Le soleil venait de se lever quand je quittai Shirotsume. J'avais prévu de faire une grasse matinée, mais l’habitude de me lever à l’aurore ne m’avait pas quittée sous prétexte que j’étais en vacances. J’avais préparé mes affaires la veille, je n’eus donc qu’à faire un brin de toilette avant de me mettre en route.
La route jusqu’à Crocus était longue, mais je réussis à trouver un marchand de choux qui accepta de me conduire gratuitement près de la capitale. Nous discutâmes longuement, de tout et de rien, mais surtout de choux, et je ne vis pas le temps passer. Le propriétaire de mon moyen de transport ne se rendant pas à la capitale, je le quittai à quelques kilomètres de celle-ci, au courant des variations du prix des légumes qu’il vendait pendant les dix dernières années. J’arrivai à Crocus tard dans la soirée et dénichai une auberge qui louait des chambres correctes à petit prix. Mes pieds me faisaient souffrir après avoir tant marché dans des chaussures peu adaptées, et je profitai d’une bonne nuit de sommeil dans un lit moelleux pour me reposer.
Je me réveillai le lendemain avec la sensation d’être sur un petit nuage. C’était mon premier jour de vacances, et je comptais en profiter au maximum ! Je pris à l’auberge un petit déjeuner qui me parut délicieux, puis sortis me promener dans les rues de Crocus. La ville était magnifique. Les rues colorées formaient un labyrinthe compliqué dans lequel je ne tarderais pas à me perdre. Flânant entre les maisons à l’architecture surprenante, je repensai aux événements des derniers jours.
J’avais rencontré deux mages en une dizaine de jours, ce qui n’était pas rien dans une ville peu fréquentée comme Shirotsume ! J’avais d’abord cédé au chantage d’un mage travaillant pour le conseil, Hiroyuki. Je ne l’appréciais pas particulièrement, même s’il était calme et peu bavard. J’avais ensuite passé une sympathique soirée avec Aldélie, mage à Blue Pégasus, avec qui je m’entendais plutôt bien. Crocus était une ville remplie de mages en tout genre. Allai-je en rencontrer aujourd’hui ? Je l’espérais, afin de pouvoir leur poser la question qui me brûlait la langue à chaque fois que je parlais à l’un d’eux : connaissaient-ils un mage maitrisant la magie de la neige ?
Je chassai ces interrogations de mon esprit afin de profiter de ma promenade. L’air était empli de senteurs diverses provenant des restaurants et des bacs de fleurs bordant les rues. Le soleil était déjà haut dans le ciel, et la ville fourmillait d’animation. Moi qui avais toujours vécu dans de petites localités, j’avais du mal à m’y retrouver. Cette foule compacte était déstabilisante. Je cherchai un lieu moins fréquenté où je pourrais profiter d’un peu de tranquillité, et m’enfonçai dans de plus petites ruelles. Je débouchai sur une petite place. Une mélodie légère parvint jusqu’à mes oreilles. Je fis un tour sur moi-même pour trouver sa source, qui était un magasin de pianos.
Intriguée, j’entrai dans la petite maison qui l’abritait. Le magasin s’étendait sur deux étages. Au rez de chaussée, un comptoir était placé face à la porte d’entrée, et de nombreux pianos s’alignaient de chaque côté. Je montai à l’étage, murmurant un timide « bonjour » au gérant. La musique venait d’un immense piano à queue, sur lequel jouait un homme d’un certain âge. Je marchai lentement entre les instruments, au rythme de la mélodie. Celle-ci m’apaisait étrangement et formait un véritable contraste avec l’agitation qui régnait à l’extérieur.
La musique se tut soudain, laissant un grand vide dans la pièce. J’entendis le pianiste descendre les escaliers puis échanger quelques mots avec le propriétaire du magasin. Je n’avais pas joué depuis ma dernière visite à ma famille, car je n’avais pas les moyens de me payer un piano. J’avais déjà eu du mal à réunir assez d’argent pour partir quelques jours en vacances à Crocus. Je retournai tout de même sur mes pas, en direction du piano à queue, et effleurai le clavier du bout des doigts. L’instrument en bois vernis était parfaitement entretenu, les touches étaient d’un blanc étincelant. Cédant à l’envie de jouer, je réglai le tabouret et laissai glisser mes doigts sur les notes tout en chantonnant.
- Hors RP:
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