Déjà trois semaines étaient passés depuis l'arrivée d'Alfheim et Aldélie à la guilde. Ils avaient réussis à plus ou moins s'intégrer, mais la demoiselle s'ennuyait déjà de ses parents. Elle avait entendu parler d'un festival de musique à Carmina et l'étrange duo comptait bien s'y rendre. Les gens qui étaient dans cette guilde étaient amusants et étrangement séduisants. Assise à une table avec son frère qui astiquait son épée, la poupée de porcelaine écrivait une lettre pour ses parents leurs racontant comment les deux jeunes adultes appréciaient leurs nouveaux chez-eux.

Elle y joignit quelques croquis des lieux avec un dessin de la femme-enfant qui les avait accueillis la première journée puis referma la lettre. Avec un sourire éblouissant, elle tendit la missive à son frère qui rengaina son épée et disparu à l'extérieur de la guilde sans bien sûr embrasser le sommet du crâne de sa tendre et délicate soeur.

Ladite soeur se leva de la table en réajustant la ceinture de son fourreau sur sa taille et traversa la pièce vers le tableau des missions. Cela faisait trois semaines, presque un mois qu'ils erraient dans la guilde comme des fantômes à rôder. Ils habitaient dans les dortoirs de guilde, mais ils n'avaient accomplis aucune mission pour s'aider et payer le maître des lieux. La frêle demoiselle se tenais droite comme une princesse à examiner minutieusement des affiches qui attiraient son regard d'ambre.

Elle chantonnait une mélodie tout bas, perdue dans ses pensées. À vrai dire, elle regardait les annonces, mais ne les lisait pas vraiment... Elle était physiquement présente, mais elle était perdue. Pas plus tard que la veille, Alfheim avait improvisé une mélodie sur son instrument et la poupée de porcelaine entendais la balade en répétition dans son esprit et marmonnait les paroles qui naissaient sur ses lèvres pleines.

Dans cet état de léthargie étrange, Aldélie ressemblait à s'y éprendre à son frère. Sa moue séduisante et son air mélancolique rappelais la froideur et la force qui se dégageait d'Alfheim comme une brume menaçante.

La magicienne répétait ses paroles comme une prière sans vraiment comprendre qui était dans cette triste mélodie ce ''fier seigneur'' qui avait tous jusqu'à ce que la pluie et l'orage ne ravage toute ses possessions et que son personnel ne le déserte... Elle répétait les paroles devant le panneau des missions sans comprendre pourquoi c'était ses paroles-ci qui sortaient de sa bouche et non d'autres plus joyeuses. Elle essayait de comprendre en vain... La guerrière, en chantonnant distraitement ses paroles macabres, caressait la garde de son épée.

L'homme qui se tenait désormais aux côtés de la belle rousse eu la joie que la délicate demoiselle lui offrit un regard de biais et un sourire taquin. Elle se hissa sur la pointe de ses pieds de danseuse pour mieux lire une mission située plus haut et repoussa des mèches rebelles derrière ses épaules en un geste gracieux. Indomptables, les cheveux qui s'échappaient de la couronne nattée de la belle retombèrent sur son visage affable et presque chérubin malgré ses pesque deux décennies. Lorsque la douce artiste reposa pied sur le sol, elle prit une petite inspiration et expira ses paroles.

L'absence de l'homme avec qui on a passé toute sa vie rendrait mélancolique toute jeune fille. Mais je ne le suis pas, au contraire, je suis plutôt de bonne humeur, car même loin, cet homme dont je vous parle réussis à rester dans mes pensées sous la forme d'une délicate mélodie qui bourdonne dans mes oreilles comme une symphonie aussi onctueuse que le miel.

Aldélie eue un petit rire adorable et elle se retourna complètement vers le nouveau venu. La danseuse eue un petit soubresaut en le découvrant complètement. Une silhouette dégageant assurance, force physique et contrôle. Une crinière blonde comme le soleil et la carrure musclé qui rapellait vaguement celle de son jumeau. Des cheveux qui semblaient si fins, si doux, si minces, si soyeux... Aldélie leva imperceptiblement sa main pour les caresser, mais se ravisa. On ne s'extasie pas devant les cheveux d'un inconnu que l'on vient de rencontrer, c'est un peu bizarre, non ?

Elle tendut une main aussi douce que le velours vers son nouvel interlocuteur pour essayer d'effacer son erreur imperceptible et lui offrit un sourire encore plus tendre que l'herbe du printemps. Ses yeux de flammes semblaient crépiter d'amusement et sa crinière orangée scintillait sous les lumières légèrement tamisées de la guilde. Son tour sur elle-même avait agité son épée qui cliquetait contre son côté et elle avait posé son autre main sur la garde turquoise par simple habitude. Tout, chez cette pégase, expirait la fluidité et la grâce.

Aldélie, enchantée de vous rencontrez !

Elle était adorable, avec son sourire qui montait presque jusqu'à ses yeux qui pétillaient de bonheur. Elle n'était peut-être pas une dragueuse patentée ou professionnelle comme la presque intégralité des pégases, mais elle aimait vivre et sa beauté lumineuse semblait n'avoir que d'égal que son amour pour son jumeau. Elle regardait l'étranger dans les yeux en l'invitant à lui serrer la main. Dans son genre, elle était la femme fatale du coin de la rue que l'on regarde à la vollée, sachant pertinemment qu'on ne pourra jamais trouver le courage de lui parler. Elle était la princesse prise dans sa tour de porcelaine qui se battait pour se sortir elle-même de la misère de son sort étrange dépourvut d'amour. Elle était la gitane qui charmait les passants qui ne font que pouvoir rêver d'une nuit à ses côtés.

La douce pression des lèvres de l'inconnu sur la délicate poupée de porcelaine la fit inexorablement sourire. La commissure de ses lèvres se releva et ce dessin, aussi frais et doux qu'un lever de soleil écarlate sur une plage de sable noir sembla illuminer le visage de la belle. Quel tombeur, quel charmeur, quel pégase, faute de mots. La mention du nom de son frère sembla donner une nouvelle étincelle au regard de braises de la demoiselle. Comme si l'on attisait la flamme d'un brasier ardent avec des épines de sapin rougies. Bref, la jeune artiste eue un sourire qui illumina son visage entier et balaya rapidement tel un ouragan le peu de mélancolie qui semblait vouloir s'attarder dans ses traits juvéniles qui s'électrisaient et devenaient un masque pâle un peu plus mature.

Alfi est effectivement l'homme qui plane dans mon esprit, cher Roy. Vous venez de où pour votre part ? Avez-vous siégé par-dessus les nuages ? Avez-vous déjà chassé un cerf aux bois en argent dans des bois aux arbres minces et élancés dont les branches dénudés de feuilles semblent supporter le ciel ? Avez-vous déjà osé sauter du sommet d'une cathédrale jusqu'à travers les nuages et dans un lac à des kilomètres sous cette mer de laine moutonneuse et vaporeuse. De où venez-vous, énigmatique personnage ?

Elle babillait un peu, mais la passion qui suintait de son être comme auréolé de cette impression contagieuse pouvait attirer majoritairement l'attention de son interlocuteur que son fier caquetage sur sa précieuse bourgade.

Elle retira doucement sa main de celle de ce pégase en lui adressant un sourire narquois et gitan. Elle présenta son dos à l'homme alors qu'elle glissait sur le sol vers d'autres missions avec sa démarche lunaire. Non seulement elle présentait son dos droit et ses épaules bien en axe, mais aussi sa chute de reins recouvert d'une courte jupe rouge qui fut dévoilée, car la danseuse retira son manteau d'un coup et le posa sur son avant-bras. Sa main droite glissait sur le tableau du bout des doigts en y laissant une petite traînée d'étincelles noires et mauves qui s'évaporaient lentement. Cette poussière intangible mystérieuse portait la signature énergétique de la belle pégase au regard de nuage. Elle s'étendait sur le tableau en arabesques délicats rappelant les branches sinueuses d'un arbre ou le chemin sanglant des veines sur la peau avant de s'évaporer dans l'air.

Aldélie se retourna vivement, ce qui évasa sa jupe écarlate autour de ses cuisses raffermies plus par le voyage et les déplacements que par l'entraînement qu'elle négligeait ses derniers temps. Peut-être Roy se ferait un plaisir d'être son partenaire d'entraînement ! Il semblait bien amical et ce verre, était-ce simplement la réputation de dragueurs de la guilde ou simplement qu'il trouvait la rousse de son goût. Cette dernière rougit un peu à cette idée mais adressa le sourire le plus angélique à son interlocuteur.

Demandé comme cela, je serai folle de repousser une offre si alléchante !

Elle noua son manteau sur ses hanches en laissant sa magie continuer à décrire des arabes délicats dans l'air par simple frivolité et lorsqu'elle dépassa Roy pour se rendre au bar, elle fit exprès de passer si près de lui qu'il aurait pu sentir l'odeur de vanille qui parfumait sa peau pâle et délicate et l'odeur de cannelle qui s'évaporait de sa crinière éclatante. La belle traversa la pièce en louchant vers les scènes. Elle arriva au bar, se hissa sur un tabouret et jeta un regard de biais à l'homme. Il l'avait suivie. Bien sûr qu'il l'avait suivie, quelle sotte était-elle de croire qu'il y avait une mince chance qu'il soit resté aux côtés du panneau de missions. La délicate femme demanda avec une gentillesse naturelle un verre de ce que la personne qui tenait le bar désirait la voir boire.

Exerces-tu un quelconque entraînement pour te garder en si bonne forme ?

Aldélie se figeât, sa boisson posée sur le bord de ses lèvres délicieuses, aussi douces qu'une goutte de rosée glissant sur le pétale d'une rose bleue, instant impossible vu que ses plantes ne pouvaient être crées que sous serre. Aldélie était en soie une créature mythologique représentant le pardon, la fin des souffrances et le début des bonheurs. Elle incarnait dans sa juvénilité la fougue, la vitalité, la vigeur et un des plus beaux bonheurs impossibles à trouver grâce à l'argent. Elle expirait par tout son être ce que les plus riches de ce monde cherchaient sur cette terre sans jamais le trouver.

Elle ne s'était jamais posée la question pourquoi son simple reflet la rendais heureuse et pourquoi sa seule présence semblait comme un baume au coeur des plus pauvres, démunis et surtout pour ses parents. Ce n'était pas un muscle que l'on travaillait, une réplique que l'on répétait, un art que l'on pratiquait mais seulement une raison de vivre simple, détachée des horreurs que le Royaume pouvait engendrer. Un papillon attiré par la lumière, scintillant, puissant, magnifique et intouchable. Aldélie était le genre à vouloir se brûler les ailes en voulant s'approcher trop près d'un feu trop ardent ; une tentation, une chasse, un objectif, mais sans jamais réussir à se faire mal.

Elle eue un rire enfantin qui donnait toujours une lumière dans le regard de ses parents, un enfant faisant ses premiers pas. Le premier mot d'Aldélie n'as jamais été ''maman'' ou ''papa'' comme ses géniteurs l'auraient voulu, l'auraient espéré, mais ''Alfi''. Cet enfant non désiré qui apportait dans son sillage que déceptions après déceptions et qui a créé entre lui et ses parents un fossé remplis de mauvais coups, de lettres de l'école, de plaintes d'autres parents et etc...

Le premier mot d'Alfheim a été ''Dé'' car le nom mélodieux et unique de la belle rousse était trop compliqué à prononcer pour ce gamin un peu dodu au regard glacial. La danseuse leva son regard de son verre vers son interlocuteur en repoussant une mèche rebelle derrière son oreille, libérant des relents parfumés de cannelle.

Le sourire de la belle qui se dessina sur ses fines lèvres était un peu amer. La question que tous se posaient. Comment Aldélie et Alfheim pouvaient être, de quelconque facon, reliés ? Comment cette jeune et forte femme faisait pour vivre aux côtés d'un être ne se mouvant que dans les ombres et la violence de la bataille. Comment ce soleil ardent pouvait avoir un lien quelconque avec cette lune de sang. Une relation étrange. Mais pas irréaliste. Le claquement des ongles de la belle sur le bois laqué du comptoir trahissait son agacement.

La jeune femme fini son verre en essayant de ne pas exploser. Elle aimait parler, Alf était silencieux. Elle et lui étaient des opposés, mais c'était bien pour cela qu'ils s'aimaient tant. L'un comblait le vide de l'autre, ils évoluaient inexorablement ensembles. La mort et la vie flirtant dans des corps mortels. Aldélie serra son verre vide entre ses doigts. Elle leva son visage délicat vers son interlocuteur. Son regard de feu brûlait non de passion ou d'amusement, mais d'un agacement certain.

Cette discutions avait assez durée. Elle ne servait plus à rien, elle tournait en rond. Aldélie ravala sa colère qui pointait et souris à Roy. Elle se leva de son tabouret et repoussa sa crinière derrière ses épaules -encore-. Elle adressa un dernier sourire à Roy avant de tourner le pas.