« COUCHE SALE BÊTE ! » Hurla la bonne femme en tapant le sol avec son sabre de bois. Cinquante ans qu’elle s’occupait de ces bestioles et pas une seule journée de repos en leur compagnie. On avait beau être le propriétaire de la plus grande boutique de la ville, d’être thuné aux as et être respecté par tous les habitants de la cité, on pouvait toujours se faire chier dessus à longueur de journée par une volée de piaf de cinq mètres de haut incapable. Au sens propre comme au sens figuré. Et pourtant, la bonne femme était toujours là ; Assise sur sa chaise, à regarder les aigles voler dans les cieux et dormir dans les cages. Son travail était sa passion : Toute jeune déjà, elle rêvait de pouvoir voler dans les cieux en compagnie de ces majestueuses bêtes. Son rêve s’était réalisé très jeune lorsqu’elle monta sur le dos de son vieil ami. Mais au moment où elle toucha le ciel de ses mains, elle avait perdu l’unique but dans sa vie.

Des années durant, elle chercha une autre raison de vivre. Et après jours et nuits, elle trouva en leur compagnie la force de poursuivre un nouveau rêve. Elle devint propriétaire d’une boutique, où l’argent coulait à flot et où elle ne manquerait jamais de compagnie. Même si, depuis cinquante ans, tout ce qu’elle faisait était d’engueuler ces pauvres bestioles et nettoyer la fiente qu’elles laissaient sur le sol sans honte aucune. Mais les affaires ne marchaient plus trop, récemment. Et même si elle n’avait pas de soucis d’argent et qu’elle n’avait nul loyer à régler, discuter avec des inconnus insoucieux et volontaires, motivés à dompter ces braves bêtes, lui manquait. Ecouter la vie des habitants de Rochair et de leurs stupides histoire d’honneur, de sabre, de seppuku et autre harakiri n’avait rien de trépignant. Pour satisfaire une vieille pie de soixante-dix balais, il fallait bien plus que cela.

Soudain, la porte s’ouvrit. Et apparut une jeune belle femme qui, ni une ni deux, demanda ce qu’elle voulait. Un aigle, donc. Les yeux grands ouvert, la propriétaire de la boutique se leva, fixant la cliente de son regard de fer, du haut de son mètre vingt. Avant de se retourner vers la bêbête que la mage de Sabertooth fixait depuis bien deux secondes. « Kof. Alors déjà cocotte, c’est « madame ». Je sais qu’il y a pas beaucoup de femme qui porte aussi bien la barbe que moi, mais c’est bien « madame ». Ensuite, les aigles sont des braves bêtes qu’on ne dompte ni ne dresse. On les aime, on les charme et ils nous séduisent. Tu fais bien de choisir ceux-là plutôt que ces saletés de lycaon… Que je donnerais chère pour ne plus jamais en voir grmblblblbllblb » Lança la grand-mère, crachant par la même occasion son dentier qui retomba pile dans son verre. Elle le remit ensuite en place, sous le piaffement des oiseaux. « Un aigle, c’est cinq cent quarante mille jewels tout rond. Pas plus, pas moins. Si t’es prête à payer tout ça, tu pourras en emporter un. Faudra juste faire attention à ce qu’il ne s’envole pas, ce serait dommage de perdre un demi-million à cause d’une étourderie. »