Val ? J'avais déjà traversé ce village plusieurs fois. Enfin, village. Il faut le dire vite, car si la population n'est pas très élevée, l'agitation y semble permanente. Comme si chaque jour était une fête. Une coutume locale que je trouvais agaçante. D'ailleurs, la dernière fois Ue j'étais venu ici, je m'étais retrouvé à chasser un sanglier aussi grand qu'introuvable dans la forêt d'Iria, en compagnie d'une jeune femme assez... Spéciale. Cet endroit ne m'évoquait pas de bon souvenirs et j'y aurais séjourné pour rien au monde. Le village, ou cette ville, peu importe, était un endroit trop petit pour pouvoir s'éloigner de l'agitation. Comme la guilde de Quatro Cerberus était présente, la chevalerie runique n'avait que très rarement l'occasion de passer. En d'autres termes, je ne voyais aucun intérêt de peindre ici, ni aucun intérêt d'y travailler.

Malheureusement, le destin peut parfois nous jouer de mauvais tours. Comment j'y suis arrivé ? En revenant de mission. Je ne faisais que passer. J'avais oublié que la route que j'empruntais passait par Val. Au temps pour moi, mais j'étais dégoûté. La ville ne me répugnait pas, je la trouvais même plutôt jolie, mais elle ne m'attirait pas non plus. Loin de là. Le seul avantage que je trouvais, c'était qu'une autre ville lui ressemblait : Hôsenka. Or, c'était à Hôsenka que j'avais fait la rencontre de John. Alias la personne qui avait ajouté la confiance à mon dictionnaire. On pouvait toujours faire de bonnes rencontres, donc ! Quoique j'étais pas préssé d'en faire. Je suis méchant ? Non, juste taciturne. Pourquoi les gens ont tant besoin de parler, de jouer avec leurs amis, de sortir... C'était pas plus simple de "juste" vivre pour ce qu'on était fait. En l'occurence, je vivais pour servir la justice. Je doutais que les gens de Val vivaient pour faire la fête. Quoique, la question n'est pas inconcevable.

Quand j'arrivai, c'était sans surprise que j'aperçu des villageois préparer une fête. C'était prévisible. Le fleuve qui coulait faisait passer régulièrement des bâteaux, ce qui me permit d'imaginer une façon rapide de partir. En revanche, le soleil était à son zénith et la faim commençait à se faire sentir. Tant qu'à être ici, autant trouver un endroit où manger. Ça pourrait m'éviter d'utiliser des rations et, donc, de les conserver pour plus tard. C'était donc parti pour la recherche d'un restaurant. Ou plutôt du restaurant. Autant manger dans un lieu calme, c'est plus agréable. D'après moi.

Le souci, c'est qu'à Val, chercher un lieu calme, c'est comme chercher du blanc dans une tâche d'encre : il n'y en a pas. C'était trop petit pour se perdre, alors je me retrouvais tout le temps au même endroit : la place. J'étais sur le point d'abandonner et de reprendre ma route lorsque je vis un voyageur. Je l'avais remarqué plusieurs fois en tournant en rond pour chercher un restaurant sympa. Il ne m'aiderait probablement pas autant que les habitants de Val, sauf que je refusais de leur parler. Comme déjà dit, la dernière fois, je m'étais retrouvé aux trousses d'un sanglier inexistant, ou introuvable, tout du moins. C'est pour ça que je m'approchai de lui :


J'avais donné mon prénom... Immédiatement, j'eus un remord. Je ne savais pas qui il était, ce voyageur. C'était trop tard, de toutes façons. Il ne me restait plus qu'à attendre une réponse.

Encore mon carnet !? Non mais qu'est-ce qu'ils avaient tous avec lui !? Je m'explique. Entre le blond idiot que j'avais rencontré dans les jardins de Crocus et ce sale gamin des rues de Val ; tous deux avaient montré un certain intérêt pour mes écrits. Mais ce n'était que du papier, enfin ! En quoi cela pouvait-il bien les concerner ?

