parce que Joe va me remonter le moral tout à l'heure. Sauf si le boss de la silencieuse est en période rouge, cela peut me mettre en retard. Oui, je sais, j'ai des questions existentielles. Je sais, aucune ne concerne le pourquoi-du-comment de ma convocation. Pourquoi, c'est simple, j'ai l'esprit libre. Alors que cela soit pour une raison ou une autre, je n'en ai strictement rien à carrer. Là, je vais bouffer ma cerise sur le gâteau. En parlant de question vitale, l'une qui vient à l'esprit est : comment t'es gaulé mec aujourd'hui ? Ah, oui, j'ai des tongs aux pieds, un bermuda bleu, une chemise verte ouverte avec des motifs blancs sympathiques, faisant penser aux vacances. D'ailleurs, je partirai bien à Akana Beach. Je crois que mes lunettes de soleil confirment mon idée de partir me ressourcer en bord de mer. Qui sait, Johanna va peut-être vouloir m'inviter là-bas ?

Sur ce, je rentre cool dans son bureau, totalement détendu, genre le mec, il rentre vite fait avant de repartir en vacances. Trop dur ma vie !

Yo, Boss

A quoi ressemble Doe :

Toc toc toc. Personne n’avait frappé, ce n’était que Milo qui avait susurré ces mots quand il entendit la porte de son bureau s’ouvrir. Il poussa un long soupir d’exaspération. Un jour, il faudrait qu’il apprenne les règles élémentaires de la politesse aux rustres qu’il avait sous ses ordres. Imaginez un instant qu’il soit en train de batifoler avec une jeune et charmante demoiselle, ce serait embarrassant que quelqu’un vienne le déranger en pleine action ? Je vous l’accorde, il y a très peu de chance que cette tête d’épinard arrive à ramener quelque chose ressemblant de près ou de loin à une femme pour au final s’encoquiner avec dans ses quartiers. Mais laissez-le donc rêver !

« Yo, Boss. »

Andrew était revenu accompagné d’un sacré phénomène. Un sourcil relevé, il fallu plus d’une seconde à Milo pour reconnaitre John Doe dans ce look de touriste ! L’avait-il dérangé en plein milieu de ses vacances ? Non, ce n’était possible Milo n’était pas du genre à accorder des congés à ses membres voyons. Passons. Moins d’une minute plus tard, une nouvelle personne fit irruption dans le bureau du maître. Cette fois-ci, on toqua à la porte. Enfin quelqu’un de bien élevé ! C’était une jolie jeune femme avec un meilleur goût vestimentaire que Jonny. Lilith Ludwig si Milo ne se trompait pas.

« Lilith Ludwig. J'ai cru comprendre que vous vouliez me voir, Master. »

Correct. C’était bien elle ! À première vue elle semblait plus saine d’esprit que ce à quoi Milo s’attendait. Mais c’était peut-être une façade ? Pour le savoir il allait lui prêter une attention toute particulière au cours de cette entrevue. Bien, il ne manquait donc plus qu’un seul invité à cette réunion. Allait-il venir ? Pour le savoir, le maître de Silent Night adressa un regard plus qu’éloquent à celui qu’il avait envoyé chercher les trois jeunes gens. Et Andrew n’eut aucune difficulté à comprendre ce que voulait dire par là son master.

« Je n’ai pas trouvé Leonard. Il n’est pas à la guilde aujourd’hui, si je le vois je lui dirais que vous voulez lui parler. »

Et sans demander son reste, Andrew s’en alla laissant Milo en compagnie de Lilith et John. Tant pis s’il manquait quelqu’un, cela faisait parti des petits aléas de la vie ! Deux sur trois cela restait un bon score ! Le maître de Silent Night reporta alors son attention sur les deux membres qui étaient présents. Il leur adressa un sourire éclatant et jeta le magazine qu’il avait entre les mains sur son bureau, juste à coté de ses pieds.

« Merci d’avoir répondu à mon invitation. Je crois bien que c’est la première fois que nous nous voyons, mais j’imagine que je n’ai pas besoin de me présenter ? »

C’était une question purement rhétorique que Milo venait de poser là. Ces gens savaient à qui ils avaient à faire. Et Crazy Apple comptait bien profiter de la situation en les faisant exécuter ses quatre volontés à leur insu. Il en profiterait aussi pour les tester par la même occasion, comme c’était prévu au départ. Il ramena ses mains derrière sa tête et prit une posture un peu plus confortable sur son siège avant de reprendre son discours.

« Si je vous ai convoqué ici c’est parce que j’aimerais m’assurer que vous pouvez être utile à Silent night. Voyez-vous, notre guilde traverse une passe difficile, et je me suis dit que c’était la bonne occasion pour certains de nos membres de montrer de quoi ils étaient capables. Ce que je vous offre, c’est la chance de faire vos preuves et de gravir les échelons ! J’ai une mission de la plus haute importance à vous confier. Mais avant d’entrer dans les détails, je dois vous prévenir que vous pouvez quitter la guilde dès maintenant si vous ne vous sentez pas capable de répondre à mes attentes, suis-je bien clair ? »

Milo était on ne peut plus sérieux. Son regard était grave et son sourire s’était flétri au fur à mesure qu’il s’était expliqué. Il ne voulait pas être pris à la légère, c’est pourquoi il allait mettre le paquet dans son petit jeu d’acteur. Pour le meilleur, comme pour le pire !

HRP: