Je me sentais… satisfait. Il était vrai que j’avais ressenti une petite appréhension en prêtant à un inconnu mon épée, même si cet inconnu était un artisan doué. J’avais en effet moi-même forgé ma lame et la confier à quelqu’un d’autre m’avait inquiété. Cependant, j’étais maintenant très content d’avoir laissé mon arme entre de si bonne main puisque le résultat était au-delà de toute espérance. Maintenant utilisable avec ma magie, elle devenait plus polyvalente et plus résistance. Un manieur de lame de base verrait d’ailleurs son arme se briser comme du verre face au tranchant amélioré de ma belle.

En sortant de la forge, j’avais décidé de me balader un peu, de faire visiter les lieux à Gobou. Et puis il fallait être honnête, mon ventre gargouillait un peu. Je m’étais donc débrouillé pour me trouver un vendeur pour lui prendre à manger. Après avoir payé, je lui avais demandé s’il ne connaissait pas un coin tranquille, histoire d’apprécier ce repas en toute tranquillité. Ce dernier me confia que l’extérieur de la ville était un endroit sûr grâce à la présence de la prestigieuse guilde Minami No Okami. Quand j’y pensais, je n’avais jamais rencontré de mercenaire appartenant à cette guilde. Les seuls que j’avais combattus étant des mercenaires solitaires. La curiosité et l’envie de quiétude me poussèrent donc à sortir de la cité pour m’aventurer sur les chemins effectivement calmes des dehors de la ville.

Après plusieurs minutes cependant, mon petit Gobou manifesta son envie de manger en me mordant la cheville pour me faire ralentir. Je soupirai donc doucement avant de m’asseoir tranquillement pour lui servir à manger et prendre mon propre plat. Sans surprise, l’Oscurini dévora en quelques instants sa propre part, et je décidai de lui offrir un peu de mon propre plat, riant sous son air coupable.

« Ne t’en fais pas va, je n’ai pas très faim. Tiens, régales-toi. »

Après encore quelques instants de doutes, la petite boule d’ombre mangea ce que je lui tendais, poussant un petit gémissement satisfait lorsqu’il eut fini. Je souris alors doucement et m’allongeais sur l’herbe, admirant le ciel étoilé qui s’offrait à moi. Je fermai alors les yeux, profitant de la douce brise du soir. J’entendais Gobou qui jouait sans doute avec une simple brindille d’herbe.
Après quelques minutes, je décidai de me lever pour me dégourdir les jambes. Mon oscurini se fondit dans mon ombre, prêt à reprendre la route et je me mis à marcher tranquillement. Mais après quelques instants de marche seulement, quelqu’un m’interpella. Je me retournai doucement jusqu’à poser mon regard sur un jeune homme, qui devait avoir quatorze quinze ans… Ce dernier ne semblait ni dangereux, ni foncièrement mauvais. Un garçon égaré ? Explorateur ? Je n’avais pas eu le temps de me faire un avis que déjà, mon familier sortait de mon ombre pour aller à sa rencontre. Il tourna autour de lui avant de pousser de petits cris. Je souriais doucement et lui répondis :

« Pourquoi pas. Je m’appelle Higuen, et voici Gobou, mon familier. »

Je repris alors ma marche, sachant pertinemment qu’il allait me rattraper.

Très rapidement, le jeune homme me rattrapa, se présentant sous le nom de Noao. Il semblait jeune et surtout naïf, il observait Gobou avec grand intérêt, c’était comme si il n’avait jamais vu de familier ou de créature magique jusqu’à aujourd’hui… Qu’importait cependant, puisqu’il était inoffensif à première vue et que la petite bête noire qui me servait de compagnon semblait déjà le considérer comme un ami. Excès de confiance ou amour à revendre, difficile à dire.. Mais mon Oscurini était un des êtres les plus gentils qui pouvait être sur cette Terre.

Avant d’avoir pu répondre à sa première question, le jeune garçon m’en posa d’autres, et j’avais vu juste puisqu’à en croire ses dires. Il n’était jamais descendu « en bas ». J’avais du mal à concevoir une enfance cloitrée sur une île, aussi grande soit-elle. Apparemment, il ne connaissait pas les guildes noires ni leurs dangerosités… Etait-ce possible ? Les parents de ce jeune homme avaient-ils tenté de cacher le mal que faisaient ces abominations ? J’avais du mal à m’imaginer une telle vie, moi qui avais été éduqué pour combattre ce fléau… Il n’avait donc que peu de soucis et devait vivre avec insouciance en cette ville flottante. Protéger par la guilde Minami No Okami et par sa position géographique, l’île ne risquait pas grand-chose…

C’était assez touchant de voir cette innocence de jeunesse… Allait-il trouver un métier et vivre tranquillement ici ? Sans se risquer sur la voie périlleuse de la magie ? En restant sur Rochair, il ne risquait vraiment rien, les chances de se faire attaquer par des mages noirs étant vraiment mince… Que ce serait-il passé si mes parents avaient vécu ici ? Comment aurait-été ma vie ? Une simple ballade, une enfance simple, des amourettes, des amis, des jeux, des déceptions, des joies, un mariage, des enfants, un foyer, un lit de mort entouré de mes proches ? C’était quelque chose… D’étrange… Je n’en avais pas envie, mais je ne rejetais pas l’idée non plus… C’était sans doute parce que je ne connaissais aucune de ces joies-là… Difficile d’être envieux de quelque chose que l’on n’arrive pas à concevoir… Finalement, plongé dans mes pensées, le jeune Noao eu même le temps de me poser une troisième question. La fameuse question qui me tombait tout le temps dessus, à savoir… Si j’avais une guilde… Ce jeune homme avait encore la vie devant lui, et je ne voulais pas lui embrouiller l’esprit à son âge avec des problèmes d’adultes…Ainsi, je souris doucement en baissant le regard jusqu’à lui.

« Cette petite créature, c’est un Oscurini, c’est un être de magie, son corps est composé de ténèbres et il est ainsi nommé à juste titre ténèbres vivantes. C’est mon compagnon et ami mais aussi mon partenaire de combat. Je ne l’ai pas élevé en vérité. J’étais allé sur une île où je pensais en trouver et après quelques difficultés, lui et moi sommes devenus amis, voilà tout.
Quant à en-bas… C’est vaste… Très vaste, moi-même je ne connais que le continent de Fiore et je n’ai pas visité tous ses recoins, loin de là. Le monde d’en bas comme tu l’appelles, regorge de secrets en tout genre, de mystère, de lieus incroyables et magiques. Des forêts enchantées, d’immenses montagnes enneigées, des plaines magnifiques, des terres désolées par des vieilles magies… Cependant… il est vrai qu’il existe certaines guildes mal attentionnées, mais elles sont minoritaires, la plupart des guildes sont des rassemblements de mages honnêtes qui œuvres pour le bien des gens. »

J’avais donné un point de vue qui n’était pas forcément le mien, mais c’était la réponse la plus simple et la plus adaptée ici. Je ne pouvais pas lui parler de Crime Sorcière ou de ces criminels plus en détail. Et je ne pouvais pas non plus donner mon avis sur les guildes officielles, symbole d’espoir pour le peuple… Et surtout, je ne pouvais pas parler du conseil magique… Cette organisation pourrie jusqu’à la moelle, gangrenée par la corruption et où l’injustice régnait en maîtresse… Le cas de Sebastian suffisait pour prouver que les huiles du conseil étaient des vendus…

« Sinon… non, je n’ai pas de guilde, je suis un mage solitaire, je voyage au gré du vent, tentant d’explorer le monde pour découvrir ses secrets et ses mystères. Et Gobou m’accompagne dans cette quête. »

J’avais évidemment menti, mais qu’importait, cette réponse était sans doute la meilleure.