En attendant, j'étais bel et bien partie pour une course-poursuite dans les rues. Je n'allais pas me faire distancer comme ça ! Mon carnet, il est sacré ! J'avais suffisamment galéré à le retrouver la dernière fois pour le perdre de nouveau !

J'accélérais et rattrapais le gosse. Petites mais rapides ; il n'aurait pas dû sous-estimer mes gambettes ! Enfin, j'atteignais les pans de sa veste et tirais un coup sec, le stoppant net dans sa course. Reprenant mon souffle en grimaçant, je le tenais fermement. Manquerait plus qu'il s'échappe à nouveau ! Finalement, je lui jetais un regard sévère; presque mauvais. Comme je détestais ce genre de gamin... :

- Rends-moi ça sale mioche ! On ne t'a jamais appris que voler les biens des autres ne se faisait pas ?

Je lui retirais mon bien des mains et lui tirais l'oreille. J'entendis clairement le « sorcière » que m'attribua mon voleur en repartant vers ses sombres occupations. Les jeunes de nos jours, sérieusement…

Soupirant, je repris mon chemin vers ma guilde. Évidemment, ça ne pouvait pas se finir comme cela ! Au détour d'un carrefour, boum, embuscade ! Le garçon n'avait pas dû apprécier que je le remette à sa place. Mais alors là, je risquais de vraiment passer un sale quart d'heure… « Je hais les gosses. ». Trois costauds contre un « poids-plume », je n'avais aucune chance. Il y a des fois où il faut savoir s'avouer vaincue… Et prendre ses jambes à son cou pour sauver sa vie ! Nouvelle cavalcade dans les rues de Val. C'est fou ce que cette ville peut soudainement vous sembler énorme lorsque vous êtes poursuivis…

Les commerçants nous regardaient en souriant, semblant trouver cette course-poursuite amusante… La fougue de la jeunesse , hein ? Sauf que moi, je ne m'amusais pas vraiment ! Je déboulais sur le port. Je n'avais certes pas pris énormément d'avance mais suffisamment pour rejoindre le QG et... Ah non. Tous les trois arrivaient par des chemins différents. Difficile de passer inaperçue, donc… Il me fallait une échappatoire ! Et vite ! Je sondais la place d'un regard inquiet. Un groupe de vieux tenant à peine debout, quelques dockers… Rien qui pourrait vraiment me couvrir. J'avais beau être mage, j'avais mes limites.

Soudain, je remarquais deux jeunes hommes dans la force de l'âge. Ils discutaient sur un coin de la place. Un rapide coup d’œil vers mes poursuivants me fit comprendre que le temps m'était compté. Sans réfléchir davantage je fonçais vers les deux inconnus et m'incrustais sans plus de façon dans leur groupe. Comme j'avais honte ; ce n'est pas comme si c'était dans mes habitudes d'aller vers les gens comme ça ! Pourtant, je continuais, les saluant assez fort pour être entendue. Forcément, ma voix était plus aiguë et tremblotante que la normale. Je ne pouvais pas cacher ma gêne :

- Hey les gars, ça faisait un bail !

Pourvu que les autres me laissent tranquille. J'ajoutais à voix basse pour mes deux complices :

- Pardon mais jouez le jeu, je vous en supplie !

Ma survie en dépendait ! Bon… j'en fais peut-être un peu trop, c'est vrai, mais en attendant on est jamais trop prudent !

Dernière édition par Rin Katsuya le Mer 11 Nov - 13:06, édité 1 fois

Dernière édition par Allan Skoll le Mer 27 Mai - 19:09, édité 1 fois

Non, non et non ! Pourquoi moi ? Pourquoi ici ? Pourquoi maintenant ? J'avais juste la dalle et je voulais manger, si possible, dans un coin calme. Mais non. C'était trop demandé à Val, apparemment. En même temps, faut s'en douter, la guilde établie ici avait pour credo "Wild", ça arrangeait pas les choses... Ceci dit, je ne refusais jamais d'aider la gente féminine lorsqu'elle est en détresse. Et tant qu'à faire, si on pouvait se faire inviter pour manger un morceau... Surtout moi, parce que l'autre gars, je le connaissais toujours pas, au final, même si je m'étais présenté ! Quoique sa présentation ne tarda pas, d'une certaine façon, puisqu'il donna son nom immédiatement après.


Lui, c'était soit un égocentrique sans nom, soit un des plus mauvais acteurs au monde. Je penchais plutôt sur la seconde option, je n'avais pas pour habitude de dénigrer les gens que je ne connaissais pas. En même temps, je connaissais si peu de monde que ça revenait à n'insulter personne. Il s’appelait Caim, donc. Et bah Caim, il n'était pas obligé de gueuler mon nom. Manquerait plus que mes supérieurs apprennent d'une façon ou d'une autre que j'avais pris part à une bagarre comprenant des gamins. Du moins des gamins dans leur tête, parce que Caim semblait plus âgé que moi. Quant aux propos qui suivaient, je ne retins que "mourir de faim". Tiens, ça résumait à peu près ma situation.

Lorsque je regardais derrière l'épaule de la jeune fille qui venait d'arriver, je vis trois types qui étaient sûrement en train de la chercher, vu qu'ils la regardaient l'air de dire "si on t'attrape, la seule nourriture que tu pourras encore manger, c'est de la soupe !". Déjà, là, on avait atteint un niveau profond en terme de malchance. Mais non, ça ne suffisait pas. Le destin s'acharnait sur moi. Un autre individu se rajouta. Il avait été bousculé et avait mal réagi face aux trois antagonistes. En utilisant ses pouvoirs, le Saki, apparemmment, il les avait malmenés quelques instants. Franchement, il aurait analysé la situation deux secondes de plus, il aurait vu qu'ils cherchaient une adolescente. Or, s'il était un poil sympa, il aurait évité de les provoquer, puisque ça retomberait forcément sur elle, une fois qu'on serait plus là pour la pseudo-protéger... Et c'était trop tard pour jouer la comédie maintenant. L'affrontement n'était plus une option. Ils s'étaient même mis en tête de tabasser le nouvel arrivant.


Je fis trois pas, dépassai la jeune fille, puis regardais les trois abrutis qui venaient gâcher ma journée. Comme si elle l'était déjà pas suffisamment. Je m'adressai ainsi à eux.


Moi ? Méchant ? Jamaiiis. Certes, je m'étais un peu emporté, mais en plus d'être épuisé par la situation, je n'acceptais pas que trois mecs s'attaquent à une fille. Encore moins quand elle est mignonne ! Non seulement ils n'avaient pas d'honneur pour faire du trois contre un, mais en plus ils s'attaquaient à une fille innocente. Ça pouvait me mettre hors de moi ! Ils avaient voulu la poursuivre et s'étaient maintenant arrêtés pour avoir de l'affrontement... Et histoire de montrer que ce n'était pas que des paroles en l'air, je sortis mon épée, dorée, et l'embrasai. Ça risquait de faire un poil plus mal que les ombres.

L'autre point, c'était que je venais de faire connaître mon affiliation avec le Conseil et l'armée. Les méchants avaient de quoi remettre en question leur plan. Ceci dit, s'ils voulaient vraiment se battre, ce serait sans problème. On serait quatre contre trois, à condition que la fille sache se battre, je n'en doutais pas pour Caim. On leur apprendrait l'honneur, à ceux-là... Ce serait pas fair-play, mais ce serait une juste sanction. En fait, j'allais devoir revenir sur mes paroles : ils n'allaient pas faire un pas de plus vers elle, puisqu'ils n'allaient tout simplement plus pouvoir, avec les combattants réunis. Et puis... J'avais pas envie de traîner, j'étais là pour manger, bon sang !

- Non mais ! Tu entends cela Kenta ?! Mademoiselle ose faire attendre le Magnifique Caim ! Voilà qui est si je ne m’abuse de l'insolence pure et dure ! J'aurais pu mourir de faim !

Dieu merci ! Ils voulaient bien jouer le jeu ! Intérieurement, je poussais un soupir de soulagement. Je ne sais pas ce que j'aurais fait si cela n'avait pas été le cas… Certes, la réplique ne cassait pas des briques mais qu'importe ! Ces garçons me sortaient d'un beau pétrin. Je les remerciais d'un timide sourire et jetais un œil vers l'arrière. Les gorilles avaient l'air d'avoir changé de cible. Curieuse, je continuais de fixer la scène, toujours protégée par le cercle privé de ces parfaits inconnus.

Faisant face à mes bourreaux, un homme à terre. Je m'en voulus aussitôt d'avoir entraîné tous ces gens dans mes embrouilles. Je me serais bien battue seulement, revenant à peine de mon voyage, j'étais épuisée. Mes réserves de magie n'auraient pas fait le poids, je le savais pertinemment. Alors, je me contentais de regarder, me mordillant les lèvres. Que pouvais-je faire ? Il fallait que j'agisse, je ne pouvais pas laisser ce pauvre garçon subir pour moi !

Pourtant, ce dernier murmura quelque chose que je n'entendis pas. Le vent ne soufflait pas dans le bon sens. C'est alors que tout se passa très vite. Les trois mordirent la poussière. De la magie ! Ce que je venais de ressentir, c'était de la magie ! Mais visiblement, ce ne fut pas suffisant. Tous se relevèrent, plus frustrés que jamais. Pas bon, ça. Mais de nouveau, quelqu'un s'interposa :

- Bon, bande de rigolos, ça va bien deux secondes, mais j'ai faim, moi... Je me présente, Kenta Hoshi, écuyer runique de Mac Anu. Si vous faîtes un pas de plus vers cette fille ou que j'apprends que vous vous en êtes pris à elle, vous n'aurez pas assez d'une vie pour le regretter.

Son ton faisait froid dans le dos ; et pour rien au monde je n'aurais voulu être à la place de mes agresseurs. J'avais beau ne pas aimer le sexisme, je devais avouer que se faire défendre de la sorte par la gent masculine, c'était plaisant. Rougissante, je regardais un instant mes pieds avant de m'avancer moi aussi. J'avais un plan.

Bien sûr, j'aurais pu le mettre en application avant, seulement, comme il était risqué, il valait mieux qu'il y ait des témoins. Il aurait probablement plus d'impact. J'inspirais donc profondément et lâchais d'une voix qui se voulait détachée :

- Eh bien alors ? Pourquoi votre copain n'est-il pas là ? Il a envoyé ses clébards le venger ? Ou alors LUI il sait très bien que Ren est dans les parages…

Devant leurs froncements de sourcils j'ajoutais :

- Bah oui, vous osez quand même vous en prendre à un mage de Quatro Cerberus, dans sa propre ville qui plus est !

Histoire d'appuyer mes propos, je rassemblais mes cheveux sur une de mes épaules, laissant mon tatouage à l'air libre. Et toc ! Qu'est-ce qu'ils disaient de ça les gorilles ? C'était peut-être du semi-bluff, mais j'espérais de tout cœur que cela ralentisse les ardeurs de chacun.

Dernière édition par Rin Katsuya le Mer 11 Nov - 13:10, édité 1 fois

Eh bien alors ? Pourquoi votre copain n'est-il pas là ? Il a envoyé ses clébards le venger ? Ou alors LUI il sait très bien que Ren est dans les parages… Bah oui, vous osez quand même vous en prendre à un mage de Quatro Cerberus, dans sa propre ville qui plus est !

Oh ? Vraiment ? Un mage de Quatro Cerberus, cette fille ? Mais pourquoi elle s'était pas battue plus tôt contre des gars qui sont obligés de s'y mettre à trois pour tenter quelque chose ? Aucune idée, mais en tout cas, maintenant, elle fanfaronnait. Sa marque de guilde était maintenant à l'air libre. Bon, ça me facilitait encore moins les choses. Je m'étais dit que, peut-être, j'allais pouvoir remettre nos obstacles (entre nous et la nourriture !) aux autorités de la ville pour justifier ma présence, mais si Ren Ikari passait, je me voyais mal faire quoi que ce soit. Je ne savais de lui que son nom et son pouvoir, et c'était bien suffisant. J'avais un peur des gens qui possèdaient le pouvoir de tuer un dragon, donc c'était pas la peine d'essayer de les connaître d'avantage. Encore moins dans un contexte où un de ses proches est un danger... Certes, je généralisais le cas de tous les pourfendeurs de dragons, mais je n'en avais jamais rencontré un seul, alors je me fondais sur les rapports que je lisais. Or, j'habitais Mac Anu, à une gare de Magnolia, guilde officielle qui rescence le plus de pourfendeurs et, également, le plus de dégâts sur des lieux, publiques ou non. Bref, l'idée de la présence d'un pourfendeur de dragon m'avait refroidi. Alors j'imaginais pas les autres types, qui étaient du mauvais côté de la barrière.



J'aurais pas dit mieux ! Ou peut-être que si, en plus poli. Faut être sacrément arrogant pour parler comme ça à côté d'un membre de la chevalerie runique. Encore plus pour parler en son nom. D'un autre point de vue, je pensais la même chose, alors j'avais pas mon mot à dire sur le sujet. Puis un quatrième mec apparu, leur chef. Et un cinquième. Ah, non, c'était Caim qui avait commencé à jouer avec eux. Zut, j'avais abandonné l'idée de me battre, moi... Et puis, se battre tout en ayant faim, c'est pas une bonne idée. J'allais jamais leur dire ça de cette façon, mais j'allais quand même exposer ma réticence au combat direct, aux blessés. On était sur une grande place... Donc des risques d'incendies moindre ? Bof, mais on va quand même faire avec ! Je soupirai, puis lançai :


Je levai les deux bras, laissant mon arme au sol. Une dizaine de boules de feu se formèrent au dessus de ma tête, dans un grand flash de lumière, dû à la création des cercles magiques. Et c'est sous un déluge de flammes que mes cibles prirent leurs jambes à leur cou. En réalité, je ne les visais pas, je n'allais pas faire de mal à des civils qui ne savaient même pas utiliser la magie. Et aussi, je n'avais pas envie de me les coltiner jusqu'à une prison... Je ne faisais que viser les pieds des quatre guguss, créant ainsi des explosions qui les déstabilisaient. Et comme on avait plus de méchants à sanctionner, on pouvait aller manger ! Je ne manquerais pas d'appétit ! L'usage de la magie, ça fatigue... Et ça creuse.

HRP:

- Bon ! Mademoiselle, Caim, monsieur, vous autres, arrêtez immédiatement vos gamineries. Il y en a qui ont besoin d'être calmés, je crois. Moi le premier. Alors, vous savez quoi, on va faire un petit jeu. Ça s'appelle la balle au prisonnier. Si j'en touche un, il est prisonnier. Littéralement, un aller sans retour pour la prison. Les équipes ? Devinez...

Le plus grand des deux avait l'air passablement agacé. Ma faute, marmonnais-je intérieurement. Je n'eus pas le temps de penser davantage, la bataille commença. Avec déception, je prenais mes appuis derrière eux. Pour ce coup-là, je me montrais tout sauf utile.

M'enfuir pendant que mes deux sauveurs se battaient ? Ça ne m'avait même pas effleuré l'esprit. J'étais certes à bout de souffle après mon long voyage et cette foutue course-poursuite mais de là à abandonner ceux qui m'étaient venus en aide, non. Ma magie était presque aussi épuisée que moi et au corps-à-corps face à ces bouledogues, je n'avais aucune chance. C'est donc angoissée que je vis les deux hommes se jeter dans la mêlée. Ils avaient l'air forts, je n'avais pas à m'inquiéter pour eux. Ou du moins, j'espérais…

Tout se passa très vite. Un marron par-ci, une boule de feu par-là… Visiblement, le membre de l'Armée runique était un mage de feu. Ça lui correspondait bien. Du moins c'est ce que moi je pensais. J'attrapais l'épée au sol. Elle était bien plus lourde que ce que je pensais. Seulement, je ne grimaçais pas sous l'effort et la gardais précieusement contre moi. Du bout du pied, j'avançais également le sac du voyageur vers moi. Le rôle de porte-affaire me convenait tout aussi bien qu'être fantassin sur le « champ de bataille ».

Enfin, lorsque le dernier idiot qui m'avait cherchée prit ses jambes à son cou, le chevalier runique se tourna vers nous ; le fameux Caim m'ayant rejoint.

- On passe à table ?

Lâcha-t-il avec un large sourire. Visiblement, se défouler de la sorte lui avait fait le plus grand bien. Aussi, je lui tendis sa lourde arme tout en m'adressant à mes deux compères. Je soupirais, rangeant ma timidité dans un coin :

- Eh bien… Je suis Rin Katsuya, Mage de Quatro Cerberus. Je tenais à m'excuser de vous avoir mêlé de la sorte à cette bagarre de rue. J'ignore ce qu'ils me voulaient mais… Je suis désolée. Peut-être que pour me faire pardonner, je peux vous offrir le repas ?

Et puis moi aussi, je commençais à avoir faim. Alors quitte à partager ma table avec deux gentilshommes m'ayant rendu service...

Dernière édition par Rin Katsuya le Mer 11 Nov - 13:13, édité 1 fois

Cette fille, à qui je pouvais désormais donner un nom, s'appellait donc Rin. Elle s'excusa de nous avoir embarqués dans la querelle et finit par nous proposer de nous payer le repas, en dédommagement. Je n'eus pas le temps de m'opposer à être invité par une fille que Caimbeul le fit. Il en avait même profiter pour me lancer une pique, me surnommant "preux chevalier". En fait, je m'en fichais pas mal en soit, mais ça m'agaçait sérieusement que ce genre de mentalité puisse exister : notre travail, on le fait pour eux, pour personne d'autre. Alors tenter de nous dénigrer en publique parce qu'il n'a pas su être aussi efficace, j'avais qu'un mot à dire : chapeau. Autant dire que, si je ne l'appréciais déjà pas vraiment, il me semblait alors vraiment désagréable. Je ne répondis pas. Cela semblait le satisfaire, puisqu'il entra dans un restaurant.



Évidemment, si je ne disais rien à Caimbeul, ce n'était ni plus ni moins pour éviter de chercher une mauvaise ambiance. Vu l'arrogance dont il faisait preuve depuis que je le connaissais, c'est-à-dire quelques minutes, le déjeuner risquait d'être interminable... Pourtant, j'avais tenté de faire passer la pilule de venir à Val en me disant que j'allais faire de bonnes rencontres !

En suivant la mage de Quatro Cerberus, j'entrai dans le restaurant. Il était simple, avec très peu de décoration. On l'aurait facilement confondu avec une brasserie si la seule source d'agitation n'était pas un client juste arrivé... Caimbeul nous attendait à une table. Je poussai un long soupir intérieurement, puis le rejoint. J'ouvris la carte, qui fis davantage office de rempart de discussion entre Caimbeul et moi que le support d'une hésitation entre deux plats. Je n'avais rien contre Rin, elle avait eu besoin d'aide, je la lui avais donné, et c'était une fille... Caimbeul, il s'était montré arrogant, un peu trop direct et essayait pourtant de se faire croire poli. Peut-être valait-il mieux être hypocrite dans certaines situations... En l'occurence, moi, je cherchais toutes les solutions pour éviter d'avoir à lui parler.


J'avais hésité à remplacer le nous par le moi, mais j'avais pas non plus l'envie de chercher à me disputer maintenant.

Hééé ! C'était presque macho de refuser de la sorte un dédommagement de ma part ! Ou peut-être plus galant… Voire macho ET galant. Mes réflexions devenant franchement étranges, je décidais de rentrer dans le restaurant et de faire comme si ces constatations ne m'étaient jamais venues à l'esprit. Ce qui, dans un sens, était vrai.
L'atmosphère de ce petit bistro de quartier reflétait assez bien l'ambiance générale de Val. Les gérants semblaient attendre avec impatience le début de la fête. D'ailleurs, en rentrant, j'avais effectivement pu apercevoir les banderoles festives et colorées qui pendaient à différents murs. Cela me fit sourire. Après tout, c'est bien connu, la ville des Cerbères est bien plus vivante de nuit…
Kenta et Caimbeul s'installèrent face à face, tandis que je prenais place à mon tour, en bout de table. Il devait être aux environs de deux heures de l'après-midi et je commençais sérieusement à avoir les crocs. Lorsqu'un serveur nous distribua la carte, j'entendis le chevalier me demander, concentré sur le choix de sa future commande :

- Rin, tu connais peut-être mieux que nous la carte... Tu nous conseillerais quelque chose ?

Je devais avouer qu'il m'avait prise au dépourvu. Je n'étais jamais rentrée dans cette guinguette, me contentant de la petite auberge où j'avais élu domicile. Aussi, j'ouvrais à mon tour le livret et scrutais les plats proposés tout en répondant :

- Pour être franche, je ne suis ici que depuis peu alors… Je n'ai pas vraiment eu l'occasion de tester toutes les enseignes.

Mes yeux s'arrêtèrent sur un des plats proposés. J'ajoutais donc :

- Mais pour ma part, je pense que je vais me contenter d'un cornet de frites.

Je reposais le menu sur la table. Oui et alors ? Ce n'est pas parce qu'on est une fille qu'on se sent constamment obligée de faire attention à sa ligne ! Et ne dîtes pas que je me cherche une excuse ! Se faire plaisir de temps à autre ce n'est pas un crime.
Heureusement pour moi, le serveur revint prendre les commandes. Je laissais mes deux acolytes faire leur choix et décidais pour une fois d'engager la conversation. Quitte à se montrer sociable, autant faire les choses à fond :

- Et donc ? Qu'est-ce qui vous amène à Val ? Avec un sourire gêné, je m'empressais d'ajouter, de peur de me montrer grossière ou déplacée. Du moins si je peux me permettre…

Alors si elle était nouvelle à Val, elle était également nouvelle à Quatro Cerberus. Elle avait du cran pour évoquer le Dragon Slayer de la guilde, alors qu'elle n'était ici que depuis peu de temps. Mais bon, c'est pas mes oignons. Mes oignons ils étaient dans mon assiette, car j'avais pris un plat au hasard en pointant du doigt sur la carte. Il n'y avait pas de tourte au poisson, il fallait donc faire avec un steak. Et puis, j'étais pas gêné de manger davantage que les autres : je me payais.


J'étais juste de passage, moi. Un passage qui devait être rapide, à l'origine, mais on a pas toujours ce qu'on veut. Ceci dit, si ma version était franche, je n'allais pas parler de cette façon à mon interlocutrice (car je ne mettais pas Caimbeul dans le groupe des gens attentifs). D'une part car elle était nouvelle dans ce village et d'autre part car je représentais un peu la chevalerie runique, ici. Je n'étais qu'écuyer, mais c'était pas la peine de propager des préjugés, bien que fondés sur deux phrases, selon lesquels nous étions des brutes en parlant à de jeunes filles. C'était pas une bonne image, ni pour les autres ni pour moi. Surtout pour moi, en fait : je perds mon temps à aider (puisque, apparemment, les dragons slayers sont si vite évoqués) et me retrouverait dans une sale posture. Bref, j'allais faire entorse à l'une de mes règles : ne pas mentir à une femme.


On se plaint, on se valorise et on complimente dans la même phrase, le tout l'air de rien. Mais quoiqu'il en soit, la parole était mienne. Je devais probablement renchérir. Sauf que... Aucune question ne me venait. J'étais pas là pour Quatro Cerberus, je ne savais pas quoi lui dire : j'avais hâte d'être de retour sur le chemin de Mac Anu.


Honnêtement, j'avais beau vouloir partir (mais manger quand même), si les gars qu'on avait vu revenaient... Ça me ferait plaisir de leur remettre une défaite. Je les avais d'ailleurs prévenu de ne plus s'en prendre à Rin, sans quoi ils acceptaient de recevoir ma réplique. Non pas que j'étais en colère, mais venir ici pour raccourcir le chemin et finalement être dérangé, on pouvait pas appeler ça une bonne journée.

Lorsque nous finîmes de manger, Caimbeul s'en alla le premier. Il devait être pressé. Il n'avait pas beaucoup parlé, pour une grande gueule comme lui. Quant à mon objectivité, elle était peut-être partie elle aussi. Les notes furent payées, puis nous partîmes chacun dans notre direction. Chacun dans son univers. Chacun chez lui.

Je dégustais lentement ma commande, écoutant la réponse du Chevalier. Enfin, écuyer. Mais pour moi, il avait tout autant de mérite qu'un de ces héros qui peuplaient certains de mes livres. C'est vrai quoi, je lui avais demandé de l'aide et il me l'avait apportée. J'avais proposé d'offrir le repas à mes deux sauveurs mais chacun avait refusé. Je ne voyais donc pas vraiment quoi faire pour payer ma dette. C'était ainsi que mon maître m'avait appris à voir les choses : ne jamais accumuler les dus, ça pourrait vous porter préjudice lorsque le seuil de service à rendre aurait atteint ses limites.

Kenta répondit finalement à ma question. Je sentais dans son ton que cet arrêt n'était pas prévu. C'était peut-être une manière polie de me faire comprendre que les molosses et moi en étions plus ou moins les responsables. Je m'en voulus, et mon esprit redoubla d'efforts afin de trouver quelque chose qui pourrait lui rendre la pareil. En mettant bien sûr de côté le « payer son repas », « faire la guide touristique car il était pressé » ou le « lui venir en aide lors d'un combat (sachant que je serai probablement peu utile) ».

En ce qui concernait Caimbeul, il demeurait étrangement silencieux. C'en était presque inquiétant ! Je me tournais alors discrètement vers lui, espérant seulement qu'il ne se soit pas étouffé avec une bouchée de sa commande. Mais non, le voyageur était simplement occupé à reluquer les jolies demoiselles de Val qui passaient à la portée de ses yeux. À sa guise, après tout…

Je reportai mon attention sur le runique et le remerciai alors sincèrement :

- Une nouvelle fois je te remercie, mais je pense qu'à l'avenir ils se tiendront tranquilles. Je crois que ton intervention les fera réfléchir un peu avant de s'en prendre au premier venu.

Je remarquais alors que nous avions tous terminé notre repas, même le petit brun, qui était déjà hors de vue. Peut-être qu'une jeune femme avait cédé à ses yeux doux ? Je ne m'en préoccupais plus. C'était certes dommage de se quitter comme ça mais tant pis, peut-être que j'aurais l'occasion de le revoir ? De toute façon, pour l'un comme pour l'autre, j'étais certaine de trouver un paiement lors d'une prochaine rencontre.

Nous quittâmes l'établissement. Kenta paya sa part et moi les deux restantes, faible compensation pour le service rendu. Un dernier regard de ma part, plein de gratitude et de respect, et Kenta tourna les talons. Je suivis un instant sa progression du regard avant d'esquisser un mince sourire. C'était amusant, de voir comme ce type avait l'air de détester ce genre de querelle enfantine. Et pourtant, il continuait de porter fièrement les couleurs du Conseil et de faire son travail. À mon tour je m'avançais vers le navire guilde, prête à aller raconter les aventures que j'avais vécues depuis mon départ.
Je ne me retournais pas. Mais secrètement, je souhaitais à cet écuyer runique de réussir à gravir les échelons, et continuer à servir la justice avec ses propres convictions. Comme je l'avais souhaité plus tôt à Saizo, l'Agent du Conseil des Landes Paisibles.
Tous deux méritaient de réussir. Mais pour ma part, j'avais encore beaucoup de chemin à faire avant de pouvoir être admirée comme je les admirais eux…

HRP: